Islam |
La Kaaba, située à La Mecque en Arabie saoudite, est le centre de l'islam |
Présentation |
Nom original |
arabe : الإسلام ; Alʾislām (« la soumission ») |
Nom français |
Islam |
Nature |
Religion distincte |
Lien religieux |
Apport du judaïsme et du christianisme avec changements majeurs disruptifs |
Principales branches religieuses |
Sunnisme (90 %) et chiisme |
Nom des pratiquants |
Musulman |
Croyances |
Type de croyance |
Monothéisme |
Croyance surnaturelle |
Divinité, djinn, ange |
Principales divinités |
Dieu (Allah en arabe) |
Principaux prophètes |
Ibrahim, Moussa, Issa et Mahomet |
Personnages importants |
Mahomet, Ali (chiisme) |
Lieux importants |
La Mecque, Médine, Jérusalem |
Principaux ouvrages |
Le Coran, divers recueils de hadiths |
Pratique religieuse |
Date d'apparition |
viie siècle |
Lieu d'apparition |
Arabie |
Aire de pratique actuelle |
Monde entier |
Nombre de pratiquants actuel |
1.8 milliard |
Principaux rites |
Divers rites suivant branches et mouvements religieux |
Clergé |
Pas de clergé sauf dans le Chiisme. |
Classification |
Classification d'Yves Lambert |
Religion de Salut universaliste |
Période axiale selon Karl Jaspers |
Formation des grands empires (ive siècle av. J.-C. - ier siècle av. J.-C.), puis des grandes aires civilisationnelles politico-religieuses |
L'islam (arabe : الإسلام ; Alʾislām, la soumission et la sujétion aux ordres de Dieu1) est une religion abrahamique s'appuyant sur le dogme du monothéisme absolu (تَوْحيد, tawhid) et prenant sa source dans le Coran, considéré comme le réceptacle de la parole de Dieu (الله, Allah) révélée à Mahomet (محمّد, Muḥammad), proclamé par les adhérents de l'islam comme étant le dernier prophète de Dieu2, au viie siècle en Arabie au sud-ouest de l'Asie3. Un adepte de l'islam est appelé un musulman ; il a des devoirs cultuels, souvent appelés les « piliers de l'islam ». En 2015, le nombre de musulmans dans le monde est estimé à 1,8 milliard, soit 24 % de la population mondiale4, ce qui fait de l'islam la deuxième religion du monde après le christianisme et devant l'hindouisme. C’est, chronologiquement parlant, le troisième grand courant monothéiste de la famille des religions abrahamiques, après le judaïsme et le christianisme, avec lesquels il possède des éléments communs.
L’islam se répartit en différents courants, dont les principaux sont le sunnisme, qui représente 90 % des musulmans5, le chiisme et le kharidjisme.
Les musulmans croient que Dieu est indivisible (sans fils)6 et inimaginable (sans image)7 et que l'islam est la religion naturelle au sens où elle n'a pas besoin de la foi en l'unicité divine pour constater l'existence de Dieu, cette vérité étant donnée tout entière dès le premier jour et dès le premier Homme (soit Adam)8. Ainsi, elle se présente comme un retour sur les pas d'Abraham (appelé, en arabe, Ibrahim par les musulmans) du point de vue de la croyance, le Coran le définissant comme étant l'étalon-pied, la lieue de la Kaaba, le mille d'Abraham (milla ta Ibrahim)9,10,11, c'est-à-dire une soumission exclusive à la volonté d'AllahNote 1,Note 2,Note 3.
Le Coran reconnaît l'origine divine de l'ensemble des livres sacrés du judaïsme et du christianismeNote 4, tout en estimant qu'ils seraient, dans leurs interprétations actuelles, le résultat d'une falsification partielle12 : le Suhuf-i-Ibrahim (les Feuillets d'Abraham), la Tawrat (le Livre de Moïse13 identifié à la Torah), le Zabur de David et Salomon (identifié au Livre des Psaumes) et l'Injil (l'Évangile de Jésus14).
Le Coran établit l'importance de la Sunna de Mahomet qui est connue par des transmissions de ses paroles, faits et gestes, approbations (y compris silencieuses)15,Note 5, récits appelés hadîths, auxquels se réfèrent la majorité des musulmans pour l'établissement de règles juridiques (fiqh) permettant la compréhension et l'accomplissement des adorations du musulman au quotidien. Les différentes branches de l'islam ne s'accordent pas sur les compilations de hadiths à retenir comme authentiques. Le Coran et les hadiths dits « recevables » sont deux des quatre sources de la loi islamique, la charia, les deux autres étant le consensus (ijma’) et l'analogie (qiyas). Il établit également le devoir d'aimer la famille de Mahomet (ahl al-bayt, littéralement « les gens de la maison »).
Étymologie
Le croissant et l'étoile verts, symboles politiques de l'islam.
Le mot « islam » est la translittération de l’arabe الإسلام, islām écouter, signifiant : « la soumission et la sujétion aux ordres de Dieu »1. Il s'agit d'un nom d'action (en arabe اسم فعل ism fi'l), qui désigne l'acte de se soumettre volontairement, dérivé d'un radical sémitique, s.l.m, à l'origine d'une classe de mots signifiant la concorde, la complétude, l'intégrité ou la paix16. Le nom d'agent (en arabe اسم فاعل ism fā'il) dérivé de cette racine est مُسْلِم muslim « celui qui est aminci » en vieil arabeNote 6, mais « celui qui se soumet » en arabe moderne, à l'origine du mot français musulman17. Dans la première communauté, le croyant portait le nom de mu’minun et non celui de muslimun18. Ce n’est que plus tardivement que cette religion prendra le nom d’islamNote 719.
On trouve, particulièrement dans les anciens romans de chevalerie, les termes « mahométisme » (anciennement « mahométanisme »20) et « mahométan », qui sont tombés en désuétude depuis plus d'un siècle21. Ces termes dérivent tous deux du nom francisé « Mahomet ». La religion musulmane a, par la suite, été désignée en français par le mot « islamisme » (comme « judaïsme », « christianisme », « bouddhisme », « animisme », etc). Ce terme est de création française et son usage est attesté en français depuis le xviiie siècle, Voltaire l'utilisant à la place de « mahométisme » pour signifier « religion des musulmans ». Au xxe siècle, le mot « islamisme », remplacé par celui d'« islam » dans cette ancienne acception, a changé de sens et s'est spécialisé pour désigner l'utilisation politique de l'islam22, l'islamisme devenant alors une doctrine politique qui vise à l'expansion de l'islam23. Les termes « islam » et « musulman » ne sont employés couramment en français que depuis le xxe siècle20.
Le mot « islam » avec une minuscule désigne la religion dont le prophète est Mahomet. Le terme d'« Islam » avec une majuscule24 désigne la civilisation islamique dans son ensemble25, un ensemble de traits matériels, culturels et sociaux durables et identifiables
26. Il désigne, au-delà de la religion proprement dite avec sa foi et son culte, une puissance politique et un mouvement de civilisation généralNote 8.
Le mot « Musulman » (avec une majuscule) désignait au sein de l'ex-Yougoslavie une des communautés nationales (nationalité distincte depuis 1974) et la désigne encore dans certains des États qui en sont issus27. Au temps du Troisième Reich, dans les camps de concentration, le mot « musulman » ou « muselmann » est utilisé pour désigner les faibles, les inadaptés, ceux qui étaient voués à la sélection
28,29,30.
Histoire
Mihrab de la
Grande Mosquée de Kairouan, celle-ci étant le plus ancien lieu de culte de l'Occident musulman. La niche est un joyau de l'art islamique au
ixe siècle.
Pour l'historienne Jacqueline Chabbi, l'islam des origines souffre encore d'un déficit d'historicité. La lecture historico-critique qui s'est appliquée pour le judaïsme et le christianisme n'a guère touché l'islam jusqu'à présent31
. L’étude de cette période reste complexe, pour des raisons méthodologique et l’état des sources. « Ce passé primordial arabo-musulman se donne, en effet, à lire comme un récit composé a posteriori et visant à légitimer un pouvoir musulman confronté à ses propres divisions et à la splendeurs des empires passés ». Cette histoire est une construction du IXe et Xe siècle32.
L'islam est apparu en Arabie au viie siècle sous l'impulsion de Mahomet. Un siècle après sa mort, un empire islamique s'est étendu depuis l'océan Atlantique à l'ouest jusqu'à l'Asie centrale à l'est. L'islam naît dans un contexte de "violence endémique". De nombreuses batailles caractérise cette période. Dès le premier calife, Abu Bakr, une guerre est menée par des arabes qui défendaient leur croyances ancestralesNote 9. La mort du troisième calife entraîne une guerre civile parmi les musulmans33...
Cette période d'expansion territoriale et de construction politique du califat voit se mettre en place la religion islamique, ses dogmes, ses normes et ses rites32. William Montgomery Watt écrit : « On estime en général que le dogme ne s’est développé qu’à partir du califat de ʿAlī »34, quatrième calife dans la seconde moitié du VIIe siècle. Pour Sabrina Mervin, l'adoption de l'ach'arisme [Xe-XIe siècles] acheva la construction de l'orthodoxie sunnite
35. De même, l'apparition du nom de Mahomet à la fin du viie siècle est considérée par Frédéric Imbert comme une évolution dans l'expression de la foi36. Cette période est aussi celle de la rédaction du Coran, qui, pour François Déroche, n'est pas stabilisé avant le viiie siècle37,Note 10. Le califat abbasside voit se mettre en place une fixation de la religion musulmane. Durant celui-ci (approximativement du ixe au xie siècle de l'ère commune), la sîra et les hadiths sont mis par écrit38,39 et des chaînes de transmission orale reconstruites40. Pour Jacqueline Chabbi : La tradition prophétique s’invente à ce moment-là, à travers ce qu’on appelle les hadiths, c’est-à-dire les paroles et les actes prêtés au prophète sur lesquels on veut calquer sa conduite. Mais c’est une figure complètement reconstruite
41.
Territoire sacralisé par les musulmans qui se mettent en état d'
ihram. Au moment de sa mort en
632,
Mahomet avait réussi à réunir toute la péninsule Arabique.
Après l'éclatement politique du premier califat, il y eut des dynasties rivales réclamant le califat, ou la conduite du monde musulman, et beaucoup d’empires islamiques furent gouvernés par un calife incapable d'unifier le monde islamique. En dépit de ce morcellement de l'islam en tant que communauté politique, les empires des califes abbassides, l’Empire moghol et les Seldjoukides étaient parmi les plus grands et les plus puissants au monde.[réf. nécessaire] Plus tard, aux xviiie et xixe siècles, plusieurs régions islamiques tombèrent sous les puissances impériales européennes. L'islam ottoman est influencé par la pensée occidentale et connaît plusieurs réformes42 tandis que naît le wahabisme, prônant un retour aux sources43.
Bien qu'affectée par diverses idéologies, telles que le communisme, pendant une bonne partie du xxe siècle, l'identité islamique et la prépondérance de l'islam sur des questions politiques augmentèrent au cours de la fin du xxe siècle et le début du xxie siècle. La croissance rapide, les intérêts occidentaux dans des régions islamiques, les conflits internationaux et la globalisation influencèrent l'importance de l'islam dans le moulage du monde du xxie siècle[réf. nécessaire].
Démographie et géographie
Carte de la distribution mondiale des
musulmans, exprimée en pourcentage dans chaque pays. Données du Pew Research.
En 2015, le nombre de musulmans dans le monde est estimé à 1,8 milliard, soit 24 % de la population mondiale4. La diffusion de l'islam, hors du monde arabe, s'explique par la préférence communautaire, les migrations44 et le prosélytisme45. L'islam est aujourd'hui la religion ayant la plus forte croissance démographique46. Si les tendances démographiques actuelles se poursuivent, l'islam pourrait dépasser le christianisme et devenir la première religion au monde d'ici 207047. Cette croissance rapide s'explique essentiellement par un taux de fécondité plus élevé permettant un rajeunissement de la population48.
L'islam est la seule religion dont le nom figure dans la désignation officielle de plusieurs États, sous la forme de « République islamique ». Il s'agit alors officiellement de la religion d'État[réf. nécessaire]. Toutefois, ces républiques ne sont pas les seules, plusieurs États mélangent le droit des anciens pays colonisateurs avec le droit religieux comme la Moudawana au Maroc[réf. nécessaire].
