Menhir
Un menhir est une pierre dressée, plantée verticalement. Il constitue l'une des formes caractéristiques du mégalithisme.
Les menhirs se rencontrent de façon générale un peu partout en Afrique, Asie et Europe, mais c'est en Europe de l'Ouest qu'ils sont le plus répandus. Dans cette région, ils ont été érigés au Néolithique.
Étymologie
Le terme « menhir » est construit à partir du breton maen, « pierre », et hir, « longue ». Il semble que ce soit Théophile-Malo de La Tour d'Auvergne-Corret qui, le premier1, officialise le terme « menhir », dans son ouvrage Origines gauloises. Celles des plus anciens peuples de l'Europe puisées dans leur vraie source ou recherche sur la langue, l'origine et les antiquités des Celto-bretons de l'Armorique, pour servir à l'histoire ancienne et moderne de ce peuple et à celle des Français, publié entre 1792 et 1796. Cette appellation « menhir » est vite relayée par l'historien Pierre Jean-Baptiste Legrand d'Aussy (1737-1800). Le 7 ventôse de l'an VII (), Legrand d'Aussy fait, à l'Institut, une lecture de son ouvrage, Des Sépultures nationales, publié par la suite en 1824 :
« On m'a dit qu'en bas-breton ces obélisques bruts s'appellent ar-men-ir. J'adopte d'autant plus volontiers cette expression, qu'avec l'avantage de m'épargner des périphrases, elle m'offre encore celui d'appartenir à la France, et de présenter à l'esprit un sens précis et un mot dont la prononciation n'est pas trop désagréable. La nécessité où s'est vue la nation bretonne d'imaginer une expression pour désigner cette sorte de monument, semble annoncer qu'elle en avait chez elle une très grande quantité. [...]
Ar-men-ir, littéralement la pierre longue. Ar, dans la langue bretonne, de même qu'al dans la langue arabe, est l'article défini qui répond à notre le, la; le transporter dans notre langue en y joignant le nôtre, serait une faute, parce que ce serait employer deux articles au lieu d'un. Je dirai donc menir, et non l’almenir; de même qu'on dit le Koran, et non l’alkoran. »
Legrand d'Aussy a ainsi créé un mot de toutes pièces signifiant « pierre longue »Note 1 car le mot breton utilisé pour désigner ce type de monument est peulvan (peul/paol [pilier] et maen/man/van [pierre])1. Dans Le Cheval d'orgueil, Pierre Jakez Hélias évoque le mot breton de peulvan en ces termes :
Le vrai nom breton du monument préhistorique en question est bien peulvan (pieu de pierre ou pierre fitte) et non menhir (pierre longue), terme inusité au moment où parle le petit Louis. Il y a une ferme, sur la route de Plozévet, qui s'appelle Pleuvan2
Dans les autres régions de France, avant la généralisation du terme « menhir », on utilise des locutions comme « pierre fichée », « pierre plantée », « pierre levée », « pierre longue », « pierre fiette », « pierre latte », etc.3 ou leurs équivalents en langue régionale, lesquels ont été conservés par la toponymie (« Pierrefiche », « Pierrefitte », etc.).
En gallois, les pierres dressées sont nommées maen hir, c'est à dire « pierre longue ».
Généralités
Histoire
En Europe, les menhirs constituent l'une des formes caractéristiques du mégalithisme durant le Néolithique, jusqu'à la fin du Chalcolithique ; les pierres dressées durant la Protohistoire étant généralement classifiées comme stèles et localement en Europe de l'ouest comme « lechs », plutôt que comme « menhirs ». Jusqu'à récemment, les menhirs sont associés à la culture campaniforme qui occupait l'Europe à la fin du Néolithique et au début de l'âge du bronze, entre 4 500 et 2 500 ans avant notre ère. Certains travaux récents sur les mégalithes de Bretagne suggèrent une origine plus ancienne, jusqu'à 6 000 ou 7 000 ans avant notre ère4.
Description
Les menhirs sont des pierres dressées verticalement. La pierre utilisée est celle qui correspond au substrat rocheux local ou provient de sites d'extraction plus éloignés (granite, calcaire, grès...). Leur taille varie fortement, de quelques dizaines de centimètres à plusieurs mètres de hauteur. La pierre peut avoir été dressée telle quelle, dans son état brut, ou travaillée pour en régulariser les faces (par bouchardage au Néolithique, en employant des outils métalliques durant la Protohistoire) en tenant compte des qualités propres à chaque roche : le granite et le grès peuvent aisément être régularisés par bouchardage, le quartz ou le schiste ne se prêtent pas à la taille, schiste et calcaire se débitent facilement en dalle.
En fonction du sous-sol rocheux, les menhirs sont plus ou moins enfoncés dans le sol (en général, sur environ un dixième ou vingtième de leur longueur totale) dans une fosse de calage creusée préalablement et calés par de petits blocs. Certains spécimens sont parfois très peu enfoncés au regard de leurs proportions imposantes mais dans ce cas leur masse naturelle leur assure la stabilité. La découverte et la fouille d'une fosse de calage est une source très précieuse en archéologie : outre qu'elle peut permettre d’apprendre quelles techniques de construction furent utilisés (préparation du sol, sens du relevage) elle peut aussi être l'occasion de recueillir du matériel archéologique (charbons de bois permettant une datation au carbone 14, objets lithiques, tessons de céramique, fragments métalliques...) qui permettront de dater plus ou moins approximativement la date d'érection du menhir. A contrario, l'absence d'existence d'une fosse de calage est généralement interprétée comme un indice remettant en cause l'authenticité historique d'une pierre dressée ; de même, la présence d'objets irrémédiablement attribuables à des périodes postérieures au Néolithique (romaine, médiévale, contemporaine, moderne) peut indiquer que le site fut fouillé postérieurement ou que le redressement de la pierre fut opéré (ou réopéré) à une période plus récente.
Les menhirs ont été dressés de manière isolée ou en groupe plus ou moins importants. Lorsqu'ils sont alignés en file, ils peuvent former des alignements mégalithiques ou des enceintes mégalithiques de formes variées (circulaire, rectangulaire ellipsoïdale, trapézoïdale) usuellement mais improprement dénommées cromlec'h.
