En janvier dernier, Alex Karp, le PDG d'un éditeur de logiciels, expliquait devant l'audience de Davos que sa société est «responsable de la majorité des tirs ciblés en Ukraine». Alex Karp est le patron de Palantir Technologies, une entreprise de Big Data qui, au même titre que Starlink, Planet Labs, Maxar, SunCalc ou GIS Arta, est devenue incontournable dans les milieux de la défense depuis le début de «l'opération militaire spéciale» en Ukraine.

Basé à Denver dans le Colorado, Palantir intègre, agrège et traite des données non structurées telles que des images satellitaires et de radars à synthèse d'ouverture, des images thermiques, des feeds de réseaux sociaux, des vidéos, puis «superpose» l'information traitée à des cartes numériques du champ de bataille, avant de faire des recommandations de cibles qui sont remontées à l'opérateur. Dans un échange avec le journaliste David Ignatius, Alex Karp renchérit: «La puissance des logiciels militaires algorithmiques est maintenant si grande qu'on pourrait la comparer à la possession d'armes nucléaires tactiques face à un adversaire disposant seulement d'armes conventionnelles.»

Aucun doute, nous sommes entrés dans une ère nouvelle, ce que les Américains appellent «algorithmic warfare». Une ère qui place la technologie au cœur de l'écosystème de la guerre de haute intensité. Pour la France, puissance moyenne avec des ambitions globales, il s'agit au plus vite de rattraper le retard.

 

Le grand bond en avant de la loi de programmation militaire

Dans un contexte lourd d'accélération des dépenses militaires partout dans le monde, la loi de programmation militaire (LPM) 2024-2030 prévoit d'allouer 413 milliards d'euros à la «transformation des armées», dont 10 milliards à l'innovation de la défense, répartis entre quatre niveaux principaux.

D'abord, le spatial: création d'un centre de commandement C4 (computerized command, control, communications) des opérations spatiales développé dans le cadre du programme «Action et résilience spatiales» (ARES), la programmation des satellites patrouilleurs-guetteurs, de lasers en orbite et de la conduite d'opérations spatiales militaires. Ensuite, l'exploitation des technologies de robotique sous-marine jusqu'à 6.000 mètres (drones sous-marins, robots, lutte antimines marines). Puis, un gros coup d'accélérateur en matière de cyberdéfense, autant en cybersécurité qu'en action numérique, et enfin, investissement renforcé dans le champ informationnel.