Il peut se produire une confusion entre Arabes et musulmans, principalement à cause de deux facteurs : l'origine arabe de l'islam et la place centrale qu'occupe la langue arabe dans cette religion. Il y a environ 422 millions d'Arabes49, dont la grande majorité est musulmaneNote 11. En réalité, seulement 20 % des musulmans vivent dans le monde arabe48. Un cinquième de ceux-ci sont situés en Afrique subsaharienne, et la plus grande population musulmane du monde est en Indonésie, suivie par le Pakistan50. D'importantes communautés existent au Nigeria, au Bangladesh, en Afghanistan, en Inde, en Iran, en Chine, en Europe, dans l'ex-Union soviétique, et en Amérique du Sud. Il y a 3,3 millions de musulmans aux États-Unis (soit 1 % de la population américaine)4 et 2,1 millions de musulmans « déclarés » en France (soit 3,2 % de la population française)51 selon l'INED et l'INSEE, principalement issus de l'immigration auxquels il faut ajouter les conversions, dont le nombre est très difficile à déterminer d'autant qu'il y a des conversions en sens inverse et des apostats. Toutefois, selon l'IPSOS, la perception du nombre de musulmans est globalement surévaluée dans 40 pays étudiés52.
Au début du xxie siècle, l'athéisme est, selon certains sociologues, en forte progression dans des pays traditionnellement musulmans53. Ce phénomène s'observe principalement au Maghreb, en Egypte et au Soudan54.
Les devoirs du musulman
Tout musulman doit normalement respecter des obligations de culte pouvant prendre le nom de « piliers de l'islam » (arkān al-Islām)55. Si ces commandements sont d'origines coraniques, leur mise en place s'étend sur les premiers siècles de l'islam. Ainsi, la forme de la Chahada évolue après la mort de Mahomet56 et certains aspects de la Salat sont encore discutés au ixe siècle57. Epars dans le Coran, ils ne forment pas, comme par la suite, une exposition systématique des conditions de la foi. Se référant à un hadith prophétique ("L'islam est bâti sur cinq [choses]"Note 12), les écoles juridiques sunnites ont peu à peu, durant les trois premiers siècles, formulé l'adhésion à l'islam sous la forme de 5 piliers58.
L'origine de ces différents pilier interroge les chercheurs. Ainsi, Pour Amir-Moezzi, on n’a d’ailleurs pas encore mesuré le poids de l’influence manichéenne en islam. J’ai l’habitude de rappeler que 4 des 5 piliers de l’islam semblent avoir des antécédents chez les manichéens : la profession de foi, les cinq prières quotidiennes, un mois de jeûne par an, l’aumône, tout cela fait partie des fondements du manichéisme et se retrouve en islam. Le chiisme sert de catalyseur et de porte d’entrée à de multiples influences qui vont ensuite imprégner l’islam parfois dans son intégralité.
59. D'autres influences, chrétiennes, juives, polythéistes, ont pu être repérées dans ses obligations ou dans leurs formes60
Tronc commun : cinq « piliers de l'islam »
Ces cinq « piliers » (arkān) constituent la [base] de la pratique religieuse de tous les musulmans, [qu'ils soient] sunnites (90 % des musulmans5) [ou] chiites
61.
1. Chahada (« déclaration de foi ») : elle représente une partie credo islamique et consiste en une phrase très brève : écouter (« أشهد أن لا إله إلا الله و أشهد أن محمداً رسول الله ») Je témoigne qu’il n’y a de véritable divinité qu'Allah et que Mouhamed est Son messager.
, soit la foi en un Dieu unique (tawhid), Allah, et la reconnaissance de Mahomet comme étant son prophète ;
2. Salat, l'accomplissement de la prière quotidienne et ce cinq fois par jour ;
- الصبح (Al-Sobh)
- الظهر (Al-Dohr)
- العصر (Al-Asr)
- المغرب (Al-Maghreb)
- العشاء (Al-Ichâa)
3. Saoum, le respect du jeûne lors du mois de ramadan ;
4. Zakat, l'aumône légale envers les nécessiteux, si on est imposable : elle consiste en un prélèvement obligatoire de 2,5 % dès un seuil d'imposition de 20 dinars (évalués à 84 grammes d'or de 18 carats)20 ;
5. Hajj (« pèlerinage ») : il consiste à se rendre à La Mecque au moins une fois dans sa vie, si on en a les moyens matériels et physiques ;
Dans le kharidjisme : un sixième pilier
En plus des cinq « piliers » ci-dessus, les kharidjites (littéralement, les « sortants » ou « dissidents ») ont considéré, dès les débuts de l'islam58, un « sixième » pilier de l'islam62 :
6. Djihad (« abnégation », « effort », « résistance », « lutte » ou « combat », parfois traduit par « guerre sainte »).
Dans le chiisme : jusqu'à dix « auxiliaires de la foi »
En plus des six « piliers » ci-dessus, le chiisme duodécimain (représentant 80 % des chiites63) en rajoute encore quatre64, soit dix au total, qu'il nomme « Auxiliaires de la foi » :
7. Khoms (« cinquième du butin ») : il a été étendu par la suite à tout revenu qui ne correspond pas à un travail ou à un héritage (dons, offrandes, récompenses, primes, etc.) afin de rémunérer les savants considérés comme les héritiers des prophètes ;
8. Al Wala' Wal Bara' (« la loyauté et le désaveu ») : elle régit les rapports de la Oumma avec le monde extérieur : elle implique de reconnaître l'autorité des douze imams de la maison du prophète Mahomet (Ahl al-bayt) et de se désavouer de leurs ennemis ;
9. Amr-Bil-Ma'rūf Wa Nahi-Anil-Munkar (« ordonnance du bien et interdiction du mal ») : elle régit les rapports internes de la Oumma65 ;
10. Taqiya (arcane du secret
66) : elle consiste initialement à dissimuler sa foi pour échapper aux persécutions religieuses : par la suite, elle sera dévoyée pour cautionner des entreprises de subversion dans le cadre de l'activisme politique : en tout état de cause, elle est volontairement passée sous silence66.
Les ismaéliens (courant minoritaire) rajoutent aux six « piliers » (arkān) : (7°) la Wilayah (« amour et dévotion pour Allah, les prophètes et l'imam ») ; (8°) la Tahara (pureté rituelle
)67 ; et (9°) la Taqyia66. Par contre, les druzes (branche de l'ismaélisme) les rejettent en bloc64.
Les croyances de la foi musulmane
La définition de la foi musulmane (إيمان
, « al imân ») découle des textes du Coran ou des hadiths68. Sans être exhaustif, ces derniers définissent la croyance (ou la foi) par : La foi (imân) est que tu croies (1er) en Dieu, (2e) en Ses anges, (3e) en Ses livres, (4e) en Ses messagers, (5e) en la réalité du jour dernier, et (6e) que tu croies en la réalité de la destinée, qu'elle soit relative au bien ou au mal
Note 13,69.
D'autres éléments sont ajoutés au credo islamique : Quiconque dénie la croyance (en la venue) du Dajjâl, aura, certes, mécru, et quiconque dénie la croyance (en la venue) du Mahdi, aura, certes, mécru
70[réf. nécessaire]. Sur la base d'autres hadiths, Ahmad Ibn Hanbal a affirmé : La Balance (des bonnes et mauvaises actions) est vérité, le pont au-dessus de l'enfer (Sirât) est vérité, la foi en le Bassin et en l'intercession du Prophète est vérité, la foi en le Trône divin, la foi en l'Ange de la mort et en le fait qu'il s'empare des âmes, puis les rend aux corps, la foi en le fait que l'on soufflera dans le cor, dans l'imposteur (Dajjâl) qui se manifestera au sein de cette nation, et en le fait que 'Isa Ibn Maryam (c'est-à-dire « Jésus, fils de Marie ») descendra et le tuera
71[réf. nécessaire].
Dans la jurisprudence religieuse, l'adhérent à l'islam est nommé mouslim (musulman, circoncis de la chair) et l'adhérent à l'imane est nommé mou'min (croyant, circoncis du cœur), sans pour autant faire de dissociation entre les deux car ces deux termes sont considérés par l'islam comme indissociables et complémentaires72,Note 14.
Dans l'islam, la croyance et la pratique, le fond et la forme, sont intimement liées. En effet, les versets coraniques décrivent souvent le croyant mou'min comme étant « celui qui croit et pratique de bonnes œuvres ». Dans la pratique, cela n'exclut pas la présence de croyants ne pratiquant pas (considérés comme « pécheurs »), ou des pratiquants ne croyant pas (considérés comme « hypocrites » par l'islam)72. Pour l'islam, les actes sont le reflet de la foi et ils ne valent que selon leurs intentions. Autrement dit, les rites sont inutiles s'ils ne sont pas accomplis avec sincérité73[réf. non conforme].
Allah
Article détaillé :
Allah.
Allah (avec l'article agglutiné) est le terme sans pluriel, ni genre, utilisé par les musulmans et arabophones chrétiens et juifs en référence à Dieu, alors que le mot 'ilāh (arabe : إله) est le terme utilisé pour une divinité, une déesse ou un dieu, en général7. L’islam croit en un dieu unique, créateur de toute chose et maître du jour du Jugement Dernier74. Le Coran ayant été rédigé en langue arabe, c'est donc naturellement le terme Allah qui est utilisé pour désigner le dieu unique, créateur, omniprésent et omniscient75. En particulier, pour se convertir à l’islam, la profession de foi islamique, appelée la Chahada, énonce : « J'atteste qu'Il n'y a pas de divinité si ce n'est Dieu (Allah) et que Mohammed est Son messager » (Ashhadu an lâ ilâha illa-llâh wa Ashhadu ana Mouhammadan Rasûlu-l-llâh)76.
Certains passages coraniques rappellent que le nom Allah désignait pour les mecquois avant la période islamique le Dieu créateurNote 15,74,77. Le terme Ilah apparaît, précédé de l’article, dans la poésie préislamique comme un nom divin impersonnel et signifie le dieu évoqué dans le contexte (déjà mentionné, par exemple...). Cette littérature montre aussi l’existence de la contraction en Allah78. Le terme Allah est attesté dans les poèmes des tribus arabes chrétiennes d'Arabie comme les Ghassanides et les Tanukhides79,80,81. Une inscription du vie siècle trouvée à Umm al-Jimal atteste de l’usage de ce nom75,82. Dans une inscription chrétienne datant de 512, les références à Allah sont en arabe et en araméen, soit « Allah » et « Alaha ». L'inscription commence par la déclaration Par le secours d'Allah
83,84. Le nom Allah était donc utilisé par les chrétiens avant l’islam85.
Allah est présent dans le Coran mais ce texte n’a pas pour but d’exposer les attributs d’Allah. Il est regardé par les musulmans comme la Parole de Dieu, celui-ci y demeure inaccessible bien que ces « perfections transcendantes » soient évoquées74. Dans le Coran, certains versets montrent une description anthropomorphique d’Allah. Il a une face, des mains, des yeux... Ces descriptions ont fait l’objet de débats exégétiques et théologiques74. S’appuyant sur les hadiths d’une part et sur le tafsir de l’autre, la théologie (ou ‘ilm al-kalam), principalement d’origine mutazilite, s’est penchée sur la question du divin, de son unicité et de sa justice. La question du rapport entre l’essence divine et ses attributs est particulièrement sensible, certains traditionnistes refusant toutes recherches rationnelles74.
Anges
Représentation d'un ange, probablement Israfel. 750-1258, époque Abbaside
Le Coran affirme l'existence des anges (croyance obligatoire pour tout musulman86,87), qui sont les ambassadeurs (arabe: ملك malak , signifiant « ambassadeur ») de Dieu (comme ses homologues en hébreu, malakh, et en grec, angélos) dont ils exécutent ou transmettent les ordres.
Statuts des anges
Si le Coran présente les anges comme soumis à Allah, qu'il est catégorique quant à leur obéissance, [...] il est en contradiction avec leur nature créée et leur relation à cet égard avec les Djinn et Shaytan.
88. La parfaite obéissance des anges est une lecture traditionnelle des récits autour de la Création89. Certains érudits comme Tabari et Ashari ont accepté les anges déchus et ne croyaient pas à l'impeccabilité des anges. Ils soutiennent que seuls les messagers parmi les anges sont infaillibles90.
A contrario le Coran parle de la chute d'Iblis dans plusieurs sourates91. Une autre sourate est une « difficulté dans la doctrine de l’impeccabilité des anges »88. Elle fait allusion à Harout et Marout, anges déchus pour avoir succombés aux plaisirs de la chair. Selon le récit ceux-ci ont été enfermés dans une fosse et auraient enseigné aux hommes la magie92.
Les musulmans croient que les anges sont faits de lumière, ils sont par ailleurs décrits dans ce verset par exemple : "Lounge à Allah, Créateur des cieux et de la terre, qui a fait des Anges des messagers dotés de deux, trois, ou quatre ailes. Il ajoute à la création ce qu'Il veut, car Allah est Omnipotent" (Coran, sourate 35, verset 1)87,93,94,95.
Parmi les anges, les archanges Gabriel (Jibrîl), Michel (Mîkâ'îl) et Raphaël (Isrâfîl)96 jouent des rôles d'une importance considérable. À leur tête, l'archange Gabriel est chargé de la révélation (coranique entre autres97) en laquelle il y a vie pour les âmes et les cœurs. L'archange Michel est chargé de la pluie en laquelle il y a vie pour la terre, les plantes et les animaux. L'archange Raphaël est chargé de souffler dans la trompe en laquelle il y a vie des êtres après leur mort98.
