Comme l'électricité, l’hydrogène est un vecteur énergétique et non une ressource énergétique : l'hydrogène n'existant pas à l'état pur gazeux (H2), il est nécessaire de le fabriquer à partir d'une matière première qui en contient. Il existe deux sources principales : l'eau (H2O), dont la décomposition en hydrogène et oxygène peut s'obtenir en pratique soit par électrolyse, soit par réaction chimique à haute température (> 800°C) ; les hydrocarbures et la biomasse ; il faut séparer par voie chimique l'hydrogène qui est lié au carbone et souvent à l'oxygène dans ces molécules plus complexes mais généralement moins stables que l'eau. C'est ce qu’on appelle le "reformage".
1. L’électrolyse de l’eau.
L’électrolyse permet de séparer les éléments oxygène et hydrogène de l’eau (H20) grâce à un champ magnétique. Le résultat du procédé inverse, en remettant en contact hydrogène et oxygène, libère du courant électrique et rejette de la vapeur d’eau. L’hydrogène produit par électrolyse de l’eau peut atteindre après une purification éventuelle une pureté de l’ordre de 99,999%.
2. Le craquage de l’eau.
Le craquage de l’eau par le procédé thermochimique nécessite une chaleur d’environ 850°C fournie par des réacteurs nucléaires à haute température. Ces réacteurs de type HTGR consomment des combustibles fissiles plus abondants que les réacteurs habituels. Le nucléaire est la plus grande source actuelle de chaleur pour le craquage d’eau.
2. Le craquage des hydrocarbures.
L'hydrogène peut être obtenu par steam-reforming, à partir de vapeurs, d'un gaz naturel ou d'autres hydrocarbures légers. Les hydrocarbures sont des produits que l’on trouve dans le sol tel que pétrole, gaz naturel. C’est une ressource non renouvelable. Ils sont composés d’hydrogène et de carbone. Le craquage des hydrocarbures par reformage est la solution économique le plus rapide et attrayante. Il existe deux techniques principales, le vapo-reformage, réaction du gaz naturel avec l'eau, l’oxydation partielle, réaction d’un hydrocarbure avec l'air. Il semble rester de grandes réserves de gaz naturel, cependant elles s’épuiseront aussi un jour. Déplacer le problème n’est pas une solution, mais le vapo-reformage du gaz naturel sera sans doute nécessaire dans le passage à l’hydrogène.
3. Le stockage de l’hydrogène.
Le transport de l'hydrogène par gazoduc ne pose pas de problèmes insurmontables et est déjà réalisé pour les applications de chimie industrielle. Son stockage massif peut s'envisager dans des cavités salines ou des aquifères, comme pour le gaz naturel, au prix d'un surcoût actuellement estimé à 150 à 170€ par tep. On peut également envisager de le stocker sous pression ou sous forme liquide. La meilleure solution actuelle est de le comprimer à des pressions d’au moins 300 bars (on envisage 700 bars).
4. La pile à combustible.
La pile à combustible fonctionne à l’hydrogène avec un bon rendement, à toutes les allures et pour toutes les puissances, ne fait pas de bruit, ne pollue pas. Cependant, dans les meilleures conditions technico-économiques actuelles (pression, température et densité de courant élevées), l'électrolyse de l'eau produit de l'hydrogène avec un rendement de l'ordre de 50 à 55%, provoque des émissions de gaz à effet de serre si elle est d'origine fossile (charbon, gaz ou pétrole), des déchets nucléaires si elle est d’origine nucléaire. L'électricité renouvelable échappe à ces critiques. Le reformage des hydrocarbures produit de l'hydrogène avec des rendements de 70% à 80%, mais aussi des émissions significatives de gaz à effet de serre (sauf si on utilise aussi de la biomasse pour fournir l'énergie thermique nécessaire).Quant aux coûts, ils restent très élevés de l'ordre de 600€ la tep (tonne équivalent pétrole), sortie usine, même avec l'électricité la moins chère d'heures creuses soit plus de quatre fois le coût de l'essence sortie de raffinerie. Utilisé dans des "piles à combustible" qui présentent toutes des rendements bien meilleurs que les moteurs thermiques classiques, il ne produit en principe comme rejet à l'utilisation que de la vapeur d'eau. Mais il faut s'assurer que l'ensemble de la chaîne énergétique, depuis la ressource primaire jusqu'au service rendu, a des chances de cumuler des avantages énergétiques, environnementaux et économiques sur ses concurrents traditionnels. Malgré les performances qu'on peut espérer au niveau de la pile, il faut atteindre des performances très élevées de rendement de raffinage et reformage du carburant en amont de la pile, de l'ordre de 70 à 75%, ce qui est loin d’être