Pour certains chercheurs, il aurait existé au Néolithique, à côté de ces mégalithes, leurs équivalents en bois appelés, faute de terme adéquat pour les désigner, « menhirs en bois »5.
Décorations et sculptures
Les menhirs sont parfois gravés de formes abstraites (lignes, spirales, etc.) ou de représentations d'objets plus ou moins identifiables (haches, crosse de bergers, jougs d'attelage...) ; les figurations d'animaux ou d'humains sont extrêmement rares et très abstraites. À l'exception des haches, aucun de ces motifs n'est certain et les noms employés pour les décrire le sont par pure commodité (hache-charrue, crosse, écusson...). La plupart de ces gravures ne sont plus désormais visibles qu'en lumière rasante, soit en raison d'une érosion du matériau support, soit parce qu'elles étaient initialement rehaussées par des couleurs désormais disparues (Espagne).
Au Néolithique final et à l'âge du bronze, les menhirs évoluent progressivement vers des stèles et des statues-menhirs, de taille plus modeste, gravées et/ou taillées en bas-relief ou en ronde-bosse, parfois sur plusieurs faces, avec des représentations de caractères anthropomorphes (visage, seins, bras et mains, jambes et pieds) et/ou d'attributs caractéristiques (colliers, pendeloque, crosse, arme, le baudrier, éléments vestimentaires...).
-
Menhir portant une gravure de dague, site de Filitosa (Corse).
-
-
-
-
-
-
Destructions
Huelgoat : destruction d'un menhir par des carriers vers 1900.
Dans le cas du menhir d'Er Grah, il a été démontré que sa destruction et sa réutilisation furent très anciennes. L'empereur Charlemagne, dans son Admonitio generalis de 789 renouvelé dans l'article 41 du capitulaire des missi dominici mis au point vers l'an 800, avait ordonné la destruction des pierres païennes que vénéraient les populations. Au Moyen Âge, beaucoup de menhirs furent christianisés par la gravure de croix ou de motifs à caractère religieux et/ou l'installation d'une croix sur leur sommet et d'autres furent purement et simplement détruits pour les mêmes raisons. En dehors du domaine religieux, et d'une manière plus générale, comme pour tous les mégalithes, les destructions de menhirs qu'elles soient involontaires, par négligence, ou volontaires, furent une pratique courante tout au long des siècles mais elles se sont fortement accrues dans la deuxième moitié du XIXe siècle et tout au long du XXe siècle pour diverses causes successives et cumulatives :
- le démantèlement à des fins de réutilisation de la pierre pour la construction, l'empierrement des chemins, le pavage des rues ;
- les fouilles sommaires pratiquées par des pilleurs, à la recherche d'un supposé trésor caché à leur pied, ou des érudits du XIXe siècle, aux méthodes expéditives, ayant entraîné la chute puis la destruction progressive ;
- lorsqu'ils se situent au-milieu des champs, la gêne supposée pour les cultures, surtout quand celles-ci sont mécanisées ;
En Bretagne, on estime ainsi que l'invention de la dynamite et la généralisation des remembrements du XXe siècle sont responsables des trois-quarts des destructions6.
On estime que sur les 50 000 mégalithes ayant été érigés en Europe de l'Ouest et du Nord, environ 10 000 subsistent à notre époque7.
Essai d'interprétation
Jusqu'au XIXe siècle, on ne possède pas une connaissance suffisante de la Préhistoire et toutes les construction qui semblent être antérieures à l'époque gallo-romaine sont attribuées à des Géants supposés avoir habités sur terre dans des temps très anciens. En France, de nombreux menhirs sont ainsi attribués au facéties du géant Gargantua. Fin XVIIIe siècle, les premiers érudits, pétris de culture classique, suggèrent que les menhirs résultent de cultes druidiques ou de constructions liées à des calendriers primitifs8. Tout au long du XIXe siècle, l'essor de la celtomanie contribue à associer immanquablement les menhirs aux Celtes et à développer des théories, plus ou moins complexes, associant les menhirs aux astres et dans le même temps à associer les dolmens à des sacrifices sanglants. De nombreux auteurs, archéologuesNote 2 ou amateurs avertis, entreprennent alors de démontrer que certains menhirs avaient des orientations astronomiques précises9 et partant de cette constatation, exposent que les menhirs et a fortiori les ensembles de menhirs (alignements, cromlechs) devaient servir à calculer la position des astres, toutes ces théories oubliant implicitement que certains menhirs ont été déplacés depuis leur érection et que beaucoup d'ensembles mégalithiques sont incomplets du fait des destructions antérieures10. De même, les blocs erratiques, résultant du glissement des glaciers, ou les chaos naturels, dont l'existence ne pouvait être expliquée en l'état des connaissances scientifiques de l'époque, furent interprétés comme étant des constructions humaines de type mégalithique, et se virent attribuer, à leur tour, selon ces mêmes théories, des caractéristiques astronomiques purement fantaisistes11.
« La problématique de l'orientation astronomique des menhirs a été constamment embrouillée par des travaux fantaisistes ou imprudents, et un discrédit général en a rejailli sur les travaux sérieux, basés sur des faits moins contestables, sinon toujours rédigés prudemment. On a commencé par discerner d'approximatives orientations solaires calendaires, solsticiales ou équinoxiales, puis des stellaires et des lunaires, un peu au bonheur la chance, et bien entendu on les a retrouvé à peu près, ici ou là. C'est très possible qu'il y ait eu quelque chose de ce genre, mais beaucoup moins précis qu'on ne l'imagine. Dans certaines hypothèses en vogue il y a quelques années, on aurait là divers éléments de grands observatoires destinés à prévoir les éclipses. Malgré des tentatives de démonstrations sophistiquées, rien n'a pu être jusqu'ici valablement démontré. Il en est de même quant à l'utilisation d'unités de longueur, de figures géométriques pythagoriciennes ou autres, ou encore d'arrangements quasi géodésiques. Il est trop facile de trouver des semblants de coïncidences qui ne prouvent rien12. »
— Pierre-Roland Giot, Préhistoire en Bretagne
Aujourd'hui encore la signification précise des menhirs demeure totalement incertaine, et les pierres levées « demeurent pudiquement enveloppées d'un mystère épais »12. Certaines corrélations peuvent au mieux conduire à émettre des hypothèses. Il a été ainsi observé que l'installation d'un menhir correspond souvent, selon les régions, mais sans aucun caractère systématique démontré, à la présence voisine d'un élément naturel ou anthropique notable pour lequel il aurait pu servir de « menhir indicateur » : proximité d'une ressource hydrique (source, rivière, interfluve) qui pourrait avoir eu une signification sacrée ou un usage purement profane, proximité d'une ou de plusieurs tombes mégalithiques (dolmens), implantation près d'un col en zone de moyenne montagne, sur un rebord ou un sommet de plateau, un point élevé de la côte. A contrario, ces constats n'expliquent pas la présence d'un menhir quand aucune de ces caractéristiques n'est vérifiée.