Existence des djinns
La plupart des musulmans croient en l'existence des djinns. Divinités pré-islamiques, les djinns sont, pour l'islam, des créatures créées pour adorer Allah99. Ils sont invisibles mais sont capables de prendre forme humaine ou animale. La sourate al-jinn leur est particulièrement consacrée99. Les Djinns peuvent être démoniaques ou angéliques99.
Il y a particulièrement un vif débat au sein de l'islam au sujet d'Iblis (le diable) où deux avis sont opposés sur l'appartenance de Satan parmi les djinns (êtres de feu), ou à son stade particulier d'ange déchu (être de lumière), le Coran étant contradictoire sur ce point99. Les salafistes (tenants du dernier avis) fondent leur position sur la lecture de la sourate Al-Baqara, alors que les soufis (tenants du premier avis) fondent la leur sur celle de la sourate Al-Kahf notammentNote 16,Note 17,Note 18[réf. nécessaire]. Si Iblis est présenté par le texte coranique tantôt comme un ange100, tantôt comme un djinn101, la majorité des commentateurs du Coran (le jumhûr), le considère comme un ange déchu devenu l'un des djinns102.
La nature des djinns interroge les chercheurs. Pour Reynolds, djinns et démons appartiennent au même genre et sont des anges déchus, les djinns pouvant en venir à croire. Crone considère que les djinns sont d’une espèce différente que les anges. Enfin, Dye, considère que les djinns ont été assimilés par le Coran aux démons, sans s’intéresser à leur nature réelle103. Le Coran cherche à diaboliser les djinns et les présente comme des créatures à la fois dangereuses et amorales, ce qui les rapproche des démons vus par le christianisme. La présentation coranique des djinns s’insère dans le courant chrétien de diaboliser les êtres intermédiaires, entre Dieu et les hommes103.
Écritures
L'islam reconnait plusieurs textes comme étant des textes révélés. Les plus connus sont le Coran (qour’ân) révélé à Mahomet, la Torah (tawrât) révélée à Moïse, les Psaumes (zaboûr) révélés à David, les Évangiles (injîl) révélées à Jésus14,104. Il y aussi des références aux feuillets d'Abraham et de Moïse dans le Coran105.Le Coran porte néanmoins une accusation contre les juifs et les chrétiens d'avoir falsifier leurs Écritures. Elle s'inscrit dans le prolongement du refus de ceux-ci de reconnaître Mahomet comme prophète et dans l'accusation portée contre ceux-ci d'être de mauvaise foi106. Cette accusation a une mise en place longue et la forme maximaliste d'Ibn Hasm, de réfutation systématique, est celle aujourd'hui largement répandue dans le monde musulman106. Jacques Jomier considère ces critiques comme « insoutenables scientifiquement »107,108.
Selon les musulmans, le Coran est le dernier des livres révélés, car Mahomet est pour eux le dernier prophète et, de toutes ces écritures révélées, seul le texte du Coran serait demeuré intact. Le texte des autres livres révélés aurait été falsifié sur Terre, mais préservé dans les cieux.[réf. nécessaire]
Révélation du Coran
Article détaillé :
Coran.
Calligraphie de la sourate
Al-Fatiha, sur une omoplate de chameau,
xixe siècle.
Le Coran (en arabe : القُرْآن, al-Qor’ân?, signifiant « la récitation ») est le principal texte sacré de l'islam. Il contient 114 sourates, commençant par la sourate fatiha-al-kitab, « فاتحة الکتاب » (sourate-al-Hamd, « سورة الحمد ») et se terminant par la sourate Al-Nas, « سورة الناس ». Pour les sunnites, il reprend verbatim la parole du Dieu unique109. Ce livre est le plus ancien document littéraire, completNote 19 en arabe connu jusqu'à ce jour110,111. La tradition musulmane le présente comme un ouvrage en arabe « clair » ou « pur »112, avec le caractère spécifique d'inimitabilité dans la beauté et dans les idées113.
Pour les musulmans, le Coran regroupe les paroles d'Allah, révélations (āyāt) faites au dernier prophète et messager de Dieu Mahomet (محمد, Muḥammad, « le loué ») à partir de 610–612 jusqu'à sa mort en 632114 par l'archange Gabriel (جبريل, Jibrîl).
Selon les traditions, Mahomet étant analphabète jusqu'à l'âge avancé de 40 ansNote 20, il n'est pas celui qui aurait mis par écrit le Coran. Durant la vie de Mahomet, la transmission des textes se faisait principalement de manière orale et se fondait sur cette « récitation » qu'évoque précisément le terme qur'ān, même après l'établissement à Médine. Le terme « collecte » (jama'a) a été rendu ambigu par les lexicographes musulmans pour y rajouter l'idée de mémorisation. Cette évolution permet de résoudre des contradictions internes aux traditions et d'occulter les luttes entourant la mise à l'écrit du Coran115. Certains versets ou groupes de versets ont été occasionnellement écrits sur des omoplates de chameaux ou des morceaux de cuir, par des croyants. Il s'agit de témoignages fragmentaires et rudimentaires de la notation116,117.
Toujours selon ces traditions, peu après la mort de Mahomet (en 632), un premier recueil du Coran fut compilé sous l'autorité du premier calife et beau-père de Mahomet, Abou Bakr As-Siddiq118, qui, à la demande d'Omar ibn al-Khattâb, lorsqu'un grand nombre de compagnons ayant mémorisé le Coran par cœur furent tués à la bataille d'Al-Yamama, met le scribe du prophète Zayd ibn Thâbit à la tête d'une commission ayant pour mission de réunir tous les passages récités de son vivant afin de les sauvegarder dans un écrit déposé entre les mains de sa fille Aïcha, veuve de Mahomet.Le troisième calife, Othmân ibn Affân (644-656), à la suite de divergences de récitations survenues entre Irakiens et Syriens, aurait demandé à Hafsa de lui prêter le manuscrit en sa possession afin de fixer un texte unique et officiel à partir de cette édition et d'expédier des copies reliées dans les différentes provinces musulmanes20,119. Afin d'éliminer tous risques d'erreurs et de parer à toutes éventuelles contestations, la commission n'accepta que les écrits qui avaient été rédigés en présence de Mahomet et exigea deux témoins fiables à l'appui, qui avaient réellement entendu Mahomet réciter les versets en question120. Malgré ces efforts pour prévenir tout schisme à l'intérieur de l'islam, les kharidjites, par puritanisme, ont rejeté notamment comme apocryphe la sourate Yusuf, en ce qu'elle évoquerait en des termes scabreux la femme du Potiphar d'Égypte s'entichant du beau Joseph (Youssef dans le récit coranique) et ce, en dépit du récit biblique convergent quant à cette affaire20.
Aujourd'hui, de nouvelles approches réétudient les traditions musulmanes. Ainsi, toutes les traditions de compilation sous Abu Bakr et celle d'Othman remontent à Ibn Shihāb al-Zuhrī, mais pour François Déroche, il n’est pas totalement certain que le récit d’al-Zuhrī ne soit pas le résultat sinon d’une falsification totale, du moins d’une réécriture de l’histoire
121. Les sources anciennes montrent, en réalité, une multiplicité de traditions121. L'examen de fragments, pourtant censés être postérieurs à Othman, montre que l'écriture manque encore de précision. L'absence de diacritique sur toutes les lettres laisse la porte ouverte aux divergences
121. La nature de l’intervention du calife ‘Uthmān serait donc différente de celle que la tradition lui attribue.
. Pour Amir-Moezzi, la plupart des traditions liées à la collecte du Coran naissent à l'époque omeyyade, quelques dizaines d'années après les faits quelques dizaines d'années qui comptent pour plusieurs siècles tant entre les deux époques, les énormes conséquences des guerres civiles et des grandes et fulgurantes conquêtes ont bouleversé l'histoire et la mentalité des premiers musulmans
122. Pour Anne-Sylvie Boisliveau, [Viviane Comerro] revient une dernière fois, et magistralement, prouver qu’il y a eu « théologisation progressive de l’histoire du texte canonisé » : les informations transmises en Islam à propos de la manière dont le Coran a été rassemblé et fixé ont été rendues conformes au dogme définissant le Coran
123.
Concernant ces questions de la rédaction du Coran, les chercheurs proposent différentes alternatives allant d’une durée de mise à l'écrit courte à partir de l'œuvre d'un seul auteur jusqu’à un travail rédactionnel collectif et tardif. Deux principaux modèles se dégagent : celui d’une « collecte » précoce du texte coranique sous le calife Othmân ibn Affân, à côté de celui d’une « rédaction » collective et progressive tout au long du viie siècle ayant abouti à une forme quasi-définitive sous le califat d'Abd Al-Malik124. Pour François Déroche (du 1er modèle), l’histoire de la vulgate coranique est donc à reconsidérer sur une plus longue durée. Si les bases en ont été jetées assez tôt, avant l’intervention du calife ʿUthmān, le rasm [litt. « tracé »] n’était pas encore stabilisé à l’époque où a été copié le Parisino-petropolitanus et ne le sera sans doute pas avant le IIe /VIIIe siècle
125. En effet, ce manuscrit contient encore des variantes au niveau du rasm « qui ne sont ni conformes à celles que reconnaît la tradition, ni réductibles à des particularités orthographiques »126. Dye conclut que si certains écrits coraniques datent de l’époque du Prophète, il ne convient pas pour autant de se limiter au Ḥiǧāz du premier tiers du VIIe siècle pour comprendre l’histoire du Coran. Il y a eu une activité compositionnelle et rédactionnelle après la mort de Muḥammad. Les rédacteurs du Coran sont des auteurs (et non de simples compilateurs) qui ont pu réorganiser, réinterpréter et réécrire des textes préexistants, voire ajouter des nouvelles péricopes […]
127.
Le Coran est composé de cent-quatorze chapitres nommés sourates, de longueurs variables. Chaque chapitre est connu sous un ou plusieurs titres. Ces titres proviennent soit des premiers mots du chapitre, soit d'un épisode considéré comme prégnant. Ils n'appartiennent pas à la révélation et ne figurent pas dans les premiers manuscrits coraniques connus, mais furent rajoutés par des scribes pour distinguer les chapitres du Coran128.
S'il n'y a aujourd'hui qu'un seul Coran, il existe sept lectures canoniques nommées Qirâ’at. En effet, après que le Coran a été fixé par écrit, on en a précisé ultérieurement la vocalisation et établi les règles de la psalmodie. Seules deux variantes de lectures du Coran (Qirâ’at) sont véritablement connues de la plupart des musulmans et ont fait l'objet d’une réelle diffusion dans le monde arabe : la lecture occidentale (en Afrique) ou lecture de Médine est connue sous le nom de « lecture de Warch » ; et la lecture orientale (en Asie) ou lecture de Koufa est connue, quant à elle, sous le nom de « lecture de Hafs », chaque nom étant tiré du nom du spécialiste de cette science. La différence entre les lectures tient avant tout à la psalmodie, la manière de lire, de prononcer. C’est d’ailleurs pour cela que l’on parle de « lecture ». Mais il existe aussi et surtout des différences dans le découpage des sourates en versets, autrement dit dans la « dimension » des versets, ce qui explique également les différentes modalités de psalmodie129.
La plupart des musulmans ont un grand respect pour le Coran et font les ablutions, c'est-à-dire se lavent comme pour faire les prières, avant de le toucher et de le lire130,Note 21.
Dogme de l'arabité
Le dogme de l'arabité proclame que le Coran a été révélé à Mahomet dans sa langue : en une langue arabe très claire.
(Coran, sourate 26, verset 195). Le deuxième terme « n'a aucun sens linguistiquement et historiquement » car « il n'y a aucune raison de penser que l'environnement dans lequel naît le Coran n'était pas, d'une façon ou d'une autre, multilingue (l'ensemble du Proche-Orient l'était) — autrement dit, il convient de reconnaître la présence de nombreuses traces de bilinguisme/multilinguisme dans la langue même du Coran »131. S'appuyant sur une recherche de Luxenberg, Gilliot traduit ce terme par « élucidé »/ « rendu clair ». Pour l'auteur, ce terme est lié au Coran qui explique/interprète/commente des passages d’un lectionnaire en langue étrangère
132.
De nombreux emprunts à d'autres langues sont présents dans le Coran. Certains de ces mots étaient déjà considérés comme obscurs au viie siècle133. Elle englobe toutes les langues des pays limitrophes de l’Arabie, celles qui appartiennent à la famille sémitique : l’akkadien, l’araméen, l’hébreu, le syriaque, l’éthiopien, le nabatéen, le sudarabique, et les langues non sémitiques des Empires grec, romain et perse134. Pour Alphonse Mingana, 70 % des termes d’origine étrangère dans le Coran proviendraient du syriaque135.
Selon le récit religieux musulman, la langue arabe aurait été révélée à Adam en 29 lettres de l'alphabet. Et Mahomet de préciser que : Lâ est une seule lettre
(c'est-à-dire la négation et non pas la hamza qui marque seulement un coup de glotte)136.