acquis aujourd'hui, pour égaler ou dépasser la filière hybride essence (un moteur à essence classique alimente un moteur électrique). On voit aussi que la filière hydrogène électrolytique est complètement hors course. C’est vrai que, sur le papier, l'hydrogène et les piles à combustible libèrent les énergies renouvelables de trois de leurs contraintes majeures : leur faible concentration géographique, leur caractère irrégulier, la difficulté de leur stockage, sans provoquer d'émissions de gaz à effet de serre supplémentaires ni de pollution locale. Mais s’il s’agit d’électrolyse, il va falloir transporter l’électricité éolienne ou photovoltaïque loin de son lieu de captation vers quelques sites de stockage à partir desquels il faudra redistribuer l'hydrogène vers les lieux de consommation. Et puis surtout on a vu plus haut que même avec une production déjà centralisée et régulière d'électricité (nucléaire ou hydraulique d'heures creuses), le coût de l'hydrogène produit reste encore d'un ordre de grandeur trop élevé, ce qui n'a aucune chance de s’arranger avec l’électricité éolienne ou photovoltaïque fluctuante et décentralisée. S’il s’agit d’hydrogène fabriqué à partir de la biomasse, c'est alors aux carburants issus de la biomasse (alcools, huiles végétales, méthanol, etc...) et à leur utilisation, purs ou en mélange dans des moteurs traditionnels ou dans des moteurs hybrides, qu'il faut comparer la solution hydrogène et pile à combustible. Là encore, la comparaison des coûts vire nettement à l’avantage des carburants issus de la biomasse.
5. L’hydrogène dans l’industrie pétrochimique.
L’hydrogène est une des matières de base des industries chimiques et pétrochimique. Il est, soit fabriqué spécifiquement dans des unités dédiées (steam-reformers, oxydation partielle d’hydrocarbures, électrolyseurs…), soit co-produit dans des fabrications d’autres produits chimiques, tels que l’éthylène ou le chlore. Les raffineries et procédés électrolytiques employés dans la chimie du chlore génèrent également des gaz riches en hydrogène, dont on peut donc extraire ce dernier. Sa valorisation en tant que matière première étant très supérieure à sa valeur calorifique, les " coproductions " d’hydrogène sont généralement, sur les sites industriels chimiques, regroupées dans un " Réseau hydrogène " et utilisées dans les diverses fabrications du site. Sur le plan quantitatif, les volumes d’hydrogène liés à la fabrication d’un produit chimique varient dans des proportions importantes. Le produit dominant sur le plan de la consommation d’hydrogène est l’ammoniac NH3, utilisé dans l’industrie des engrais. La quantité d’hydrogène utilisée aujourd’hui pour la fabrication de produits chimiques tels que les amines, le méthanol, l’eau oxygénée, etc… est pour la majorité d’entre eux très inférieure à celle nécessitée par la fabrication d’ammoniac. On estime que pour l’ensemble de ces produits elle représente 50% des besoins en hydrogène pour la fabrication d’ammoniac. Dans les raffineries, un certain nombre d’unités sous-produisent de l’hydrogène (cracking thermique ou catalytique, reformeur catalytique…) alors que d’autres en sont consommatrices (hydrocracking, hydrotraitement, désulfuration…). La tendance vers des spécifications de plus en plus sévères pour les carburants et les produits pétroliers fait croître la demande en hydrogène et conduit à des bilans globaux déficitaires en hydrogène. C’est pourquoi la plupart des raffineries sont amenées à produire, dans des unités de " steam-reforming ", l’hydrogène complémentaire dont elles ont besoin.
6. Les besoins mondiaux en hydrogène.
En 2000, la demande mondiale en énergie primaire exprimée, en tonnes d’équivalent pétrole (tep), a été de l’ordre de 9.5 milliards de tep ou 400 EJ (exajoules). Poussée par l’augmentation de la consommation dans les pays en voie de développement, elle croit à un rythme voisin de 1,6% /an, ce qui pourrait conduire à son doublement à l’horizon 2050. Les 500 milliards de Nm3 (6,5 EJ) d’hydrogène produits annuellement représentent 1,5% de la production mondiale d’énergie primaire. Si l’hydrogène est amené à devenir un vecteur énergétique largement répandu, on voit l’ampleur du problème posé par sa production future. Pour qu’en 2050 l’hydrogène représente une proportion notable de la couverture des besoins énergétiques mondiaux (disons 20%, soit 170 EJ), les capacités de production devraient être multipliées par un facteur de l’ordre de 25, ce qui correspondrait à une production de l’ordre de 12.500 milliards de Nm3/an ou 1200 millions de t/an.