Industrie est un terme polysémique recouvrant originellement la plupart des travaux humains. Il s'agit à présent de la production de biens grâce à la transformation des matières premières ou des matières ayant déjà subi une ou plusieurs transformations et de l'exploitation des sources d'énergie.
Oscillant depuis la préhistoire entre artisanat et mécanisation, l'activité industrielle s'intensifie au tournant du xviiie siècle puis au xixe siècle grâce à l'utilisation des énergies fossiles et l’application de nouvelles technologies : ce phénomène est appelé révolution industrielle et est concomitant à l'apparition du capitalisme. De profonds changements sociaux l'ont accompagnée alors que la société industrielle advenait. Ces transformations ont modifié l'industrie elle-même qui s'est rationalisée par :
En matière de secteurs économiques, la loi des trois secteurs indique que l'industrie recoupe pour l'essentiel le secteur secondaire. Plusieurs classifications des secteurs de l’industrie existent, il est par exemple possible de distinguer l'industrie manufacturière de l'industrie d'extraction (qui appartient alors au secteur primaire), ou l'industrie des biens de consommation de l'industrie des biens de production.
« Industrie » provient du terme (la) industria composé de (la) indo : dans et (la) struere : bâtir. Il a longtemps signifié : habileté à faire quelque chose, invention, savoir-faire1 et, par extension, métier que l'on exerce pour vivre (profession mécanique, artistique ou mercantile2). Le mot a pris un sens plus restreint au xviiie siècle, peut-être[précision nécessaire] à l'époque de Law pour désigner « toute activité productive »3, c'est-à-dire toutes celles qui concourent à la production des richesses : l'industrie agricole, l'industrie commerciale et l'industrie manufacturière4. Depuis le xixe siècle, les activités relevant de l'agriculture sont exclues du champ de l'industrie qui désigne maintenant l'« ensemble des activités socio-économiques fondées sur la transformation des matières premières »3.
Mais avant de s'imposer, « industrie » a dû supplanter les expressions arts et métiers, ou arts et manufactures5, arts mécaniques, arts industriels. Industrie se dit aussi des arts mécaniques et des manufactures en général, ordinairement par opposition à l'agriculture6.
Le
tonneau, introduit par les Celtes de l'Europe du Nord, est adopté par la
civilisation romaine dès le
iiie siècle en remplacement des
amphores, fret si fragile du bassin méditerranéen ; son usage est systématisé au
Haut Moyen Âge (ici figuré dans un blason du Sud-Tyrol).
La Préhistoire voit l'apparition des premières activités humaines, qui peuvent être qualifiées d'industrielles, en excluant celles qui sont liées à l'agriculture.
- L'homme préhistorique a besoin de nourrir sa famille, de se protéger des intempéries, des animaux sauvages, de ses ennemis : ce sont les premières motivations des activités qu'il exerce, dans le cadre des familles et des tribus où, très tôt, une spécialisation a dû exister, en fonction du sexe ou des aptitudes particulières de chacun.
- Le terme de Préhistoire n'a pas la même signification, en matière de chronologie, d'une civilisation ou d'un peuple à l'autre.
- L'homme se préoccupe davantage d'activités intellectuelles ou abstraites lorsque les besoins essentiels sont satisfaits. Même si quelques communautés comme certains moines, ermites voire tribus savent concilier la satisfaction minimale des besoins de base et leur vie spirituelle.
- Les plus anciens témoins de l'activité humaine sont les objets en matériaux peu destructibles : ce sont les outils et armes en pierre, d'abord taillée, puis polie.
- Il est vraisemblable que d'autres techniques utilisant des matériaux végétaux ont été développées très tôt, mais les témoins ont disparu.
- La découverte des possibilités du feu a été la source de plusieurs progrès : métallurgie (du bronze puis du fer), poterie, eux-mêmes à la source d'autres développements.
- La poterie fut l'une des plus importantes industries de l'Antiquité. La production d'ateliers tels que La Graufesenque et Lezoux en témoigne. Dans ses ateliers, plusieurs dizaines de milliers de vases pouvaient en effet être cuits à chaque fournée.
- La filature se développe dès cette époque autour de fibres végétales (genêt, etc.) ou animales (laine de moutons, etc.). La toile de genêt, tissu servant à confectionner entre autres des vêtements et des voiles de navires, est fabriquée par les Romains et les Carthaginois à l'aide de fibres de genêt d'Espagne.