Bien que la traduction du Coran pose problème et soit rejetée par certains courants conservateurs « littéralistes », le Coran fut tout de même traduit très tôt, du moins partiellement. Ainsi, selon une tradition musulmane, la première sourate, la Fatiha est traduite du vivant de Mahomet par Salman le Perse afin d'être récitée lors de la prière par les PersesNote 22,137, tandis que Ja`far ibn Abî Talib, frère d'`Alî, a traduit quelques versets parlant de Jésus et de Marie en langue guèze (éthiopien classique), lorsqu'il était ambassadeur au nom de Mahomet auprès du souverain chrétien d'Éthiopie, le Négus138. Néanmoins, certaines voix se sont rapidement élevées contre tout effort de traduction coranique
139. Parmi d'autres, une traduction complète en persan est, tout de même, établie en 956139.
Toutefois, après la mort de Mahomet, les courants les plus conservateurs de l'islam ont exprimé un refus catégorique de traduire le Coran considérant que la traduction n'est plus la parole de Dieu140. Le dogme du caractère inimitable du Coran, transcription écrite de la parole divine, et du caractère sacré de la lettre a longtemps servi à s'opposer aux traductions141. La traduction de ce texte ancien peut être problématique par l'absence de certitude [sur] le sens qu'avaient bien des termes utilisés par le Coran, dans le milieu où il est apparu.
ou par la polysémie de certains termes. Une des traductions modernes les plus scrupuleuses, celle de l'Allemand Rudi Paret, est parsemée de parenthèses et de points d'interrogation
141. Ainsi, Cuypers cite le premier verset de la sourate 96 : Lis (ou « proclame ») au Nom de ton Seigneur !
, que la tradition associe à la lecture et à la proclamation du Coran. Des recherches contemporaines permettent de le retraduire en « Appelle/Invoque le Nom de ton Seigneur », reconnaissant dans ce passage un appel à la prière et non un envoi en mission141.
Dogme de l'inimitabilité
En réponse à ses contradicteurs, les musulmans proclame que le Coran est un miracle et qu'aucune parole humaine ne saurait le surpasser en beauté. Son inimitabilité sert le double objectif de prouver l'authenticité de l'origine divine du Coran et la prophétie de Mahomet à qui il a été révélé comme messager pour le genre humain142. Depuis le iiie siècle de l'hégire ce concept est devenu un dogme113. Le terme iʿjâz utilisé pour définir l'inimitabilité de celui-ci n'est attesté qu'à partir du ixe siècle et aucun traité ne lui est consacré avant le xe siècle143. Pour Liati, on constate que le dogme de l’inimitabilité formelle du coran est tardif et qu'il ne s'est imposé que contre des résistances très vives87
.
Les bases du dogme sont présentes dans le texte coranique où plusieurs versets évoquent l'incapacité des hommes à frustrer la volonté d'Allah142 : Dis : « Même si les hommes et les djinns s'unissaient pour produire quelque chose de semblable à ce Coran, ils ne sauraient produire rien de semblable, même s'ils se soutenaient les uns les autres
. (Coran, sourate 17, verset 88)
Selon la tradition islamique, un certain Musaylima al-kadhdhâb a tenté, en vain, de relever ce défi, déclarant à ses compatriotes du Nejd venus le trouver pour contrer la prophétie de Mahomet : À moi aussi, l'ange Gabriel m'a apporté une sourate pareille
144. Par ailleurs, un certain nombre de poètes, dont Bashâr Ibn Burd († 784), Abū al-ʿAtāhiyya († 828), Al-Mutanabbi († 965) et Abu-l-Ala al-Maari († 1058), ont écrit des textes dépassant, selon eux, le Coran en éloquence145. Si les traditions évoquent plusieurs cas de personnes ayant tenté de relever le défi, les « révélations » conservées sont en leur quasi-totalité […] inventées par les musulmans eux-mêmes
pour critiquer ou ridiculiser les auteurs attribués146. Gilliot voit dans cette défense de l'inimitabilité du Coran un raisonnement circulaireNote 23,147.
Pour Gilliot, Le recours à la soi-disant « inimitabilité » linguistique ou thématique du Coran ne vaut que pour qui adhère à ce theologumenon. Aux yeux du linguiste ou du traducteur, d’inimitabilité, point n’est148 !
Pour Maxime Rodinson, cette perfection serait culturellement ressentie par les musulmans, comme pour tout texte dont on a été bercé depuis l'enfance
. La beauté du style coranique a été contestée par ceux qui, pour une raison ou une autre, échappaient à l'envoûtement collectif
149. Theodor Nöldeke a écrit un article sur ce qui lui paraissait être des défauts stylistiques (rimes, styles, composition…) dans le Coran dont sont exempts les poèmes et les récits de l'ancienne Arabie
ainsi que des irrégularités grammaticales150. Mais pour Jacques Berque, beaucoup de ce que Theodor Nöldeke impute à des vices rhétoriques n'est en fait qu'une spécificité stylistique propre au discours coranique et non pas un défaut stylistique. Pour ce qui est des irrégularités grammaticales ou ce que l'on pourrait prendre comme telles, il en admet quelques-unes comme « incontestables » mais préfère plutôt les nommer « spécificités grammaticales »151. Michel Cuypers récuse ainsi l'affirmation de Nöldeke selon laquelle le fait de passer d'un sujet à un autre avant de revenir au premier sujet est une faiblesse. Il reconnait une structure non linéaire que l'on appelle la « rhétorique sémitique »152,153.
Les prophètes
Les musulmans considèrent que les prophètes sont une part importante de leur foi. Pour l'islam, le prophète est à la fois quelqu'un qui proclame un message divin (sens de « prophète », nabi, en hébreu) et quelqu'un qui présente une législation (Charia)154. À la différence du prophète biblique, Mahomet ne prédit pas l'avenirNote 24, à l'exception d'un éventuel futur triomphe de l'islam. La prophètologie musulmane est proche, par certains aspects comme le concept de sceau des prophètes, du manichéisme. Pour le mu'tazilisme, elle est une grâce d'Allah pour ses créatures154. La prophétie coranique est avant tout la seule transmission d'une révélation155.
Mahomet, David et Salomon, Afghanistan, Hérât, 1436.
Pour l'islam contemporain majoritaire, tous les prophètes d'Allah ont fait valoir un bon comportement et une conduite exemplaire156. Ils seraient nécessairement immunisés contre la mécréance, les grands péchés et les petits péchés. Cette croyance tardive157 ne provient pas du Coran et sa mention est rare dans la Sunna. Au contraire, le Coran rapporte des péchés et des fautes de plusieurs prophètes, dont Mahomet158. De même, le Coran évoque des fautes commises par plusieurs prophètes, dont Adam, Moïse, David et Mahomet, lui-même159. Le Coran ne donc défend en rien le dogme de l'impeccabilité des Prophètes. La Sunna, elle-même, n'en contient que quelques traces159. Cette doctrine est énoncée, pour la première fois clairement, par Ibn Hanbal (855)160. Ce dogme entraînera des conflits d’interprétation lorsque la vieille exégèse (y compris dans les écrits attribués à Mahomet) heurtait ce principe d’impeccabilité161.Cette notion aurait été importée dans l'islam par le biais de l'islam chiite, à partir de l'influence des croyances orientales et a connu dans la pensée sunnite des évolutions et une mise en place longue162.
Une succession de prophètes
Du point de vue musulman, tous les prophètes ont appelés à l'islam conçu comme la religion naturelle. Abraham est donc musulman au même titre qu'Adam, Noé, Moïse et Jésus. Paradoxalement, c'est Abraham qui partage la foi de Mahomet et non l'inverse puisque la vérité, selon le Coran, est connue dès le premier jour et dès le premier Homme, soit Adam8. Le Coran propose une histoire construite sur le principe qu'Adam aurait possédé l'intégralité du message divin mais que celui-ci se serait altéré au fur et à mesure des générations. Ces altérations ont été accompagnées de reprises par les prophètes appelant un retour au monothéisme originel. Ce schéma est devenu systématique chez les hérésiographes155.
Les textes expliquent qu'Adam a inauguré la fonction prophétique, tandis que c’est par Mahomet, le dernier, qu’elle a été clôturée. Leur nombre est très grand, citons en quelques-uns : Noé (Noûh), Abraham (Ibrâhîm), Loth (Loût), Ismaël (Ismâ'îl), Isaac (Ishâq), Jacob / Israël (Ya'qoûb / Isra'îl), Joseph (Yoûçouf), Job (Ayyoûb), Shelah (Sâlih), Eber (Âbir / Hoûd), Aaron (Hâroûn), Moïse (Moûçâ), Jonas (Yoûnous), Jessé (Yâsa), David (Dâwoûd), Salomon (Soulaymân), Zacharie (Zakariyyâ), Jean-Baptiste (Yahyâ), Jésus (Issah)163. À l'inverse de la reserve biblique quant à l'usage de ce terme, le mot de « prophète » a tendance à être attribué par l'islam à toutes personnes ayant joué un rôle dans l'histoire sacrée
154. Ainsi, des auteurs attribue un rôle prophétique à Dhu l-Quarnayn/Alexandre le Grand164.
Prophétie de Mahomet
Il est possible de faire une histoire des représentations de Mahomet, mais pas une biographie historique au sens moderne du terme. L’ensemble des données non islamiques sur la vie de Mahomet ne dépassent pas une page165.
Le chef religieux, politique et militaire arabe Mahomet (محمد en arabe), dont le nom est parfois aussi transcrit par Mohammed, Muhammad, etc. en français166 est le fondateur de l'islam et de l'oumma, la matrie
Note 25 en quelque sorte (sans aucune idée de communautarisme, mais au contraire d'universalisme). Il est considéré comme le dernier prophète du monothéisme par les musulmans et il n'est reconnu comme prophète que par cette congrégation. Ils ne le considèrent pas comme le fondateur d'une nouvelle religion, mais pensent qu'il est le dernier d'une lignée de prophètes de Dieu et considèrent que sa mission est de restaurer la foi monothéiste originale d'Adam, Abraham et d'autres prophètes, foi qui avait été corrompue par l'homme au cours du temps167,168.
Selon le Coran, pendant les 23 dernières années de sa vie, Mahomet dicte des versets, qu'il reçoit d'Allah par l'intermédiaire de l'ange Gabriel (Jibril), à des fidèles de plus en plus nombreux convaincus par ce nouveau message. Le contenu de ces révélations sera compilé après la mort de Mahomet en un ouvrage, le Coran, livre saint des musulmansNote 26. Néanmoins, L'archéologie expose que le thème de la prophétie de Mahomet est apparu relativement tard
154.
Sunna et hadiths
Le Coran établit l'importance de la sunna (« voie », « chemin » ou « tradition ») de Mahomet qui est racontée par des transmissions de ses paroles, faits et gestes, approbations (y compris silencieuses)15,Note 5, récits appelés hadîths. Les hadiths sont considérés comme des exemples à suivre par la majorité des musulmans. Les écoles de jurisprudence madhhabs considèrent les recueils de hadiths comme des instruments importants permettant de déterminer la sunna, la « tradition » musulmane. Le hadith était à l'origine une tradition orale qui rapportait les actions et coutumes de Mahomet. Cependant, à partir de la première fitna, au viie siècle, ceux qui ont reçu les hadiths ont commencé à questionner les sources des paroles169. Pour les musulmans, leur crédibilité est généralement proportionnelle au crédit des témoins qui les ont rapportés. Cette chaîne de témoins est appelée isnad. Ces recueils sont, encore aujourd'hui, pris comme références dans les sujets en rapport avec le fiqh ou l'histoire de l'islam. Les hadiths dit « authentiques » sont admis par l'ensemble des musulmans sunnites[réf. nécessaire]. Comme leur nom l'indique, les sunnites considèrent les hadiths constituant la sunna comme des suppléments et des clarifications essentielles au Coran. Dans la jurisprudence islamique, le Coran contient le germe de nombreuses règles de comportement attendues d'un musulman.[réf. nécessaire].
Livres présentant des collections de hadiths
Ils sont considérés comme une source d'inspiration religieuse par les sunnites et les chiites, alors que les coranistes considèrent que le seul Coran est suffisant. Les chiites ont toutefois des réserves à l'égard des recueils sunnites car ils valident plutôt leur point de vue. Ils ont leurs propres ouvrages qui, pour Amir Moezzi, concordent davantage avec la recherche historico-critique170.
Plusieurs chercheurs ont démontré que certains hadiths sont composés d'éléments plus récents que Mahomet et qui lui ont été attribués postérieurement40 et qu'ils ont été forgés par le pouvoir califal171. Schacht considère que, de manière générale, plus une chaîne de transmission paraît « parfaite », plus le hadith est tardif. En particulier, les transmissions familiales sont des « indications positives que la tradition en question n'est pas authentique »40.