Approche culturelle
Mythes et légendes
La forme phallique des menhirs a souvent conduit à leur prêter de nombreuses vertus pour répondre aux problèmes conjugaux et surtout de fécondité et ceci jusqu'au début du XXe siècle. En Bretagne, de nombreuses traditions rapportent des pratiques similaires consistant pour les jeunes femmes à se frotter tout ou certaine partie du corps contre un menhir (pour régler un souci de stérilité, pour avoir des garçons, ou tout simplement pour se trouver un mari dans les cas désespérés).
D'autres traditions se focalisant sur le caractère spectaculaire des menhirs y voient nécessairement le résultat de l'intervention d'êtres doués de pouvoirs extraordinaires, surnaturels ou religieux : armée d'invasion pétrifiée (alignement de Carnac), individus changés en pierres après avoir tenté de voler un trésor (de lutins, d'une sorcière) ou s'étant comportés de manière incorrecte vis à vis d'un prêtre dans l'exercice de ses fonctions sacrées (La Noce de Pierres), projectiles lancés par Gargantua au cours d'un jeu ou lors de combats entre le Diable et la Vierge ou un saint, pierres perdues en chemin lors de leur transport par un personnage doué d'une force surhumaine (le Diable, la Vierge Marie, Gargantua) alors qu'elles étaient destinées à un monument remarquable (château, église, pont) en cours de construction.
Bande dessinée
Dans les aventures d'Astérix et Obélix, Obélix exerce la profession de tailleur et livreur de menhirs : il est souvent représenté portant un menhir sur le dos. Cette activité est au centre du scénario de l'album Obélix et compagnie ; une allusion à l'aménagement d'un certain terrain à Carnac est également faite dans les albums Astérix en Hispanie et Le Fils d'Astérix. Cet anachronisme plaisant traduit la persistance jusqu'au milieu du XXe siècle (la bande dessinée a été créée en 1959)13 de la thèse celtique faute d'explication incontestableNote 3.
Répartition mondiale
Les menhirs sont présents un peu partout dans le monde, tout particulièrement en Afrique, en Asie et en Europe, mais c'est en Europe de l'Ouest qu'ils sont les plus nombreux. On les retrouve à travers toute l'Europe, de la zone méridionale (Portugal, Espagne, Corse, etc.) au pourtour de l'océan Atlantique (France, Irlande, Grande-Bretagne), et de l'Europe centrale (Suisse, Autriche, Allemagne) à la Scandinavie (Danemark et Suède). La région a compté jusqu'à 50 000 mégalithes14, tandis que le seul Nord-Ouest de la France en compte 1 20015. Sous des formes plus récentes, les menhirs se rencontrent également en Afrique (Sénégal), en Asie (Inde, Indonésie, Corée) et même en Amérique du Sud.
Europe
Extension du mégalithisme préhistorique en Europe de l’Ouest et en Afrique du Nord-Ouest (en marron).
France
En France, la plus forte concentration de menhirs visible est en Bretagne, de formes très diverses. C'est aussi en Bretagne que l'on peut voir le plus grand menhir connu au monde (grand menhir brisé d'Er Grah qui mesurait près de 20 m de hauteur) et où les alignements sont les plus fréquents et les plus spectatculaires, les plus connus étant les alignements de Carnac, où plus de 3 000 menhirs individuels sont arrangés en quatre groupes et alignés en rangées s'étirant sur 4 km. Chaque ensemble est organisé avec les pierres les plus hautes à l'extrémité ouest et les plus basses à l'extrémité est. Certaines rangées se terminent par un cromlech semi-circulaire, mais certains ont été détruits ou se sont effondrés4.
La deuxième concentration de menhirs est située en Lozère sur le site de la Cham des Bondons, qui en compte plus de 15016, sur une plaine calcaire des Cévennes granitiques. D'autres départements français disposent d'un patrimoine mégalithique méconnu incluant des menhirs tout à fait remarquable (la Vendée, la Seine-et-Marne, l'Essonne) ; le Tarn et la Corse s'illustrent par de fortes concentrations de statues-menhirs.
Grande-Bretagne
Les deux menhirs de Giant’s Grave, en Cumbrie, se dressent au pied du dôme de Black Combe, une montagne dans le Parc national du Lake District. Le plus petit menhir porte trois pétroglyphes en spirale, alors que le plus grand n'en a qu'un. On peut accéder au site par l'A595 via un champ jouxtant le passage à niveau17.
Le menhir de Longstone est l'unique menhir de l’île de Wight. Le toponyme de Mottistone, qui désigne le village au sud, est une allusion à ce monolithe. C'est en fait un assemblage de deux pierres taillées dans le grès, qui fermaient sans doute à l'origine l'extrémité d'un dolmen disparu de la côte sud-ouest de l’île.
-
Le menhir de Rudston est le plus grand de Grande-Bretagne.
-
-
Longstone, île de Wright.
Allemagne
En Allemagne l'on peut citer le menhir du Gollenstein situé proche de Blieskastel en Sarre. Avec ses six mètres soixante de hauteur il passe pour être l'un des plus hauts d'Europe centrale. L'on peut également citer les menhirs du Spellenstein proche de Rentrisch (commune de Saint-Ingbert) et le Hinkelstein de Walhausen (commune Nohfelden, tous deux également situés dans le Land Sarre. Le Dölauer Jungfrau (aussi appelé Steinerne Jungfrau) est situé près de Halle-sur-Saale dans le Land Saxe-Anhalt. Il mesure cinq mètres cinquante de hauteur.
-
Le menhir du Gollenstein.
-
-
Le menhir Hinkelstein à Walhausen, Sarre.