De nouvelles techniques apparaissent au Moyen Âge, et avec elles de nouvelles industrialisations. Le xiiie siècle voit par exemple, l'apparition de l'utilisation du charbon comme combustible. L'industrie drapière se développe en Flandre. Les nombreuses guerres nécessitent une production importante dans certains domaines, ainsi, le Clos des galées à Rouen constituait un grand arsenal de la royauté française ; dans les années 1340, il parvient à livrer des projectiles (arcs et arbalètes) par dizaines de milliers, des armes et armures par dizaines, voire par centaines. La construction de châteaux forts ou de cathédrales associait des centaines d'hommes sur les chantiers.
La principale innovation « industrielle » du Moyen Âge est la généralisation du moulin, découvert à la fin de l'Antiquité, qui assujettit la force de l'eau ou du vent : il y a certes les moulins pour le blé, mais les moulins trouvent d'autres usages : moulin à fouler ou fouleret, moulin à tan, à papier, etc.
Dans d'autres ateliers, on fabrique manuellement des parchemins en grande quantité, qui seront ensuite utilisés par le clergé ou même par des philosophes en Afrique du Nord et en Andalousie.
La Renaissance a été plutôt marquée par un renouveau de l'artisanat lors de la construction et de l'embellissement des châteaux bâtis par les princes et les rois, résidences qui perdent peu à peu leur vocation guerrière au profit du palais de prestige ; seules les industries de l'armement et des appartenances (vêtements, teintures, tapis, porcelaines) ont prospéré.
Au xviie siècle, en France, Jean-Baptiste Colbert développe les manufactures dont les Gobelins, la manufacture d'armes de Saint-Étienne, Beauvais pour les tapisseries (1644), Aubusson pour les tapis, Reuilly abrite une « manufacture de glaces, cristaux et verre » (qui deviendra Saint-Gobain), la bonneterie à Troyes, la draperie à Abbeville, la papeterie à Angoulême. La faïence a alors remplacé la céramique et de grands centres de production sont créés comme la manufacture de Rouen.
Vues de Łodz représentant
un complexe industriel[De quoi ?]. Photographie de Bronisław Wilkoszewski en 1896.
L'âge industriel est aussi important que l'apparition de l'agriculture au Néolithique : il y apparaît en effet une idée de rupture avec le passé. L'âge industriel est caractérisé par une croissance durable et irréversible de la production industrielle, accompagnée de transformations dans l'organisation de la production et dans les sociétés. En 1746, les jeunes entrepreneurs Jean-Jacques Schmalzer, Samuel Koechlin, Jean-Henri Dollfus et Jean-Jacques Feer créent une manufacture de tissus à Mulhouse. L'industrie se développera de manière fulgurante dans cette ville protestante, qui est alors une cité-État connue sous le nom de république de Mulhouse.
Les créations de manufactures se poursuivirent au xviiie siècle : une manufacture de porcelaine s'établit au château de Vincennes avant de déménager à Sèvres où elle se fera une réputation.
Malgré les crises difficilement reçues par les contemporains, la tendance générale de la période 1790-1939 est caractérisée par l'expansion.
La première révolution industrielle commence aux alentours de 1790, pour se terminer aux prémices de la suivante. Les inventions motrices de cette période sont liées à la vapeur et au charbon ; son centre d'activité principal est le Royaume-Uni, puis, quelques décennies plus tard, la révolution industrielle touche la Belgique, ultérieurement, le nord de la France, la Suisse, et enfin l'Allemagne.
La deuxième révolution industrielle commence aux alentours de 1850, et s'arrête aux environs de la fin de la Seconde Guerre mondiale. Les inventions principales de cette période ont un rapport direct avec l'exploitation des découvertes en électricité.
Trois facteurs ont permis à cette deuxième révolution industrielle d'aboutir.
- L'accumulation du capital. Puisque la richesse se fonde sur les investissements, on pense à aller chercher l'argent chez les particuliers : c'est ainsi que les actions pour des petits porteurs (dites « gouttelettes du capital ») deviennent plus courantes aux États-Unis ; ailleurs, cela reste marginal. De plus, la création et le développement des banques de dépôt favorisent aussi la croissance.
La révolution industrielle s'est accompagnée de profonds changements sociaux. Le penseur de la société industrielle en France a été Claude-Henri de Rouvroy de Saint-Simon (1760-1825). Il a décrit le « passage de l'âge théologique et féodal à l'âge industriel et positif ». Il a donné lieu au courant du saint-simonisme très actif au xixe siècle et dans la première moitié du xxe siècle7.