Résurrection et jugement dernier
Selon l'islam, un certain nombre d’événements surviennent après la mort dont les plus importants sont[réf. nécessaire] :
- Le jour du jugement : Il surviendra après la fin du monde dont seul Dieu connaît l'échéance172. La durée sera de 50 000 ansNote 27. La terre sera une autre terre ainsi que les cieuxNote 28. Allah jugera les gens sans intermédiaire, un par un.
- Les étapes seront :
- La résurrection physique : elle marque le début du jour du jugement. Les gens seront ressuscités par Allah, nus et incirconcisNote 29, afin d'être jugés,
- Le rassemblement : tous les gens seront rassemblés en un lieu pour se faire juger,
- L'exposition des actes : chacun verra exposés ses actes, bons ou mauvais,
- La rétribution : en fonction de leurs actes, les gens seront récompensés ou châtiés,
- La balance : les actes seront comparés, bons contre mauvais,
- Le pont (al-sirat) : il relie la nouvelle Terre aux abords du paradis et il sera dressé au-dessus de l'enfer dans lequel, selon l'interprétation majoritaire, les « infidèles » chuteront (ceux qui n'acceptent pas le Coran)173,
- Le bassin (al-kawthar) : chaque communauté aura son bassin dont boiront les musulmans pieux avant d'entrer au paradis,
- L'intercession : avec la permission d'Allah, ses prophètes, ainsi que d'autres pieuses personnes ou le Coran, intercéderont pour les auteurs de grands péchés174, qui méritent un châtiment (Tawassoul),
- L'enfer (jahannama) : c'est un endroit dans lequel, selon l'interprétation majoritaire, seront châtiés les « infidèles »173. L'interprétation des versets coraniques relatifs à la « durée » du séjour infernal est l'objet de développements théologiques,
- Le paradis (al-janna) : c'est une demeure de félicité éternelle réservée aux personnes unifiant Dieu, ainsi qu'aux personnes sincères,
- La vision de Dieu : les croyants verront Allah, sans notion de distance et sans qu'il y ait un doute sur cette vision.
La majorité des musulmans croient à la question, au supplice et à la félicité de la tombe. Ceci n'est pas mentionné dans le Coran mais dans la Sunna. Selon cette dernière, après la mort, toute personne sera questionnée dans sa tombe par deux anges du nom de Mounkar et Nakir : Qui est ton Seigneur ? Qui est ton prophète ? Quelle est ta religion175 ?
Les musulmans pieux répondront correctement à ces questions et auront la félicité dans leur tombe, tandis que les non-musulmans et certains musulmans désobéissants n'y répondront pas correctement et seront châtiés[réf. nécessaire].
Retour de Isâ et des Yajûj et Majûj
Selon les commentateurs musulmans, le Coran dit que ʿĪsā (Jésus de Nazareth) est un prophète comme AdamNote 30 ; qu'il n'a pas été tué ni crucifié mais qu'il a été élevé vers Dieu
176 ; et qu'un autre individu qui lui ressemblait lui fut substitué
; certains interprètes disent que cet autre individu était Judas177,178. Plusieurs auteurs (Marx, Reynolds, Charfi, Moezzi…) estiment que le passage du Coran sur lequel se fonde l'affirmation des commentateurs musulmans est ambigu et prête à discussion179,180,181. Pour J. Chabbi, l'interprétation de la non-mort de Jésus ne se trouve pas dans le Coran mais dans la tradition182.
Dans la croyance musulmane, Jésus reviendra à la fin des temps pour tuer
l'Antéchrist71. La seule mention coranique d'un retour d'ʿĪsā se trouve dans la sourate XLIII qui fait l'objet de plusieurs lectures183. Pour Pons et Hilali, Jésus juge le monde à la fin des temps. Cette tradition est particulièrement présente dans le corpus des hadiths184. Pour Reynolds, selon une tradition du début de l'islam, Jésus remettra alors l'islam en place et luttera contre les chrétiens et les juifs185. Pour ces traditions, il tuera les porcs, brisera la croix, détruira les synagogues et les églises, et tuera les Chrétiens sauf ceux qui croiront en lui
183. Son retour sur terre, en tant que Massih (Messie) musulman, est le signe de la fin du monde et du Jugement dernier tandis que beaucoup de hadiths le présentent comme le principal compagnon du Mahdi, Sauveur de la fin des tempsNote 31.
Prédestination du bien et du mal
Article détaillé :
Qadar.
Dans la compréhension musulmane, la prédestination du bien et du mal se rapproche du sentiment antique du fatum8. Elle consiste à croire que tout ce qui se produit dans ce monde — qu’il s’agisse des actes volontaires ou involontaires d'un individu — est prédestiné par Dieu. Ce qui arrive était déjà écrit. Les événements surviennent inéluctablement. La volonté de Dieu se réalise toujours selon sa sagesse éternelle. Ainsi, toute chose — bonne ou mauvaise — est connue de Dieu par avance, et se réalisera en temps voulu[réf. nécessaire]. Pour l'islam, la prédestination est entièrement incluse dans la notion de « destin » (al-qadr), qui est le décret établi (ajl mûsamma) par Dieu (II, 210 ; VI, 2), décret qui ne peut être ni avancé ni retardé
186.
Mantran oppose la vision de Mahomet à la Mecque qui défend le libre-arbitre mais qui évolue lors de son enseignement à Médine vers une prédestination. Dès le début de l'islam, en Syrie, des musulmans se sont opposés à cette vision qui leur semble contraire au principe de jugement divin. Ils prennent le nom de qadarites. La prédestination fut défendue par le pouvoir Ommeyade qui légitimait ainsi ses actions187. Le second courant s'opposant à la predestination est le mo'tazilimes, à partir de la fin du califat Ommeyade. Ce courant aestimé que l'homme possède un libre arbitre illimité de ses actes, qu'il est le créateur de ses actes, sinon Dieu serait injuste de l'en rendre responsable
187. Ce mouvement disparaît au ixe siècle188.
Du reste, il est à noter que cette question du destin est à ce point controversée au sein de la Oumma et en dehors, qu'elle a conduit l'imam Abû Hanîfa (mort en 150H/767G) à mettre en garde contre l'écueil de la mécréance en voulant aborder ce mystère : Ne savez-vous pas que celui qui examine le libre-arbitre est comme celui qui examine les rayons du soleil, plus il l'observe de près, plus il devient perplexe
189. Pour Mantran, ce principe de la prédestination entraîne la négation de la liberté de l'homme
, même si cela ne nie pas, pour les théologiens sa responsabilité190.
Les grands courants théologiques de l'islam
Les musulmans se partagent en trois branches principales : le sunnisme rassemble environ 90 % des musulmans5, le chiisme environ 10 %, l'ibadisme (division du kharidjisme) moins de 1 %191.
Principaux courants de l'islam.
Carte des pays où les musulmans représentent plus de 10 % de la population. En vert, les pays à majorité
sunnite, en violet, ceux à majorité
chiite, et en noir, ceux à majorité
ibadiste.
La relation directe des croyants avec Dieu par le Coran et la liberté religieuse, vont amener la multiplication des tendances religieuses. L'affaiblissement progressif du pouvoir central et l'absence de clergé, autorise l'existence de différentes écoles politiques (sunnisme, chiisme, kharidjisme), juridiques (hanafisme, malikisme, chaféisme, hanbalisme, zaïdisme, jafarisme), philosophiques (ordres soufis) et théologiques (acharisme, maturidisme, atharisme, mutazlisme). À la mort de Mahomet, la conquête arabe fulgurante et des différences ethnico-confessionnelles importantes, exacerbent les rivalités politiques. De nombreux questionnements sur la liberté de l'Homme, le péché, la foi, la souveraineté divine, la dévolution du pouvoir, etc., provoquent la constitution d'écoles spécialisées tentant d'apporter des réponses appropriées aux problèmes des musulmans qui n'ont pas été détaillés dans le Coran, et de relever ainsi les nouveaux défis qui se posent à la oumma.
Le sunnisme
Le sunnisme (de sunna, « voie », « chemin » ou « tradition ») est le courant de loin le plus répandu. 90 % des musulmans sont sunnites5. Il est apparenté à une vision orthodoxe de l'islam192.
En 2016, un congrès, inauguré par le grand imam de l'Azhar, Ahmed al-Tayeb, rassemblant 200 personnalités sunnites du monde entier, s'est réuni dans le but de définir l’identité de ceux qui se font connaître comme ahl as-sunnah wa l-jamāʻah (arabe : أهل السنة والجماعة ; « les gens de la tradition de Mahomet et du consensus de la oumma ») ou, pour faire court, ahl as-sunnah (أهل السنة ; « les gens du sunnisme ») par opposition aux différents groupes considérés égarés.[réf. nécessaire]
À l'issue de leurs travaux, les dignitaires sunnites sont convenus que les gens du sunnisme sont :
Tout un chacun peut donc s'identifier plus ou moins à une école juridique (madhhab). Il y en a aujourd'hui quatre, mais il y en a eu d'autres dans le passé. Ce sont, dans l'ordre de leur apparition : le hanafisme (d'Abû Hanîfa, 700-767) ; le malikisme (de Mâlik ibn Anas, 712-796) ; le chaféisme (d'Al-Chafi'i, 768-820) ; le hanbalisme (d'Ibn Hanbal, 781-856). Ces écoles s'acceptent les unes les autres, organisant ainsi un relatif pluralisme en matière de solutions juridiques (fatwa), mais partagent fondamentalement les mêmes croyances ('aqîda) qui sont, soit acharites, soit maturidites. Elles ne s'accordent que sur quatre sources de droit : 1° le Coran, livre censé être révélé par Dieu ; 2° la Sunna, tradition de Mahomet constituée essentiellement de ses paroles (hadiths) ; 3° le consensus juridique (ijmâ') ; et 4° l'analogie juridique (qiyâs).
Le soufisme
Les soufis croient que le Coran a deux niveaux de signification ; le
zahir, sens externe ou apparent ; et le
batin, sens interne ou caché.
Le terme « soufi » apparaît pour la première fois dans la seconde moitié du viiie siècle de l'hégire pour désigner des ascètes, des sages, des mystiques musulmans qui prient, jeûnent, portent des vêtements blancs rugueux (l'arabe sûf, signifie « bure », « laine »), car les premiers ascètes musulmans furent ainsi désignés à cause des vêtements de laine qu'il portaient ; ils peuvent porter le muruga, manteau fait de morceaux rapiécés symbolisant le fagr, c'est-à-dire l'illusion du monde194. Le mot « soufisme » serait tiré de al-souf (ﺻﻮﻑ [ṣūf], « laine » qui donne صوفيّ [ṣūfīy], « laineux ») ; c'est ce que retient en tout cas l'historien Ibn Khaldoun. Le soufi portait en effet un vêtement de laine blanche censée apporter de la sagesse aux regards. La modestie et la pauvreté sont évoquées dans d'autres noms donnés à certains d'entre eux : derviche (persan : درويش [derwiš], « mendiant ») ou [faqīr] (en arabe: فقير, « pauvre »). René Guénon ajoute que le sens premier et fondamental du mot « soufi » est donné par l'addition des valeurs numériques des lettres dont il est formé. Le mot soufi a le même nombre que El-Hekmah el-ilahiyah, c'est-à-dire la « Sagesse divine » ; le soufi véritable est donc celui qui possède cette sagesse, ou, en d'autres termes, il est el-ârif bi'llah, c'est-à-dire « celui qui connaît par Dieu », car Dieu ne peut-être connu que par Lui-même
195.
Les docteurs de l'islam (oulémas) ont défini le soufisme (en arabe : تصوف [taṣawwuf], initiation
195) comme une science dont l'objectif est la réparation du cœur afin de le détourner de tout autre que Dieu
196. En effet, Allah étant décrit dans un hadith comme un dieu jaloux
197, l'amour tient une place centrale dans l’enseignement soufi. Les plus illustres ouvrages sur ce sujet sont : Le Traité de l’amour d’Ibn Arabi et Le Livre de l’amour de l’imam Al-Ghazâlî. Pour Ibn Arabi, l'amour ne tolère pas l'association et cela seulement si l'essence de l'amant est une et indivisible
197. Et citant une formule : Le soufisme ce n'est rien de plus que les cinq prières et l'attente de la mort
198. Pour René Guénon, reprenant à son compte une autre formule : Si les chrétiens ont le signe de la croix, les musulmans en ont la doctrine
199. Ainsi, le soufisme est, pour ses adeptes, la dimension mystique intérieure de l'islam. Il peut être considéré comme un enseignement ésotérique de l'islam sunnite et un mouvement mystique et ascétique ayant influencé les dissidences chiites. Il connaît son apogée à Bagdad entre 750 et 950 sous le califat abbasside. Le soufisme est donc suivi par certains musulmans ; ceux-ci sont alors appelés soufis.[réf. nécessaire]
Les soufis se font connaître, quant à eux, comme Ahl al-soufa (أَهلُ الصُّفَّةِ [ahl aṣ-ṣuffa], « les gens du banc » en référence à ceux qui vivaient dans la Mosquée du Prophète à Yathrib (Médine), et qui furent mentionnés dans le Coran comme la compagnie de ceux qui invoquent leur Seigneur matin et soir désirant Sa face
200. Les soufis considèrent généralement que suivre la loi (charia) ou la jurisprudence islamique (fiqh) n'est que le premier pas sur le chemin de la soumission parfaite. Ils se concentrent sur des aspects internes ou plus spirituels de l'islam, comme la perfectibilité de la foi ou la soumission de l'ego (nafs). Les soufis cherchent à atteindre le fana (extinction du « moi » devant Dieu l'Unique) selon trois degrés ou étapes :
- l'islam (proprement dit) ; la soumission à la charia ;
- l'imane (qui est un don de Dieu) ; la foi par la tariqa ;
- l'ihsane (qui est le but de la voie) ; l'excellence morale ou vertu dans la haqiqa201.