-
Dölauer ou Steinerne Jungfrau.
-
Suisse
L'ensemble de menhirs de Clendy, situé près d'Yverdon au bord du lac de Neuchâtel.
Vieux de 6000 ans certains d'entre eux atteignent 4,5 mètres de hauteur pour un poids de 5 tonnes18.
On a découvert en 2021 à Saint Léonard en Valais un alignement de 13 menhirs ayant au moins 3000 ans19.
Scandinavie
En Scandinavie, les menhirs sont appelés bautasteiner ou bautastenar et continuèrent à être érigés pendant l'âge de fer pré-romain (Ve au Ier siècle) et même plus tard, généralement au-dessus des cendres des morts. Ils sont érigés à la fois seuls et en formations, comme les bateaux de pierre et quelques cromlech. Parfois, ils sont érigés simplement comme monuments commémoratifs, une tradition qui se poursuit par la suite avec les pierres runiques.
La tradition est la plus forte au Bornholm, au Gotland et au Götaland, et semble s'être poursuivie par les Goths au Ier siècle jusqu'à la rive sud de la mer Baltique (maintenant dans le Nord de la Pologne) où elle est une caractéristique de la culture de Wielbark20,21.
Frostating (Frosta, comté de Nord-Trøndelag, Norvège) est le site d'une assemblée norvégienne primitive. Il est représenté par le menhir de Frostatinget.
En Suède au XIIIe siècle, des menhirs sont érigés comme stèles pour les tombes des guerriers. Dans l'introduction à la saga Heimskringla compilée par Snorri Sturluson (1179-1241), celui-ci écrit :
« Quant aux rites funéraires, le premier âge est appelé Âge du Feu ; car tous les morts étaient consumés par le feu, et sur leurs cendres furent dressées des pierres.
Pour les hommes importants, un tertre devait être dressé en leur mémoire, et pour tous les autres guerriers qui s'étaient distingués par leur virilité, une pierre dressée ; cette coutume demeura longtemps après l'ère d'Odin22. »
Dans le même document, Snorri écrit que les Suédois brûlèrent leur roi mort Vanlandi et érigèrent une pierre sur ses cendres près de la rivière Skyt (un affluent de la Fyrisån) :
« Les Suédois prirent son corps et le brûlèrent près de la rivière nommée Skytaa, où une pierre fut dressée sur lui22. »
Cette tradition est également mentionnée dans le poème Hávamál.
-
-
Menhir Kamenný pastýř près de Klobuky, République tchèque.
-
-
-
-
Amérique du Sud
Des menhirs sont érigés par les U'wa de Colombie sur leur territoire ancestral. Selon les légendes du peuple, il s'agit des anciens des clans U'wa clans transformés en piliers de pierre. On rencontre également des menhirs à Chita et Chiscas, Boyacá[réf. nécessaire]. Le parc de los Menhires en Argentine compte 114 menhirs. Les pierres mesurent entre 4 et 5 m de hauteur sur 1 m de largeur. Ils ont été érigés par les Tafí, une culture de la province de Tucumán.
Asie
Arménie
L'Arménie compte de nombreux menhirs (appelés en arménien Վիշապաքար, vichapkar, littéralement « dragon de pierre »). Ce sont des pierres en forme de cigare, de 3 à 6 m de haut. On les rencontre souvent dans les montagnes près des sources de rivière ou des lacs. Un grand nombre sont gravés en forme de poisson.
Le plus ancien vichapkar daterait des XVIIIe au XVIe siècle av. J.-C. Une inscription en cunéiforme urartéen gravée sur un vichap du temple de Garni montre qu'ils ont été créés avant l'époque du royaume d'Urartu (avant le VIIIe siècle).
Inde
À Mudumala (district de Mahabubnagar, Andhra Pradesh), un site archéologique compte environ 80 grands menhirs, certains de 4 m de hauteur, et plusieurs centaines de petits menhirs éparpillés dans les champs. Selon le Dr Rao, dont l'équipe a visité le site aux solstices et équinoxes, certains alignements seraient alignés avec le soleil levant et couchant à ces dates23.
Iran
Les menhirs sont appelés سنگافراشت (sang-afrāsht) en persan. On en trouve dans plusieurs villages et régions d'Azerbaïdjan oriental, et près d'Amlash et Daylam dans le Gilan ; un double menhir est situé à Kharg dans le Golfe Persique.
Notes et références
Notes
- On notera a contrario que les dolmens dont les fouilles ont rapidement révélé le caractère funéraire n'ayant pas conservé cet aspect énigmatique ne sont pas représentés dans cette bande dessinée.
Références
- Lehoërff 2016, p. 193.
- Pierre Jakez Hélias, Le cheval d'orgueil, Paris, France Loisir, , 568 p. (ISBN 2-7242-0151-5), p. 209
- Gustave Flaubert, "Par les champs et par les grèves", 1886.
- (en) Elyn Aviva, Gary White, « Mysterious Megaliths: The Standing Stones of Carnac, Brittany, France », World and, vol. 13,
- Charles-T. Le Roux et Jean-L. Monnier, « Des menhirs en bois ? », La Recherche, no 360, , p. 21
- Victor-Henry Debidour, L'Art de Bretagne, Arthaud, , p. 56.
- (en) Brad Olsen, Sacred Places Around the World : 108 Destinations, Consortium of Collective Consciousness, , 288 p. (ISBN 1-888729-10-4, lire en ligne [archive]), « Carnac », p. 232
- (en) Mark Patton, Statements in Stone : Monuments and Society in Neolithic Brittany, New York, Routledge, , 209 p. (ISBN 978-0-415-06729-4), p. 4
- Daniel Lavalette, « Directions astronomiques canoniques des sépultures mégalithiques de Bretagne et de l’Europe atlantique », Bulletin de la Société préhistorique française, vol. 106, no 3, , p. 535–551 (DOI 10.3406/bspf.2009.13874)
- « Recherches archéologiques en Gaule en 1953 (Généralités, Époque préhistorique) », Gallia, CNRS, vol. 13, no 2, , p. 16-17
- Edmond HUE, « Les blocs erratiques : Des environs de Luc-Sur-Mer (Calvados) », Bulletin de la Société préhistorique de France T. 22, No. 8/10 (), pp. 3-38 (44 pages), Société Préhistorique Française, vol. 22, nos 8/10, , p. 3-38
- Giot 2004, p. 20.