Au xxe siècle, grâce surtout à l'utilisation de combustibles fossiles, les activités industrielles ont été multipliées par 50, alors que la population mondiale a triplé, et que le volume de l'économie mondiale a été multiplié par 20, et la consommation de combustibles fossiles par 308.
Des avancées technologiques sont susceptibles de conduire à un développement de l'industrie dans les domaines :
Les termes révolution de l'information ou société post-industrielle décrivent les tendances économiques, sociales et technologiques actuelles au-delà de la révolution industrielle.
Le caractère industriel d'une activité est étroitement lié au processus de production mis en œuvre : division du travail, spécialisation et répétitivité des tâches, donc mécanisation, développement et spécialisation des fonctions administratives et de support, etc.
On peut consulter les thèmes suivants :
Dans toute forme d'industrie, on retrouve un procédé, une méthode de production. Souvent, leurs inventeurs cherchent à les protéger pour éviter que d'autres ne viennent les concurrencer. C'est en partant de ce principe de propriété intellectuelle, qu'ont été mis au point un certain nombre d'outils juridiques utilisés pour protéger un procédé, comme le brevet.
Ensuite, entre le fournisseur et le client, apparaît la notion de contrat, qui fixe par écrit les termes d'un accord (commercial, d'assistance technique, de formation, de service après-vente, etc.).
L’industrie fait essentiellement partie, par convention, du secteur secondaire, secteur définis dans les systèmes de comptabilité nationale ; elle produit des biens matériels9. On distingue l’industrie manufacturière et les industries d'extraction9 plutôt classées dans le secteur primaire.
Un découpage a priori de l'industrie en fonction des destinations des produits (bien de consommation, bien d'équipement, biens intermédiaires), recouvre une réalité économique caractérisée par la part relative des équipements et de main-d'œuvre dans la valeur ajoutée que l'on peut qualifier de capitalistique et non pas une convention de statisticien ou de comptable national. D'autres variables, comme la structure financière, celle de l'emploi, la croissance peut conduire à décomposer l'industrie en grands groupes de secteurs. Ceux-ci ne sont plus exclusivement caractérisés par la destination des produits. On distingue alors :
- les industries de biens de consommation traditionnels (C) : industrie textile, industrie de l'habillement, industrie du cuir, industrie du bois, presse-édition, industries diverses, ont des équipements légers pour une main-d'œuvre très abondante. Elles sont fin xxe siècle peu concentrées, peu endettées à long et moyen terme, et ont une croissance assez faible ;
- les industries de biens d'équipement (E) : industrie automobile, construction électrique, construction mécanique, construction navale et aéronautique, ont des équipements plus lourds, une proportion moindre d'ouvriers, sont assez concentrées, endettées, mais connaissent une croissance très rapide ;
- les industries de biens intermédiaires (I) : sidérurgie, transformation des métaux, industrie chimique, industrie verrière, métaux non ferreux, industrie du papier, matériaux de construction, ont les équipements les plus lourds, une main-d'œuvre peu qualifiée. Elles sont très concentrées, peu endettées à court terme et connaissent une croissance moyenne.
Cette classification a été proposée par Alain Desrosières en 197210. Elle visait à pallier un système de classification fragmenté d'un assez grand nombre de secteurs qui freine tout effort de synthèse. La séparation (entre E et I) est fondée sur la place dans la filière de production. Le groupe I élabore les matières premières, que le groupe E transforme en produits ouvrés très complexes. Les différences entre ces deux groupes relèvent donc surtout du degré de complexité des productions. En particulier, cette complexité plus grande des activités du groupe E expliquerait sa moins grande mécanisation (en 1972), et la part plus grande de la main-d'œuvre que dans le groupe I. « En revanche, la séparation entre le groupe C et les deux autres serait beaucoup plus historique : les industries du groupe C sont plus anciennes et traditionnelles, elles sont beaucoup moins avancées dans la mutation vers le mode de production capitaliste concentré et moderne qui est le propre des deux autres groupes ».
Il existe de nombreuses classifications types des industries.
Début xixe siècle, dématérialisant de nombreux produits et services, d'autres industries apparaissent :
- de services (ex : industrie de la banque et assurance, de l'éducation, etc.) ;
- des biens culturels (ex : musique, films, etc.).
Même si les industries permettent de réaliser une certaine économie de travail favorisant la créativité humaine11,12, le secteur de l'industrie est un secteur d'utilisation de l'énergie des plus importants.