La plupart des ordres soufis (tariqas) se rapprochent, soit du sunnisme, soit du chiisme. On les rencontre dans tout le monde islamique, du Sénégal jusqu'à l'Indonésie.[réf. nécessaire]
La souffa : l'abri pour dormir
Selon Moktar Chakroun, la « souffa » (à l'origine du mot français « sofa ») était un endroit ombragé de palmes à l'extérieur de la cour de la mosquée du Prophète à Médine, une place ombragée adossée au mur de la mosquée par l'extérieur, où venaient se réfugier les pauvres et les sans-abris par temps pluvieux. Par la suite, c'était une chambre située au fond de la mosquée et réservée à l'hébergement des pauvres202.
La zaouïa : le coin pour étudier
Dans un premier temps, ce terme désigne un emplacement ou un local réservé à l'intérieur d'une structure plus vaste où les soufis (mystiques) pouvaient se retirer comme le laisse entendre le sens de la racine du mot arabe (angle ou recoin).
Par la suite, le mot désigne un complexe religieux comportant une mosquée, des salles réservées à l'étude et à la méditation ainsi qu'une auberge pour y recevoir les indigents. On y effectue les pratiques spirituelles et on y enterre les saints fondateurs des confréries soufies.
La confrérie soufie (رابِطة [rābita]) se regroupe dans un ribat (رِباط [ribāt]) parfois fortifié. Au Maghreb, ces confréries se sont développées dans le cadre urbain sous la forme des zaouïas. Les membres de ces confréries se font parfois appeler marabouts (مَرْبوط [marbūt] ou مُرابِط [murābit], « celui qui est attaché »).
Le salafo-wahhabisme
Le « wahhabisme » est une voie de l'islam, fondée par Mohammed ben Abdelwahhab, se revendiquant de l'islam sunnite hanbalite et se présentant comme le précurseur du réformisme salafiste. Pour ses adeptes, ce mouvement représente la revivification du salafisme. Pour ses contradicteurs, c'est plutôt une énième faction kharidjite
203. En effet, il est à noter qu'avant de se fondre dans la masse musulmane sunnite, la dynastie saoudienne (qui ne descend pas de la tribu de Quraych) se singularisait déjà par une confession minoritaire, le kharidjisme204,205. Du reste, les salafistes djihadistes sont souvent qualifiés de « takfiristes » ou de « kharidjites » par leurs adversaires musulmans (chiites et sunnites), qui les accusent, entre autres, d'innover un « sixième » pilier de l'islam avec leur « djihad » armé. Des termes récusés par les salafistes206 qui retournent la pareille (appellation polémique de kharidjite) en forme d'excommunication (takfir) de leurs contradicteurs musulmans207.
Une des estimations les plus détaillées de la population religieuse dans le Golfe Persique est celle de Mehrdad Izady qui estime, en utilisant des critères culturels et non confessionnels
, à moins de 5 millions le nombre de salafistes ou wahhabites dans la (seule) région du golfe Persique (contre 28,5 millions de sunnites et 89 millions de chiites)208,Note 33 ; dont environ 4 millions en Arabie saoudite (surtout dans la région centrale du Nejd) et le reste provenant majoritairement du Qatar et de l'émirat de Charjah208. 46,87 % des Qataris208 ; 44,8 % des Émiratis208 ; 5,7 % des Bahreïnis ; et 2,17 % des Koweïtiens sont wahhabites208. Ils représentent environ 0,5 % de la population musulmane dans le monde209.
En 2016, le congrès de Grozny déclare que le wahhabisme ne fait pas partie du sunnisme210,193,211. Ce congrès réitère ainsi la mise au ban de l'oumma de Mohammed ben Abdelwahhab prononcée dès le milieu du xviiie siècle par les shérifs et les muftis de la Mecque, avalisant alors une réfutation contre « l'égaré qui égare » intitulée : Le Livre de la prévention de l'égarement et de la répression de l'ignorance, et rédigée par le théologien hanbalite Souleyman ben Abdelwahhab (qui n'est autre que son propre frère)212.
Le chiisme
Le chiisme est divisé en différentes branches, dont les principales sont le chiisme duodécimain (branche la plus importante), le zaïdisme et l'ismaélisme213. Opposé à ce que la qualité de calife soit conférée à tout autre qu'à un descendant d'Ali, le chiisme se distingue du sunnisme par le rôle assigné aux imams, par une interprétation souvent mystique du Coran, par ses propres lieux saints, en plus de ceux commun au sunnisme, et par des croyances spécifiques (Amour pour l'Ahl al-bayt, famille du Prophète ; Passion de l'imam Al-Husayn, assassiné à Kerbala ; retour de l'imam « caché »). Chaque branche accepte différents descendants d'Ali ibn Abi Talib, cousin de Mahomet, comme imams. Après la mort de l'imam Ja'far al-Sâdiq qui est considéré comme le sixième Imam par les chiites duodécimains et les ismaéliens, les ismaéliens reconnaissent son fils Ismaïl ben Jafar comme son successeur alors que les chiites duodécimains suivent son autre fils Musa al-Kazim comme le septième imam. Les zaïdites considèrent, quant à eux, Zayd ibn Ali, l'oncle de l'Imam Jafar al-Sadiq, comme leur cinquième imam, et suivent donc une autre ligne de succession après lui.
Chiisme duodécimain
Les duodécimains sont ceux qui croient en la venue de douze imams
. Ils représentent 80 % des chiites63. Les duodécimains sont majoritaires en Iran, en Irak, en Azerbaïdjan, à Bahreïn et au Liban.
Alévisme
Rattaché au chiisme duodécimain, l'alévisme constitue une importante minorité religieuse en Turquie (env. 15 millions, dont 5 millions de Kurdes). Au sein de l'Islam, les Alévis représentent un courant particulier issu du chiisme, déiste et gnostique, fortement attaché à la laïcité de l'État. L'alévisme se veut comme étant la voie originelle et universelle de l'Islam, rejetant le dogmatisme, et insistant sur la dimension spirituelle de la pratique religieuse, à l'instar de la mouvance soufi. Haci Bektas Veli, fondateur de l'ordre Bektachi qui contribua à l'islamisation de l'Anatolie au XIIIe siècle, est une figure importante dans l'alévisme.
Chiisme septimain (ou ismaélien)
Les septimains sont « ceux qui croient en la venue sept imams ». L'ismaélisme (arabe : al-Ismā'īliyya, الإسماعيلية ; persan : اسماعیلیان ; sindhi : اسماعيلي ; kurde : Ismaili ; Esmā'iliyān) est une branche de l'islam chiite. Les ismaélites tirent leur nom de leur acceptation d'Ismaïl ben Jafar comme le successeur spirituel désigné à l'imam Ja'far al-Sâdiq, ce en quoi ils diffèrent des duodécimains, qui acceptent Musa al-Kazim, frère cadet de Ismaïl, comme le vrai Imam.
Chiisme quintimain (ou zaïdisme du Yémen)
Les quintimains sont « ceux qui croient en la venue de cinq imams ». Le zaïdisme (arabe : الزيدية, az - Zaydiyya) est la plus ancienne branche de l'islam chiite qui a émergé au début du viiie siècle. Elle est nommée d'après Zayd ibn Ali, le petit-fils d'Al-Hussein ibn Ali. Les adeptes de l'école juridique (quasi-école de droit sunnite214) sont appelés zaydites et représentent environ 35-40 % des musulmans au Yémen215. En dehors de la question éminemment politique du califat, ils suivent un rite presque identique au rite hanafite pour la jurisprudence islamique et sont en général mutazilites pour la théologie216.
Le kharidjisme
Le kharidjisme se divise à son tour en diverses communautés et tendances (sufrites, ibadites, etc.). De nos jours la seule tendance kharidjite qui ne s'est pas éteinte ou marginalisée est l'ibadisme (tendance quiétiste proche du sunnisme217). Il se retrouve dans le sultanat d'Oman (qui pratique un ibadisme d'État), et dans quelques régions du Maghreb très localisées : en Algérie (chez les Berbères de Ghardaïa) et en Tunisie (île de Djerba).
Autres courants théologiques, sociologiques, idéologiques ou politiques liées à l'islam ou dérivant de l'islam
Un quatrième courant, qui s'est éteint au Moyen Âge, le mutazilisme, est une école théologique rationaliste, en conflit avec le sunnisme naissant ; il est apparu à la fin du califat omeyyade, au milieu du viiie siècle, et a été éradiqué au xie siècle par le sunnisme, en particulier par les acharites (disciples d'Al-Ach'ari 873-935, lui-même un ex-mutazilite) qui sont parvenus à venir à bout de son rationalisme jugé abusif, car il voulait tout submerger218. Cette école, dont des textes ont été redécouverts au xixe siècle, connaît une petite résurgence depuis cette date chez certains intellectuels, notamment en raison de ses conséquences politiques et de ses liens avec la démocratie219. Cependant, le mutazilisme a perdu tout crédit populaire à la suite de l'inquisition musulmane du calife Al-Ma’mūn pour imposer sa doctrine et ne récolta plus en retour que haines et persécutions218.
Pour compléter la présentation de la religion musulmane, on ne peut éluder les pratiques populaires de l'islam. Souvent issues de syncrétismes avec les religions préislamiques, elles sont encore très présentes dans les sociétés rurales traditionnelles, qui mélangent animisme, culte des ancêtres, et religion révélée, s'exprimant essentiellement, en ce qui concerne l'islam, à travers des « confréries musulmanes ». Ces mouvements ou confréries s'apparentent grossièrement aux ordres religieux chrétiens non cloîtrés. Certains sont condamnés par l'islam qui les trouve hétérodoxes et réinstauratrices des vestiges archaïques de croyances superstitieuses. Il faut également mentionner l'apparition, au xxe siècle, des musulmans réformés ou libéraux qui visent à un aggiornamento général.
Organisation
Le califat
Dinar (en or estampé) du cinquième calife fatimide al-Aziz (r. 365-386 H / 975-996
J.-C.), frappée à
Mahdia en 380 H / 990 AD. Conservé au musée archéologique d’Aqaba, Aqaba, Jordanie. Diamètre : 18
mm, poids : 4
g.
Les califes (arabe : خليفة signifiant « lieutenant », « successeur » ou « représentant ») désignent les successeurs de Mahomet. Le porteur du titre a pour rôle de sauvegarder la religion et de gérer le du monde d’ici-bas220: c'est le dirigeant temporel et spirituel de l'Oumma, la « matrieNote 25 », les musulmans doivent lui obéir220.
Le Coran fait la distinction entre les deux termes Imamat et Califat, le premier ayant une fonction de direction, le second signifiant le successeur (dans un sens non-obligatoirement politique). La pensée politico-religieuse musulmane ira vers une confusion des deux termes et l'usage du second pour désigner celui qui dirige la communauté221. Les penseurs musulmans des premiers siècles ont construit la figure du calife, comme pouvoir et autorité. Ce statut conserve des traces des représentations moyen-orientales anciennes, du souverain comme intermédiaire entre le ciel et la terre221. La pensée du calife s'est développé primitivement dans le monde chiite, et"la théorie sunnite n’a pas été précisée dans toute son ampleur avant le 4e/xe siècle"220. Elle se construit en réaction à ces autres théoriesNote 34220. Le droit du califat se caractérise par une quasi-inexistence de sources dans le Coran ou la Sunna220.
Mahomet est mort sans désigner de successeur. A sa mort, une grande violence a éclaté entre les différents partis même si la tradition sunnite a cherché à l'atténuer. Elle chercha a présenter les faits de manière consensuelle, tandis que la recherches islamologique remets sérieusement en doute ce prétendu "consensus". Rapidement, Abu Bakr pris le dessus sur Ali, l'autre concurrent222. Le titre khalifat rasul Allah, signifiant « successeur du messager de Dieu » est devenu le titre courant mais est absent des premiers graffiti trouvés223. De même, si la tradition fait d'Omar ibn al-Khattâb le premier à porter ce titre, un graffito de 644-645 ne lui donne ni le titre de calife (khalîfa), ni celui de Commandeur des croyants224. Sur les monnaies, ce dernier titre semble avoir été introduit par le calife Muʿāwiya et on la trouve, par exemple, sur une monnaie de 674225.