- Catherine Bertho-Lavenir, « Pourquoi ces menhirs ? Les métamorphoses du mythe celtique : Astérix. Un mythe et ses figures », Ethnologie française nouvelle série, Presses Universitaires de France, vol. 28, no 3, , p. 303-311
- (en) Janice Greene, Strange But True Stories, Saddleback Pub, , 76 p. (ISBN 978-1-59905-010-2)
- (en) Margaret Oliphant, The Atlas of the Ancient World : Charting the Great Civilizations of the Past, Simon & Schuster, (ISBN 978-0-671-75103-6), p. 81
- « Préhistoire » [archive], Parc national des Cévennes
- Julian Cope, The Modern Antiquarian : A Pre-millennial Odyssey Through Megalithic Britain : Including a Gazetteer to Over 300 Prehistoric Sites, Thorsons Pub, , 438 p. (ISBN 978-0-7225-3599-8), p. 249
- [1] [archive]
- [2] [archive]
- (en) « The Goths in Greater Poland » [archive], Musée archéologique de Poznan
- (en) « Jewellry of the Goths » [archive], Musée archéologique de Poznan
- (en) « The Ynglinga Saga » [archive], Sacred Texts
Voir aussi
Sur les autres projets Wikimedia :
Bibliographie
- Pierre-Roland Giot, Préhistoire en Bretagne : Menhirs et dolmens, Châteaulin, Éditions Jos Le Douaré, , 63 p. (ISBN 9782855432014)
- Franck Leandri, Michel Maillé et Emmanuel Mens, « Pierres levées et anthropomorphisme : stèles bretonnes, menhirs anthropomorphes, statues-menhirs », dans Dominique Garcia, La protohistoire de la France, Paris, Hermann, (ISBN 978-2705695941), p.187-203.
- Anne Lehoërff, Préhistoires d'Europe : De Néandertal à Vercingétorix, Paris, éditions Belin, coll. « Mondes anciens », , 608 p. (ISBN 978-2-7011-5983-6), chap. 5 (« Marquer les espaces »)
Articles connexes
Dolmen
Un dolmen est une tombe mégalithique1,2,3. Dolmens et menhirs sont les deux types de mégalithes les plus fréquents et les plus emblématiques du mégalithisme dans le monde. D'origine probablement bretonne, le mot, qui a depuis été adopté dans plusieurs langues européennes, est devenu un terme générique utilisé en archéologie préhistorique et il peut dès lors recouvrir des types d'architecture très variés. Depuis quelques années, les expressions « tombes mégalithiques » ou « sépultures mégalithiques » tendent à s'y substituer dans les ouvrages spécialisés mais le mot demeure toujours très fréquent dans l'usage courant.
C'est en Europe, et notamment Europe de l'Ouest où ils ont été construits principalement durant le Néolithique, que l'on trouve le plus de dolmens, mais de nombreuses constructions du même type, mais plus tardives voire récentes, existent en Afrique du Nord, au Proche-Orient et en Extrême-Orient.
Étymologie
Il semble que Théophile Malo Corret de La Tour d'Auvergne soit le premier à avoir utilisé le terme « dolmen », dans son ouvrage Origines gauloises. Celles des plus anciens peuples de l’Europe, puisées dans leur vraie source ou recherche sur la langue, l’origine et les antiquités des Celto-Bretons de l’Armorique, pour servir à l’histoire ancienne et moderne de ce peuple et à celle des Français, publié entre 1792 et 1796. Le terme « dolmen » est repris par Pierre Jean-Baptiste Legrand d'Aussy (1737-1800) qui propose une interprétation différente de la fonction du dolmen, en y voyant, non plus une table de sacrifice ou un autel comme le pensait Malo Corret, mais bien une sépulture.
Le , Legrand d’Aussy fait, à l’Institut National des Sciences et Arts, une lecture de son ouvrage, Des sépultures nationales, publié par la suite en 1824 :
« M. Coret, parlant d’une de ces tables que je ferai connaître bientôt, et qu’on voit à Locmariaker, dit qu’en bas-breton on l’appelle dolmin. Je saisis de nouveau cette expression, qui, comme les deux précédentes, m’est nécessaire. Dans un sujet totalement neuf, et dont par conséquent le vocabulaire n’existe pas, je suis forcé de m’en faire un ; et quoique, par mon droit, je fusse autorisé à créer des mots, je préfère néanmoins d’adopter ceux que je trouve existants, surtout quand ils me donnent, comme le bas-breton, l’espoir de représenter les anciennes dénominations gauloises. J’adopte donc le mot dolmine, et je vais l’employer pour désigner les tables dont je parle. »
Les érudits du XVIIIe siècle ont semble-t’il forgés le terme à partir des mots bretons t(d)aol (apparenté au latin tabula), « table », et maen, « pierre », soit la « table de pierre » car l'élément le plus impressionnant de ce type de monument est bien souvent la principale dalle de couverture4. En effet, le terme breton authentique pour désigner un tel monument est celui de « lia » ou « liac'h »5, « liaven », « lieven » ou « leven » dans les composés. Selon d'autres dictionnaires étymologiques, le terme aurait été forgé outre-manche, à partir du cornique tolmen, qui aurait désigné à l’origine un cercle de pierres ou une pierre trouée6.
Compte tenu de la prédominance des préhistoriens français à la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle, le terme a été adopté dans plusieurs langues européennes (en allemand, en espagnol, en italien) y compris en anglais.
Architecture générale
Éléments structuraux d'un dolmen
Dans leur état actuel de dégradation, les dolmens se présentent souvent sous l'apparence d'un squelette interne mais à l'origine ils étaient recouverts d'un tumulus ou d'un cairn, qui les rendaient invisibles de l'extérieur, cette partie meuble (pierres, terre) de la construction a été, au cours des siècles, érodée naturellement ou fait l'objet d'une récupération4,7. Pour certains chercheurs, à côté de ces mégalithes en pierre, leurs équivalents en bois appelés, faute de terme créé pour les désigner, dolmens en bois, pourraient avoir existé8.