Le secteur de l'industrie selon l'Agence internationale de l'énergie comprend13,14 :
Flux d'énergie aux États-Unis en 2015.
Le secteur de l'industrie selon l'Energy Information Administration américaine comprend toutes les installations et tous les équipements utilisés pour la production, le traitement ou l'assemblage des marchandises et bien de consommations.
Le secteur industriel englobe les types d'activités de fabrication suivants (codes 31-33 du Système de classification des industries de l'Amérique du Nord — SCIAN) :
La consommation globale d'énergie dans ce secteur est en grande partie attribuable à la chaleur industrielle, à la réfrigération et à l'alimentation des machines, des quantités moindres étant utilisées pour le chauffage, la climatisation et l'éclairage des installations. Les combustibles fossiles sont également utilisés comme intrants de matières premières pour les produits manufacturés. Ce secteur comprend les générateurs qui produisent de l'électricité et/ou une production thermique utile principalement pour soutenir les activités industrielles susmentionnées15.
Tous les secteurs industriels, pour produire des biens matériels, sont des grands consommateurs de ressources naturelles et générateurs de pollutions diverses. Les secteurs industriels engendrent de la pollution des sols, de l'atmosphère terrestre, ou des nappes phréatiques.
Les sites industriels interfèrent avec le milieu naturel : occupation de l'espace, perturbation des équilibres physico-chimiques et écologiques. Ces perturbations cumulées peuvent mener à une crise environnementale.
Afin de limiter les impacts sur les milieux naturels ainsi que les impacts sociaux, la communauté internationale a élaboré depuis les années 1980 des politiques de développement durable, qui se traduisent dans les entreprises par la responsabilité sociétale des entreprises.
Les entreprises du secteur industriel sont soumises au même environnement que les autres entreprises.
Les autorités publiques essayent parfois d'accueillir ou de maintenir de grands sites industriels dans des territoires particuliers, à des fins d’aménagement du territoire. Pour cela, elles peuvent utiliser des subventions ; par exemple, l’Union européenne a versé des subventions aux industries qui étendent ou installent des sites de production dans la ville de Valenciennes, en France, la zone étant jugée en retard économique16.
- ↑ Le Dictionnaire de l'Académie française 1694, tome 1
- ↑ Dictionnaire de la langue française (Littré). Tome 3. 1873
- ↑ Revenir plus haut en :a et b « Industrie: Étymologie de Industrie » [archive], sur Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales (consulté le )
- ↑ L'industrie agricole s'applique principalement à provoquer l'action productive de la nature ou à en recueillir les produits ; l'industrie commerciale crée de la valeur en mettant les produits à la portée du consommateur ; l'industrie manufacturière est celle qui, en transformant les choses, leur crée de la valeur; Dans Littré 1873
- ↑ Chapitre Industrie et Industrialisation, les superstructures, p.303, L'identité de la France, les Hommes et lez Choses, Fernand Braudel, collection Champs, Flammarion.
- ↑ Dictionnaire de l'Académie française de 1932
- ↑ Olivier Pétré-Grenouilleau, Saint-Simon, L'utopie ou la raison en actes, Payot
- ↑ Évaluation DOBRIS ; Agence européenne pour l'environnement ; 1994.
- ↑ Revenir plus haut en :a et b (fr) Définition du terme « Industrie » [archive] sur le site internet de l'INSEE.
- ↑ Alain Desrosières, « Un découpage de l'industrie en trois secteurs », Économie et statistique, n°40, décembre 1972. pp. 25-39. lire en ligne [archive]
- ↑ Ibid., V.3, p. 70.
- ↑ Vezina Simon Mémoire sur Henry Charles Carey [1] [archive] pages 57 et 59
- ↑ iea sankey diagram [archive]
- ↑ (en) « Balance Definitions » [archive], sur iea.org (consulté le )
- ↑ Glossary [archive] sur le site de l'Energy Information Administration
- ↑ Communiqué de presse [archive], région Nord-Pas-de-Calais, novembre 2005.
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Pour les articles homonymes, voir L'Usine.
Une usine est un bâtiment ou un ensemble de bâtiments où sont transformées des matières premières en énergie, ou bien où est produite de l'énergie (par exemple, l'usine marémotrice de la Rance).
Au sens large, une usine est un bâtiment ou un ensemble de bâtiments destinés à la production industrielle. En France, les usines sont généralement des Installations Classées pour la Protection de l'Environnement (ICPE).