Un différend politique entre sunnites et chiites conduit le califat à se diviser en deux visions très distinctes : l'une élective, l'autre héréditaire. Les premiers considèrent que le calife doit être élu pour ses qualités morales et islamiques, mais appartenir à la tribu de Quraych (tribu de Mahomet dont le monopole est récusé par les kharidjites)226. Les seconds considèrent que seul un membre de la tribu de Quraych et de la famille de ‘Alî peut prétendre à ce titreNote 35220. Les sunnites ne reconnaissent que les califes Abou Bakr As-Siddiq, Omar ibn al-Khattâb, Othmân ibn Affân, Ali ibn Abi Talib, Al-Hassan ibn Ali227 et Omar ibn Abd-al-Aziz228 comme « bien guidés » ou « bien inspirés » par Dieu. Selon les traditions musulmanes, la période préalable au califat Ommeyades est composée de la succession de plusieurs califes surnommé "rachidoune". Ce récit se lit comme un édifice narrative et pour el-Hibry comme une parabole. Selon Humphrey, ce récit datant du IXe-Xe siècle est construit selon un principe de pacte-trahison-rédemption229. Le califat rachidoune est donc une construction abbasside permettant de rêver un âge d’or, bien que les recherches permettent d’attester qu’un fond historique existe. La notion de rachidoune, de califes « bien guidés », date elle-même du IXe siècle. Les premières listes califales, issues de textes syriaques de l’époque omeyyade, ne citent pas Ali comme calife, en cohérence avec la pensée omeyyade229.
Après les quatre premiers califes (Abou Bakr, Omar, Uthman et Ali ibn Abi Talib), le titre a été revendiqué de manière controversée par les Omeyyades, les Abbassides et les Ottomans, ainsi que par d'autres lignées en Espagne, en Afrique du Nord et en Égypte. La plupart des dirigeants musulmans portaient simplement le titre de sultan ou émir, et prétaient allégeance à un calife qui avait souvent peu d'autorité. Le titre n'existe plus depuis que la république de Turquie a aboli le califat ottoman en 1924230. Alors que le califat a été un sujet de discorde entre dirigeants musulmans, il a été peu évoqué depuis 1924. "L'idéal musulman aujourd'hui ne semble pas être celui de former de nouveau une communauté monolithique, fermée aux résonances extérieures, ayant à sa tête un chef spirituel et temporel qui jouerait le rôle de calife comme aux plus belles heures du califat"231.
La charia
La charia (littéralement, le chemin vers une source
232 ou le chemin menant à l'abreuvoir
233) est la loi islamique comprenant l'ensemble des obligations procédant du Coran et de la Sunna234. Dans le Coran, il existe seulement trois occurrences de terme dérivés de la racine sh-r-'. Néanmoins, la prégnance des impératifs dans ce texte et la position de soumission qu'il impose à ses destinataires explique l'importance de cet aspects, tant pour les sunnites que pour les chiites235. Il est à noter que le mot « charia » est employé à la même époque, en arabe, pour désigner la Torah, appelée alors la « charia de Moïse ». Il est également employé par les Arabes chrétiens pour désigner l'Évangile, appelée la « charia du Messie »236.
Mise en place de la charia
Depuis la Constitution de Médine, la charia (de Mahomet) n'a cessé de s'amplifier. Selon Yadh ben Achour237, il est inexact de penser que la charia est inerte et immuable. Elle évolue en fonction des changements de conjonctures diplomatiques et sociologiques. Y voir un système condamné à la pure stagnation est faux. Ben Achour cite ainsi de nombreux exemples d'adaptations de la charia dans une analyse rigoureusement scientifique237. Elle embrasse tous les aspects de la vie individuelle et collective des musulmans234. Si le Coran possède versets législatifs sur les actes cultuels, sur le droit familial..., il n'est pas exhaustif et est souvent peu clair235. Deux théories musulmanes expliquent l'origine de la sharia. La première est que la sharia est constituée de choses profitables à l'homme, intelligibles par la Raison. La seconde fait de la sharia une volonté divine, déniant toute rationalité à cette loi. Paraissant indéfendable de nos jours, cette seconde n'a presque plus de partisans. Néanmoins, elle correspond mieux au cadre de la théologie sunnite, la plus représentative jusqu'à nos jours235.
"L'idée s'est progressivement imposée que l'empire de la sharia était absolu : tout acte humain, du plus anodin au plus lourd de conséquences, a une qualification sharaïque, et il appartient aux légiste de la communauté, les fuqahâ', de la découvrir"235. Cette vision qui s'est imposée n'a pas toujours fait l'unanimité et certaines sphères pouvaient, pour certains penseurs, être hors du champ de la sharia. "La représentation tellement répandue selon laquelle l'islam ne distingue jamais le sharaïque du politique ni, plus généralement, le religieux du profane n'est pertinente que pour un certain islam, historiquement assez tardif, devenu majoritaire de nos jours"235.
Toutefois, depuis le xie siècle, la pensée juridique islamique s'est cristallisée avec la fermeture des « portes de l'ijtihad » (c'est-à-dire « l’effort de réflexion ») par le calife abbasside Al-Qadir (craignant de voir son pouvoir menacé par des juristes indépendants) en vertu d'une ordonnance intitulée : Le Message sur le Destin (Risâla al-qâdiriya)Note 36,238. Eric Chaumont considère qu'il vaut mieux parler d'"étranglement de ses voies", l'itjihad n'étant pas un instrument de mise à jour des statuts sharaïques235. Si cette fermeture, qui n’était en rien une prescription divine, fut toujours contestée par de nombreux oulémas tels qu’Ibn Hazm (994-1064) ou As-Suyuti (1445-1505), elle perdure, de fait, par paresse intellectuelle ou par impéritie239,240. Selon des recherches conduites par le Réseau international de solidarité WMUML en 2011 sur les lois dites islamiques (dénommées à tort charia)241, il s'avère qu'en réalité, elles seraient basées sur la tradition et la coutume. Le terme charia est instrumentalisé par les autorités religieuses ou gouvernementales du pays afin de leur donner une soi-disant légitimité religieuse, mais avant tout pour établir, réétablir ou renforcer le patriarcat de la société242.
Selon Alain Besançon, le musulman croit à la perfection de sa Loi. De son point de vue, elle est modérée et tient le juste milieu, c'est-à-dire le chemin raisonnable de la vertu. Elle lui apparaît comme plus adaptée à la nature humaine que la loi chrétienne (notamment en matière de sexualité) et comme marquant par rapport à la loi juive, dont elle reprend bien des articles (cf. code deutéronomique), un adoucissement considérable (notamment en matière alimentaire), l'interdiction du vin (à raison des troubles sociaux générés) étant l'un des rares points où elle se montre plus sévère8.
Hiérarchie des normes
La charia est, chez les sunnites, codifiée dans le cadre des quatre écoles juridiques : (1°) hanafite, (2°) malikite, (3°) chaféite, (4°) hanbalite234Note 37. Ces écoles sont plus ou moins proches les unes des autres. Les hanafites possèdent cependant une approche à part de la sharia235. Dans le chiisme, les deux principales écoles ont longtemps été les akhbari, pour qui les traditions sont sources du fiqh, et les usûlî qui utilisent davantage le raisonnement. A l'époque moderne, ces approches se sont développées en intégrant les enseignement de la philosophie perso-islamique235.
Elles ne s'accordent que sur la hiérarchie suivante :
- Le Coran est la source première de la jurisprudence islamique (fiqh)243 ;
- La sunna est la deuxième source de droit243. Elle n'est pas un texte en soi comme le Coran, mais signifie l'ensemble des actes et des dires du prophète. Elle a été rassemblée et classée par les docteurs dans plusieurs œuvres. Deux ouvrages compilent les hadiths dits "authentiques" : le « Sahîh » d'Al-Bukharî qui est tenu, par les musulmans, pour le
livre le plus sûr après le Coran
, et celui de Muslim. Mais les salafistes prennent aussi en considération de récents travaux d'authentification de hadiths de l'imam Al-Albani au xxe siècle.
- La troisième source est le consensus (’ijmâ') des oulémas de tous les pays, à une époque donnée, sur le fondement coranique du verset 115 de la sourate An-Nisa condamnant la dissidence d'avec Mahomet et celui de son hadith exhortant explicitement les musulmans à suivre le consensus communautaire244,245 ; Cette source qui est parfois utilisée jusqu'à affecter le Coran est considérée par les légistes comme le "plus forte des preuves". Néanmoins, aux fondements théoriques fragiles, elle a été contestée un temps235.
- La quatrième source est l'analogie (qiyâs : القياس, littéralement « la mesure ») qui permet de tirer le jugement d'une chose pour laquelle il n'y a pas de législation à partir du jugement sur une chose analogue246.
La question du djihad
Le mot « djihad » (جهاد en arabe)247 signifie « abnégation », « effort », « résistance », « lutte » ou « combat », voire « guerre sainte ». Il désigne un devoir religieux pour les musulmans. Marie-Thérèse Urvoy a réalisé une analyse détaillée de l'usage du mot jihâd dans le Coran. Elle relève que 41 occurrences à la racine de ce mot s'y trouvent, dont 6 correspondant à des sens particuliers : serment solennels
(5 fois) et trouver le nécessaire
). Dans 16 cas, [l'occurrence] apparaît dans un sens vague et imprécis de « mener combat pour Dieu », avec une unique référence explicitement non violente
.248 On peut admettre que parmi les mentions coraniques vagues, certaines évoquerait un "grand djihad" intérieur, "mais il est illégitime d'affirmer que le jihad coranique est uniquement spirituel"248.
Le djihad a été théorisé au VIIIe siècle249 et a évolué tout au long de l'histoire250. La notion de Djihad naît dans un climat de conflit armé, en partie du vivant de Mahomet mais probablement aussi au cours des conquêtes musulmanes250. Elle s'accompagne de la division du monde entre un dār al-islām (territoire de l’islam) et dār al-ḥarb (territoire de la guerre). Les omeyyades possède une place particulière dans l'essor de la notion de djihad250. Le droit musulman défini le djihad et ses conditions. Il est principalement divisé en quatre ensembles, celui contre les infidèles, celui contre les apostats, celui contre les rebelles et celui contre les brigands248. Pour les chiites (littéralement, les « partisans »), le djihad ne peut être décréter que par le Mahdi62. Pour les kharidjites (littéralement, les « sortants » ou « dissidents »), le djihad serait le « sixième » pilier de l'islam62.
Sous sa forme offensive, elle vise à étendre le domaine de l'islam. Cette approche a été utilisée, par exemple, lors de l'expansion de l'empire ottoman. Elle est pensée comme une « obligation collective »251. Sous sa forme défensive, il consiste pour les musulmans à défendre leur religion, leurs personnes, leurs biens, leurs frontières, au besoin jusqu'au sacrifice de leur vie252. Il s'agit, pour chaque croyant, d'une « obligation individuelle », "dont la prolifération incontrôlée marque le monde musulman depuis la dernière décennie du xxe siècle251.
Une distinction a été faite, au IXe siècle253, entre deux djihad-s, l'un externe, guerrier (dit le petit djihad) et l'autre interne, spirituel (dit le grand djihad). Pour Bonner, la seconde a longtemps été prédominante250. Pour M.T. Urvoy, la fin des conquêtes islamiques (IXe siècle) a été à l'origine de spéculations sur un "Grand djihad", effort intérieur, qui n'a jamais supplanté l'aspect guerrier248. Classiquement, on distingue quatre types de djihad : par le cœur, ou par la parole, ou par la plume, et par l'épée254,255 ; les trois premiers constituant une obligation individuelle (fard ayn), le dernier constituant une obligation collective (fard kifaya)256.
Il ne faut pas non plus confondre le « djihad » avec le « djihadisme », ce terme désignant une doctrine islamiste encensant le djihad armé253. Ce mouvement est très hétérogène mais est caractérisé par un "focus singulier" sur l'aspect violent du djihad257. Ces mouvement ont utilisé les attentats et les attentats-suicides, pourtant expressément interdits par le Coran au titre du suicide258. L'origine des attentats-suicides reste, à ce jour, incertaine. Selon Ehud Sprinzak, les attentats-suicides seraient à mettre en relation avec les assassinats perpétrés par la secte chiite des haschischins (littéralement, « mangeurs de haschich », afin de faire croire aux pressentis qu'ils sont d'ores et déjà au Paradis ; à l'origine du mot « assassin » en français) au xie siècle. Au xviiie siècle, le suicide de l'« assassin », déjà associé au martyr, est utilisé par des communautés musulmanes de la côte de Malabar en Inde en lutte contre les Européens259Note 38. Selon Noah Feldman et Denis MacEoin, depuis 1983Note 39, l'attentat-suicide a pénétré la conscience culturelle islamique
(dit Feldman) sous couvert de djihad « musulman » et subséquemment, de culte des martyrs (chahid), ce qui a permis sa banalisation malgré l'interdiction coranique du suicide, et autorisé par la suite des musulmans (sunnites ou chiites) à perpétrer des attentats-suicides260,261.