L'architecture des dolmens varie en fonction des régions et des époques et on peut distinguer toute une série de variantes architecturales, classées en familles typologiques, variables selon les auteurs et objet de multiples débats entre eux, dont on conserve l'usage par habitude y compris quand leur nom paraît mal choisi4. En Europe, on peut toutefois dégager des séries assez homogènes dans lesquelles « il serait illusoire de chercher une filiation, une chronologie ou un ordre de diffusion d'ensemble, alors qu'à l'échelle locale ou régionale on peut le tenter »4. On distingue ainsi généralement deux types fondamentaux d'architecture. Chaque type principal peut se décliner en variantes locales caractérisant une culture néolithique spécifique ou résultant d'une phase transitoire intégrant différentes influences.
Les dolmens simples
La chambre ouvre directement sur l'extérieur. Ils sont généralement composés de deux à trois orthostates et d'une dalle de chevet. La chambre ainsi définie est de forme rectangulaire (dolmen dit de « type A ») ou polygonale (dolmen dit de « type B »)9. Ce type de dolmens est très répandu dans le sud-ouest (Aveyron, Lot) et le centre (Puy-de-Dôme) de la France. Ce type de construction connaît parfois des adaptions spécifiques très localisées :
- dolmens avec chambre compartimentée par une dalle ou un muret ;
- dolmens à cabinets latéraux où de petites cellules sont adossées à la chambre.
Les dolmens à couloir
Parfois aussi appelés tombes à couloir, ou dolmens à galerie (Passage Grave en anglais), les dolmens à couloir sont des dolmens où l'entrée de la chambre (circulaire, polygonale, quadrangulaire) communique avec l'extérieur par un couloir (dit aussi galerie ou corridor), axial ou non, de dimensions très variables (très court d'une longueur comparable à celle de la chambre ou considérablement allongé). Ces monuments sont isolés dans un cairn individuel ou associés à plusieurs10. Ce type de dolmen connaît de nombreuses déclinaisons locales :
- les sépultures en V qui se caractérisent par une chambre trapézoïdale, où la largeur interne et la hauteur sous dalle s'accroît depuis l'entrée vers le fond, raccordée sans rupture au couloir d'accès ;
- les dolmens transeptés qui se caractérisent par un couloir conduisant à une chambre terminale précédée d'un double jeu de chambres latérales dessinant une croix de Lorraine (Tumulus des Mousseaux, Dolmen de la Joselière) ;
- les dolmens coudés, où la chambre et le couloir dessinent une équerre, se rencontrent fréquemment dans le Morbihan ;
- les dolmens angevins, ou dolmens à portique, construction de taille monumentale composée d'une grande chambre précédée d'une antichambre surbaissée (La Roche-aux-Fées) ;
- les dolmens à chambre funéraire carrée, ou rectangulaire pour lesquels plusieurs type ont été définis en fonction de particularités, angoumoisins (Bougon dans les Deux-Sèvres) ou encore languedociens11 qui peuvent comporter une antichambre12 (Lamalou dans l'Hérault).
- les dolmens à chambres latérales, plusieurs chambres sont placées de chaque cotés du couloir (site de Larcuste Cairn II)
- les allées couvertes qui se caractérisent par une chambre très allongée, distincte ou non du couloir.
Architecture des dolmens à couloir
|
Structures simples |
Les structures les plus simples comportent un couloir menant à une seule chambre |
|
Chambres séparées |
Dans ce cas le couloir mène à des chambres séparées. |
|
Structures simples à plusieurs chambres |
Ils comportent plusieurs couloirs menant chacun à une chambre englobé dans un seul cairn tel qu'à Larcuste Cairn I et Barnenez. Ces chambres peuvent êtres de types différents, il peut s'en trouver de type compartimentées |
|
Chambres compartimentées |
Certaines chambres pouvaient êtres compartimentées par des dalles formant un système de cloisons |
|
Couloirs à chambres latérales |
Ces structures sont composées d'un couloir menant à plusieurs chambres placées de chaque cotés tel que Larcuste Cairn II |
|
Type Angevin |
Ces structures comprennent une chambre principale précédée par une antichambre plus étroite et un portique. |
|
Type Languedocien avec antichambre |
Ces structures comprennent une chambre carrée, précédée ici par une antichambre plus étroite. |
Fonction funéraire
Éléments structuraux du dolmen du Lamalou, Hérault, France
Les dolmens sont des tombes mégalithiques, cette caractéristique funéraire est fondamentale13 et systématique14. Si au XIXe siècle, les celtomanes ont cru y voir des « autels druidiques » et autres « pierres destinées à des sacrifices sanglants », ces visions fantaisistes, sont totalement infondées :
Le caractère sépulcral [de ces monuments] a été démontré toutes les fois qu'un monument vierge a fait l'objet d'une fouille scientifique par un archéologue sérieux. Lorsque les conditions chimiques le permettent [...] des ossements humains d'époque néolithique se retrouvent, souvent en grandes quantités : les dolmens et surtout les allées couvertes se présentent alors comme des ossuaires13.
Les dolmens sont des tombes ; aucun doute ne subsiste aujourd'hui, mais bien d'autres interrogations demeurent à leur sujet. La première qui vient à l'esprit, quand on a quelques expériences de ces monuments, est celle de savoir si c'était là leur fonction unique où si, comme le laisse penser bon nombre de vestiges découverts sur les tumulus, quels rites étaient célébrés au voisinage de la chambre funéraire ? Ces rites étaient-ils directement liés aux funérailles ou à d'autres cérémonies ?15
Au Ve millénaire av. J.-C. et durant une partie du IVe millénaire av. J.-C., des tombes individuelles et collectives coexistent mais au-delà les sépultures collectives semblent plus systématiques7. Ce sont des sépultures collectives à caractère réutilisable, à l'image des caveaux familiaux contemporains, les dolmens pouvaient ainsi être réutilisés durant des siècles : en sol calcaire, on peut y retrouver en moyenne de 15 à 25 individus (Poitou, Normandie)13 et dans les allées couvertes du bassin parisien on a pu y retrouver les ossements accumulés de plusieurs centaines d'individus16. Elles sont collectives au sens où elles recueillent, successivement, les restes humains de plusieurs individus en général avec très peu de mobilier d'accompagnement7. Cette réutilisation a perduré parfois durant des périodes parfois très longues comme en atteste la découverte concomitante d'un mobilier funéraire correspondant à diverses périodes historiques (Néolithique, âge du cuivre, âge du bronze, âge du fer) consécutives13. Les inhumations les plus récentes sont celles où les os sont demeurés en connexion anatomique13, pour les plus anciennes, pour faire de la place, les ossements sont entassés pêle-mêle (au fond, sur les côtés) ou stockés selon un certain ordre (superposés en plusieurs couches) subissent une réduction ou une évacuation hors chambre (dans le couloir)17. Il existe aussi de nombreux cas d'incinération13 avec des dépôts successifs de couches de cendre parfois séparées par une couche intermédiaire volontaire (lit de pierres, dallage, argile) ou involontaire (couche détritique résultant d'une occultation imparfaite de l'entrée). Certains dolmens n'ont pas livré de restes humains de type sépulcral, mais cela peut être une conséquence de phénomènes taphonomiques, de l'érosion, de pillages, de fouilles anciennes peu méthodiques.