« Usine » vient du latin officina, par wisine et uisine (1274)1. Proprement et anciennement, l'usine est une machine mue par l'eau. C'est à partir de la révolution industrielle, une fabrique dont le produit est obtenu par des machines plus que par le travail des ouvriers, tels que moulin, forge2: l'utilisation de l'outil donc, et l'énergie hydraulique jusqu'à la révolution industrielle3 où on lui substitue la vapeur.
Usiner, c'est façonner une pièce avec une machine-outil. Usiner, c'est aussi travailler dans une usine, ou travailler dur, expression popularisée au début du xxe siècle.
À l'origine, l'atelier est le premier lieu spécifiquement destiné à l'activité industrielle. Installé en ville mais aussi à la campagne, il abrite les activités de petites entreprises familiales et individuelles. On y travaille essentiellement les denrées alimentaires, les étoffes, la passementerie et le bois. Le personnel est généralement réduit : le patron travaille aux côtés de ses ouvriers (un ou deux) et de son éventuel apprenti.
L'atelier évolue peu à peu, à côté de la proto-industrie, en ce qu'on appelle la manufacture. On n'y utilise toujours pas ou peu de machines, mais la différence réside dans la concentration d'une main d'œuvre plus nombreuse. Les manufactures apparaissent très tôt dans les domaines où cet agrandissement est vite nécessaire, les chantiers navals, les verreries, et les corderies. La manufacture, qui est plus à l'origine une structure commerciale vendant des produits finis qu'une entité physique, se distingue de l'usine qui elle, fabrique des produits semi-finis3.
Dès la révolution industrielle à la fin du xviiie siècle, la notion d'usine s'impose. Par opposition à la manufacture (fabrication manuelle), on y utilise des machines en grand nombre. Comme le métier à tisser s'est amélioré techniquement, les usines de tissages prennent le dessus sur les filatures.
L'usine est née avec la production de masse. Il s'agissait de regrouper en un même lieu un maximum de moyens de production permettant de produire le plus économiquement possible de grandes quantités d'un même produit. Ce regroupement permettait une parcellisation des tâches à effectuer, afin de saturer les ressources (machines et ouvriers). Ce type d'organisation du travail (taylorisme) s'est traduit par :
- les chaînes de montage en ligne,
- le regroupement des postes en ateliers homogènes, c’est-à-dire par métier.
Par exemple, pour la fabrication d'ensembles mécaniques, on trouve typiquement :
- l'atelier de tournage, de perçage,
- l'atelier de perçage, de fraisage, de rabotage,
- l'atelier de débit, de découpe, d'emboutissage, de forge,
- l'atelier de traitement thermique, de peinture,
- l'atelier de montage ou d'assemblage, les zones de prémontage,
- l'atelier d'outillage,
- le magasin des matières premières,
- le stock de produits finis,
- les magasins d'en-cours (stock de pièces peintes…).
Ces ateliers provoquent des pollutions, qui mènent à la nécessité de développer une ventilation industrielle, aussi bien par mesure de sécurité pour le bâtiment que pour la santé des travailleurs.
Dans les domaines dits « improductifs », il y a un découpage similaire :
- bureau d'études, études produits, études outillages,
- bureau des méthodes,
- services d'achats, lancement, ordonnancement, magasins, manutention, après-vente…
Les services relevant de la direction générale, comme la comptabilité, le service commercial et autres fonctions éloignées des contraintes de fonctionnement de l'usine, se trouvent au siège. L'arrivée de l'informatique se traduit par son utilisation en comptabilité et gestion financière.
Deux événements vont modifier l'usine :
L'industriel américain Henry Ford disait : « Vous aurez la voiture de la couleur que vous désirez, du moment qu'elle est noire » (voir Fordisme). L'usine s'est compliquée lorsqu'il fallut, par exemple, produire des voitures de toutes les couleurs.
La création et la multiplication de variantes et d'options met à mal l'organisation traditionnelle de l'usine, son implantation et sa gestion.
Il s'agit, par exemple, de livrer des voitures de nombreuses couleurs, avec des sièges et des tableaux de bords différents. Il faut passer de la grande série à la production par lots, ou à l'unité.
Les différentes organisations changent l'implantation de l'usine et les principes de gestion de la production :
- Création d'îlots multi-métiers grâce à la Technologie de Groupe (TGAO) (Group Technology)
- Mise en parallèle de lignes d'assemblage spécialisées ou bien synchronisation, afin de réduire les stocks d'en cours et de réduire l'encombrement des postes en composants.