Clergé
L'islam reconnaît divers niveaux de compétences religieuses et différentes fonctions parmi ses fidèles. Il est possible de citer :
- Le muezzin fait l'appel à la prière ;
- L'imam dirige la prière ;
- Le recteur de la mosquée dirige la mosquée ;
- Le cheikh est un chef de clan ou tribu ;
- Le mufti (arabe : مفتي) est un jurisconsulte. Lorsque des musulmans sont divisés sur un sujet particulier, souvent face à des contradictions de fatwas, ils peuvent solliciter son arbitrage pour obtenir des éclaircissements sur l'interprétation de la charia ;
- Le faqih (arabe : فقيه) est un maître en droit musulman ;
- Le mouhaddith est un spécialiste du hadith ;
- Le cadi est un juge dans un tribunal islamique ;
- L'ouléma, 'âlim (arabe : عالِم), est un docteur de l'islam, un enseignant-chercheur en droit musulman.
- Le molla ou mollah (ayatollah ou hodjatoleslam) est un érudit musulman dans des pays dont le langage a une influence perse (arabe : mawlān, مولًى, pl. mawâlin, موالٍ aide ; défenseur ; seigneur). Il est la plus haute autorité pour les chiites.
- Jusqu'en 1055, le calife détenait le pouvoir temporel (politique et militaire) et spirituel (théologique et judiciaire).
En Europe et dans certains pays musulmans, la question des formations se pose. En France, "aucune université ni établissement scolaire reconnu ne propose à l'heure actuelle de former les candidats à la fonction religieuse." Actuellement, les imams sont formés soit dans l'institut des « Musulmans de France », soit à l'institut Al-Ghazali de la Grande Mosquée de Paris (GMP)262.
Dans le sunnisme
Carte postale de 1900 montrant le minbar (chaire utilisée par l'imam pour son prêche) de la
Grande Mosquée de Kairouan. Cette chaire du
ixe siècle, toujours en place dans la mosquée, est le plus ancien minbar encore intact du monde musulman
263.
Il n'existe pas "au moins dans l’islam sunnite, d’un véritable clergé comparable au clergé catholique." et pas de "véritable séparation entre clercs et laïcs dans l’islam sunnite"264. Néanmoins, si "l’islam est une religion sans Église ni clergé. [...] cela ne signifie pas qu’il soit pour autant une religion sans clercs ni institutions"265.
"L’idée que l’islam serait une « religion de laïcs » relève d’une vulgate du dogme musulman selon laquelle l’autorité religieuse serait une capacité exclusivement divine". L'islam sunnite possède une structure institutionnelle, autour de la place centrale occupée par l'imam. Ils assurent la direction de la prière et parfois aussi la prédication266. Selon la canon islamique, la prière à la mosquée doit être dirigé par un imam. Celui-ci a, dans la mosquée, un véritable rôle de chef d'orchestre et possède une autorité rituelle. L'imam est distingué du fidèle par sa position et par le fait qu'il soit "seul habilité à prononcer à haute et intelligible voix l’ensemble des paroles rituelles constitutives de la salat." Il a aussi autorité pour légitimer la validité d'une prière ou demander au fidèle de la refaire266. En outre, ils ont parfois, en France, des fonctions, qui, en pays musulman, seraient attribué aux oulémas, au mufti ou au mourchid266.
"Cette autorité passe néanmoins d’autant plus souvent inaperçue que le caractère basique des qualifications qu’elle requiert permet aux fidèles de continuer à se représenter ce rôle comme « universellement » accessible"266. Ce principe est particulièrement répandue dans les mosquées française, ce que a permis de se singulariser du catholicisme266.
Dans le chiisme
Le chiisme orthodoxe de la branche usuli (clergé des ayatollah) reconnaît (contrairement aux chiites akhbaris), a contrario, un clergé à plusieurs niveaux hiérarchiques267. Chez les chiites, le titre d'imam désigne le chef spirituel et temporel de la communauté musulmane (calife pour les sunnites). Il est porté par les descendants d'Ali ibn Abi Talib (premier imam) et de Fatima Zahra (fille de Mahomet) jusqu'au douzième imam (Mahdi). Les imams sont considérés comme les dépositaires du sens secret de la révélation coranique et comme les seuls successeurs légitimes de Mahomet268.
Fêtes musulmanes
Le vendredi est, pour les musulmans, un jour consacré au culte, prenant place à la mosquée à midi. Ce jour n'inclus pas, comme le sabbat ou le dimanche chrétien, une dimension de repos. Cette prière du vendredi est évoquée dans le Coran269.
Dans l'islam, deux fêtes sont particulièrement sacrées : l'Aïd al-Adha et l'Aïd el-Fitr.
Achoura : le jeûne de Achoura est un temps de jeûne facultatif, emprunté au judaïsme273. Pour les chiites, c'est surtout la date anniversaire de la mort de l'imam Husayn, petit-fils de Mahomet274.
Ramadan : Seul mois dont le nom figure dans le Coran275,Note 40, ramadan est pour les musulmans le mois saint par excellence
276 car il constitue le mois du jeûne (ou sCaoum) et contient Laylat al-Qadr (la nuit du Destin)277. En français comme en anglais, on emploie indifféremment le mot « ramadan » pour désigner le mois saint pour les musulmans et, par métonymie, le jeûne ou saoum278. Laylat al-Qadr (Nuit du Destin), considérée comme la nuit la plus sainte de l'année, est une commémoration observée au cours de l'un des dix derniers jours impairs du mois. C'est au cours de cette nuit que le Coran aurait été révélé au prophète Mahomet par l'archange Gabriel279.
Mawlid (Aïd Mawlid-ennabaoui) : Cette fête est la célébration de la naissance de Mahomet. Elle a été célébrée, dans l'islam sunnite, depuis le VIIIe siècle. Elle est néanmoins considérée comme une innovation. Des débats existent pour savoir si il s'agit d'une innovation louable ou blamable. "Ces derniers représentaient une minorité peu écoutée, voire condamnée, pendant toute la période médiévale et moderne, mais l’avènement des mouvements fondamentalistes réformateurs dans la première moitié du xxe siècle met en cause ce consensus savant et populaire autour du bien-fondé et de la licéité de la célébration de la naissance du Prophète."280 Suite à la diffusion de l’idéologie wahhabite, cette fête connait un déclin. Cette fête est centrée sur la récitation de textes sur Mahomet, sa prophétie, son rôle d'intercesseur... Bien que les oulémas aient tenté de limiter ces aspects, cette fête illustre "la louange du Prophète qui, pendant des siècles, a constitué une culture religieuse fortement émotionnelle" et des forme de vénération de Mahomet280.
Culture islamique
Ablations traditionnelles
Scène de circoncision. Bas-relief de la tombe de Ankhmahor, à
Saqqarah, en
Égypte ancienne. C'est la plus ancienne illustration connue de la circoncision (env. 2300 avant J.-C.).
Article détaillé :
Fitra.
Pour les musulman, la nature primitive (fitra) fixe aux hommes musulmans, outre la coupe des cheveux, recommande cinq ablations traditionnelles281 :
- la circoncision masculine
- l'épilation des poils du pubis et des aisselles
- le coupage des ongles
- la taille de la moustache
- la taille de la barbe : elle ne doit pas dépasser la largeur d'une main, à partir du menton, c'est-à-dire à hauteur de la base du cou (tôlia)20.
La circoncision est une pratique largement répandue dans le monde musulman. Elle se pratique, selon les régions, entre le septième jour et la quinzième année. Pourtant, cette ablation n'a de fondement normatif, ni dans le Coran, ni dans les hadithsNote 41. Son origine, dans le monde musulman, est lié à la présence importante de cette pratique en Arabie préislamique. Selon les hadiths, c'est un usage qui serait resté courant dans les premières communautés musulmanes282. Ce rite de passage et de reconnaissance de la petite fille dans sa société perdure en dehors de l'islam chez les coptes, les chrétiennes d’Égypte283.
Selon le droit musulman, la circoncision est un acte sunna, recommandé, mais obligatoire (pour les deux sexes) dans l'école shafi'ite. Un argument avancé est la circoncision d'Abraham. Néanmoins, pour les musulmans, elle est perçue majoritairement comme "une obligation rigoureuse, au même titre, par exemple, que les piliers de l'islam". Elle a acquis dans l'islam une fonction de rite de passage282. C'est donc un acte plus culturel que cultuel284.
L'excision du clitoris n'est pas davantage une pratique prescrite par le Coran. Les écoles juridiques la recommandentNote 42 en se fondant sur des hadiths qui ne la prescrivent pas explicitement. Comme pour la circoncision, le fiqh semble avoir entériné une pratique préislamiqueNote 43282. Selon les sociologues congolais, Régine Tchicaya-Oboa, Abel Kouvouama et Jean-Pierre Missie, l'excision fait débat entre les commentateurs « sunnites » qui la défendent soit comme recommandation, soit comme obligation, soit sous la pression de l'État
comme un acte interdit285,Note 44Note 45,286287. .
Selon le sociologue ivoirien Marcel Kouassi, certains adeptes d'un islam traditionaliste
s'appuient sur plusieurs hadiths qu'ils considèrent comme « authentiques » pour défendre cette « tradition »288.Le grand imam de l'Azhar au Caire, l'une des plus grandes références du monde sunnite, a fermement condamné l'excisionau motif que les textes qui la recommandent sont totalement trafiqués par les salafistes pour habiller juridiquement ce qu'il considère comme un syncrétisme283.
Tabous alimentaires
La loi islamique fournit un ensemble de règles prescrivant ce que les musulmans doivent manger. Ces règles spécifient ce qui est halal (halāl), c'est-à-dire légal. Ces règles se trouvent dans le Coran, qui décrit aussi ce qui est haram (harām), c'est-à-dire illégal. Le Coran insiste sur cet aspect normatif, de la différence entre le licite et l'illicite. Ainsi, certains versets prescrivent des interdits et d'autres abrogent les interdits juifs et arabes préislamique289. Le Coran se présente comme moins contraignant que les interdits alimentaires juifs, qui sont, selon lui, des punitions divines. Néanmoins, les lois alimentaires musulmanes sont moins le fait du Coran que de la Sunna289.
Un des premiers interdits coraniques liés à la nourriture concerne les excès290. Au-delà, d'autres interdits définissent les aliments — principalement d'origine animale — et les boissons autorisés dans le cadre de la charia. Les critères utilisés précisent à la fois quels sont les aliments autorisés et la manière dont ils doivent être préparés. Ces interdits sont considérés comme une voie de Salut290. Ces interdits sont levés en cas de contrainte de la faim, sans intention de pécher291.
Selon Florence Bergeaud-Blackler, « en Europe occidentale, jusqu'aux années 1980, la plupart des autorités musulmanes considéraient les nourritures des gens du Livre (juifs, chrétiens, musulmans) comme halal, à l'exception du porc ». Cette absence d'objection est confirmée dans une fatwa de Mohamed Abduh292. et s’appuie sur le texte coranique (la sourate 5 et notamment son cinquième verset)293. Jusque dans les années 1980, hormis quelques juristes d'écoles rigoristes et des groupes islamistes originaires du sous-continent indien, les autorités religieuses, y compris les plus radicales « considéraient que les musulmans pouvaient consommer la nourriture des pays de tradition chrétienne et juive »294.
Florence Bergeaud-Blackler, rappelle que le "marché halal"Note 46 est un marché mondialisé industriel né dans les années 1980 d'une rencontre entre deux courants : l'idéologie libérale du libre-échange dans un marché mondial sans frontières et le fondamentalisme islamique porté par deux tendances : les Frères musulmans et les salafistes294. Cette évolution permettait aux courants fondamentalistes d'« ériger des frontières symboliques entre les musulmans et les non-musulmans »292.
La Ḏabīḥah (ذَبِيْحَة) est la méthode prescrite par la loi islamique concernant l'abattage de tous les animaux à l'exception des animaux marins. Il doit être réalisé en invoquant le nom d'Allah, en disant : « Bismillah Allahi al-Rahman al-Rahim» (Au nom de Dieu le très miséricordieux le tout miséricordieux)295. Le sacrificateur doit appartenir à la catégorie des "gens du Livre"296. Mais les savants musulmans restent en désaccord sur la licéité de la viande cacher et la conception souple du halal a tendance à être marginalisée296.
Calendrier islamique
Les phases de la lune forment la base du calendrier islamique.
L'islam possède un calendrier propre. On indique qu’une date est donnée dans ce calendrier en ajoutant la mention calendrier musulman, calendrier hégirien, ère musulmane ou ère de l’Hégire ; ou en abrégé, (H) ou (AH) (du latin anno Hegiræ)297. Ce calendrier a été mis en place par le calife Umar, qui a fixé son point de départ au premier jour du premier mois de l'année de l'Hégire, le 16 juillet 622. Il introduit alors une ère de l'Hégire