L'expression « sépulture collective » n'implique pas forcément qu'il s'agisse d'un tombeau pour tous : le nombre d'occupants ne peut correspondre à tous les membres d'une communauté mais seulement à une partie d'entre eux7, « c'étaient des tombes communes à tout un clan, un village ou une famille mais on n'y disposait pas tous les morts de la communauté, il devait y avoir des critères de choix »13. Il a été démontré que pour certaines tombes, le culte des morts pouvait conduire à une exposition macabre, à certaines occasions, des os des ancêtres, tels des reliques, que l'on replaçait ensuite dans la sépulture13. La découverte de petits vases à libations devant l'entrée d'un dolmen, sur son cairn ou son tumulus indique probablement l'organisation de cérémonies funèbres à l'occasion des inhumations ou lors d'occasions ultérieures, parfois même pratiquées par des populations bien différentes de celles à l'origine de sa construction.
Datation
Le mobilier découvert dans la chambre ou le couloir des dolmens, en façade devant l'entrée, sur le cairn ou le tumulus est variable selon les époques de fréquentation et bien évidemment en fonction du caractère intact ou non de la sépulture. Ce mobilier peut comprendre des objets de nature purement utilitaire (à caractère domestique ou agricole), des armes, des éléments de parure (colliers, perles, amulettes, brassard d'archer,...), des objets rituels (haches d'apparat), des objets insolites (coquillage, fossile) ou exceptionnels (hache en jadéite) et même des offrandes (morceaux de viande dont il ne reste que les os, vases remplis de grains ou de boissons) sans oublier tous les objets en matières périssables (bois, os, cuir, tissus, fibres diverses, fourrures)18 généralement disparus ou exceptionnellement conservés à l'état de débris infimes dans des conditions très favorables. Des monuments inviolés peuvent parfois livrer un matériel considérable (séries de vases complets par dizaine, outils en silex par centaines, perles par milliers).
L'étude de ce mobilier constitue évidemment un précieux indicateur pour la connaissance des sociétés mégalithiques tant au niveau de leurs rituels funéraires, que de l'essor des techniques et de leur richesse matérielle mais aussi des échanges commerciaux qui ont pu exister parfois entre des communautés géographiquement très éloignées19. En ce qui concerne les dolmens, et en dehors de la découverte de charbons de bois pouvant permettre une éventuelle datation au radiocarbone, ce mobilier, notamment lithique ou céramique et plus tardivement métallique, demeure aussi le seul moyen de datation de leur construction et de leur durée d'utilisation.
C'est ainsi qu'il a été possible de déterminer, par exemple, une chronologie approximative des dolmens de l'Ouest et du Centre-ouest de la France. Les premiers dolmens à couloir y apparaissent vers 5 000 av. J.-C et leur construction s'étalera sur un peu plus de 2000 ans, avec un certain nombre de variétés dérivées. Les allées couvertes apparaissent vers 3 000 av. J.-C et seront bâties jusqu'au milieu du IIIe millénaire av. J.-C.20 Elles seront à leur tour progressivement remplacées par des constructions de moins en moins spectaculaires et aboutiront à la généralisation des coffres mégalithiques durant la Protohistoire.
Répartition géographique
Cinquante mille dolmens auraient été recensés dans le monde, dont vingt mille en Europe, avec une très forte concentration en Europe de l'ouest (en France, au Royaume-Uni, au Danemark, en Allemagne du Nord, en Belgique, aux Pays-Bas, en Espagne, au Portugal en Suisse, en Italie et à Malte) et dans une moindre mesure autour de la mer Noire (Ukraine,Crimée, Géorgie). En Europe, les dolmens sont une des composantes majeures du mégalithisme où ils se développent durant tout le Néolithique.
En Afrique du Nord, des dolmens sont visibles en Algérie, et en Tunisie. Au Proche-Orient, ils sont généralement concentrés dans des nécropoles pouvant comporter des centaines de monuments ((Syrie, Liban, Jordanie, Israël).
En Asie, des dolmens ont été construits en Inde, en Corée et au Japon, mais à des périodes beaucoup plus récentes. L'Indonésie est le seul pays au monde où l'on édifie encore des dolmens dans certaines provinces très localisées.
Galerie
-
Carte postale du dolmen de Ménardeix vers 1920.
-
-
-
-
-
-
Dolmen de Barrocal, région d'Évora, Portugal.
-
-
-
-
-
Notes et références
- Jean Arnal, « Petit lexique du mégalithisme » [archive], sur persee.fr.
- R. Joussaume, J. Leclerc et J. Tarrête, « Dolmen », in : A. Leroi-Gourhan, Dictionnaire de la Préhistoire, Paris, éd. PUF, 1988, pp. 325-326.
- R. Joussaume, « Dolmen », in : D. Vialou, La Préhistoire - Histoire et dictionnaire, Paris, éd. Robert Laffont, coll. « Bouquins », 2004, p. 540.
- Giot 2004, p. 24.
- Louis Le Pelletier, 1752, Dictionnaire de la langue bretonne, nouvelle édition en 1975, Rennes, Bibliothèque municipale.
- Définitions lexicographiques [archive] et étymologiques [archive] de « dolmen » dans le Trésor de la langue française informatisé, sur le site du Centre national de ressources textuelles et lexicales
- Lehoërff 2016, p. 177.