- Sous-traitance de composants, en se concentrant sur son métier,
- Développement des systèmes de manutention et de stockage automatisés et flexibles,
- Gestion de la production assistée par ordinateur, en planifiant les tâches le plus précisément possible en fonction des commandes et des prévisions (GPAO).
L'implantation des postes de travail évolue pour favoriser une plus grande polyvalence. Cette amélioration des flux de matières s'accompagne du développement de moyens de manutention et de stockage plus rapides et plus souples. Ainsi naît ce qui deviendra la Transitique. Les usines deviennent plus simples, mais les réseaux de convoyeurs les envahissent, dans des zones jusque-là réservées au chariot à fourches.
La commande numérique d'une machine date du xviiie siècle. Jacques de Vaucanson réalise le premier métier à tisser à cartes perforées. Il faudra attendre 1942, pour que Bendix (États-Unis) sorte la première machine-outils à commande numérique. En France, G.S.P. (société reprise par Forest) invente la première perceuse-aléseuse dont le positionnement est commandé par des cartes perforées, puis par un ruban perforé. Cette commande numérique va évoluer jusqu'à pouvoir être alimentée par des calculateurs. La bande perforée disparait, au profit de données figurant sur un support magnétique. Puis apparait le centre d'usinage, qui est une machine capable de faire du perçage, de l'alésage, du fraisage, du taraudage par exemple. C'est une sorte d'îlot multi-métiers, qui supprime les manutentions, les attentes inter-opérations, qui améliore la qualité. C'est un énorme bouleversement. En effet, ou soudera toutes les pièces d'un ensemble avant d'effectuer toutes les opérations d'usinage sur un même poste, le centre d'usinage.
Il va conduire à développer la mise en communication du dessin des pièces avec la machine qui les usine. (Conception assistée par ordinateur : CAO, puis Conception et fabrication assistées par ordinateur : CFAO). De la planche à dessin, qui devient un ordinateur, jusqu'à l'armoire de commande numérique de la machine-outil.
Cette « mise en ligne », cette tension du flux, va se généraliser à des cellules flexibles, comprenant plusieurs centres d'usinages, et des ateliers flexibles. Cette organisation va être reprise dans les ateliers d'assemblage, qu'ils soient manuels ou robotisés, ou mixtes. Toujours pour les mêmes raisons: tendre les flux, pour diminuer les temps de passage qui génèrent des stocks et une incapacité à répondre à une demande variée et évolutive (nouveaux produits aux cycles de vie plus courts).
Et en même temps le flux tiré fait son chemin; (toyotisme) pour les uns, technique de réapprovisionnement des épiceries pour les autres.
L'informatique gère tous les processus, le juste-à-temps ou flux tendu s'étend à toutes les fonctions. L'usine change d'aspect, les fonctions se rapprochent. C'est l'intégration. L'ouvrier côtoie le robot, dont l'ancêtre est la machine à commande numérique.
Sur cette photo d'un centre d'usinage, on ne distingue ni le magasin d'outils, ni le dispositif de changement d'outils, cachés par le carénage.
Le plateau tournant à axe vertical tourne lui-même sur un plateau incliné (2 axes).
La broche est à axe vertical, et ses mouvements constituent les 3 autres axes.
L'arrivée et diffusion de technologies qui permet aux robots de continuer leur production sans surveillance humaine mène à la possibilité (et réalité dans certains cas) d'opérer une usine dans le noir.
Au xxie siècle, le terme « usine » est remplacé par d'autres termes. On lui préfère « site de production » ou « pôle de production ». Mais, plus qu'une question de vocabulaire, ou de jargon, les mots traduisent une modification profonde de l'organisation industrielle, car dans l'usine, les employés et les machines-outils font plus qu'usiner, les employés réfléchissent et s'organisent en permanence pour être plus réactifs.
Le site de production est plus près du client, réagit plus vite aux commandes. Les plateformes logistiques préparent les commandes, elles font partie du processus de production. Les dernières phases de montage se font à la commande. Le flux tiré se généralise à la suite du développement technique des équipements industriels.
Les anciennes usines désaffectées connaissent parfois une nouvelle vie, en étant reconverties en salles de concert ou d'exposition, ou encore en immeubles à appartements.
- 2006 : Putain d'usine, film de Rémy Ricordeau4
- 2007 : Mega usine, méga défi : l'usine de gaz naturel liquéfié, conférence filmée de Marc Duval
- 2007 : La construction d'une usine : du virtuel au réel, conférence filmée d'Anne Pouliquen
- 2008 : Presto5, film de Mathilde Nègre
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