- Charles-T. Le Roux et Jean-L. Monnier, « Des menhirs en bois ? », La Recherche, no 360, , p. 21
- Sylvie Amblard, Inventaire des mégalithes de la France, 8-Puy-de-Dôme, Paris, CNRS, , 104 p. (ISBN 2-222-03207-5), p. 80
- Giot 2004, p. 25.
- Type défini par J. Arnal et Y. Chevalier (Arnal 1963, Chevalier 1984)
- Noisette Bec Drelon, « Réflexions sur l’implantation et l’architecture des dolmens à couloir et à antichambre du Causse de l’Hortus (Hérault, France) », Préhistoires de la Méditerranée, , p. 36 (EAN 9791032000489, lire en ligne [archive])
- Giot 2004, p. 50.
- Jean Leclerc (préf. Jean Guilaine), « Un phénomène associé au mégalithisme : les sépultures collectives », dans Mégalithismes de l'Atlantique à l’Éthiopie (Séminaire du Collège de France), Paris, Éditions Errance, coll. « Collection des Hespérides », , 224 p. (ISBN 2877721701), p. 23
- Gérard Sauzade (préf. Jean Guilaine), « Des dolmens en Provence », dans Mégalithismes de l'Atlantique à l’Éthiopie (Séminaire du Collège de France), Paris, Éditions Errance, coll. « Collection des Hespérides », , 224 p. (ISBN 2877721701), p. 125
- Arnaud Blin, Les allées sépulcrales du Bassin parisien à la fin du Néolithique : L'exemple de la Chaussée-Tirancourt, Paris, CNRS Éditions, coll. « Supplément Gallia Préhistoire » (no XLII), , 174 p. (ISBN 9782271122704)
- Jean-Noël Guyodo et Audrey Blanchard, « Histoires de mégalithes : enquête à Port-Blanc (Saint-Pierre-Quiberon, Morbihan) », Annales de Bretagne et des Pays de l’Ouest, nos 121-2, , p. 12-13 (DOI 10.4000/abpo.2772, lire en ligne [archive])
- Giot 2004, p. 51.
- Giot 2004, p. 53-58.
Voir aussi
Bibliographie
- Pierre-Roland Giot, Préhistoire en Bretagne : Menhirs et dolmens, Châteaulin, Éditions Jos Le Douaré, , 63 p. (ISBN 9782855432014)
- Roger Joussaume, Des dolmens pour les morts, éditions Hachette, 1985.
- Anne Lehoërff, Préhistoires d'Europe : De Néandertal à Vercingétorix, Paris, éditions Belin, coll. « Mondes anciens », , 608 p. (ISBN 978-2-7011-5983-6), chap. 5 (« Marquer les espaces »)
Articles connexes
Sur les autres projets Wikimedia :
Liens externes
Tumulus
Un tumulus désigne, en archéologie, une éminence artificielle, de forme diverse, recouvrant une sépulture. Il existe des tumulus sur tous les continents où la civilisation humaine s'est développée. Leur architecture et leur période de construction varient selon les civilisations ou cultures qui les ont construits. Au Néolithique, le tumulus est un élément à part entière de l'architecture funéraire mégalithique.
Étymologie
Le mot tumulus provient du latin et a été francisé. Bien que le pluriel latin soit des tumuli, il n'est usité que par les spécialistes et la graphie francisée "des tumulus" lui est préférée1.
Définition et architecture
Vue en coupe d'un tumulus.
Un tumulus est un tertre artificiel recouvrant une ou plusieurs tombes2. Il se distingue ainsi du tertre, dont l'origine peut être naturelle et qui n'est constitué que de terre, alors qu'un tumulus est constitué de terre et de pierres et du cairn, d'origine artificielle et constitué uniquement de pierres disposées de manière ordonnée ou non. Jusqu'au début du XXe siècle, on employait aussi en français le mot synonyme de tombelle3.
La construction d'un tumulus est destinée à recouvrir une ou plusieurs sépultures. La plupart sont de forme circulaire mais ils peuvent aussi prendre diverses formes géométriques (carré, rectangle, trapèze, ovale). Avec le temps, la qualité de la construction, l'érosion naturelle, les réutilisations postérieures à la construction, le pillage des sépultures qu'ils abritent peuvent modifier la forme d'origine.
Selon les monuments, la masse du tumulus est constituée d'une architecture plus ou moins élaborée (dépôt en vrac des matériaux, construction de murs internes ou de compartiments en pierre avec comblement des espaces avec de la terre, dispositifs divers de contrepoussée). Le périmètre du tumulus, parfois appelé péristalithe, peut être délimité par un parement répondant aussi bien à des considérations architecturales (contrepoussée de la masse du tertre) qu'esthétiques (simples murets en pierre sèche, alternance de blocs de taille ou de nature différente, orthostates soigneusement agencées...). Certains tumulus très élaborés peuvent être structurés avec plusieurs parements concentriques et comporter une élévation en gradins. Si la taille du tumulus est généralement proportionnelle à celle de la tombe qu'il renferme, durant le Néolithique, des tumulus totalement disproportionnés, appelés tumulus longs, ont été construits notamment en France et en Grande-Bretagne. Le tumulus est un élément à part entière de l'architecture mégalithique : à l'origine, tous les dolmens datés du Néolithique comportaient un tumulus ou un cairn de protection.
Là où les tombes sont protégées par un tumulus, elles peuvent être de dimensions et de types très variables : simple dépôt d'ossements brûlés , petit coffre ou ciste, dolmen, hypogée. Les concentrations de tumulus sur un espace géographique restreint peuvent aboutir à la constitution de véritables nécropoles.
Destruction
De par leur nature (éminence clairement visible dépassant du sol) et leur destination (protection d'une ou plusieurs tombes), les tumulus attirent la curiosité humaine et de nombreux tumulus ont été pillés au cours du temps. La convoitise pour les trésors supposés y être abrités n'est pas l'unique cause de leur destruction partielle ou totale. Quand le tumulus renferme un cairn, les pierres qui le constituent peuvent servir de carrière d'extraction pour les populations environnantes, quand le tumulus se dresse dans des zones de cultures, sa présence gêne les travaux agricoles (tout particulièrement avec l'essor du machinisme agricole). A contrario, le tumulus a pu être conservé ou réaménagé dans la mesure où son relief constituait une occasion de réutilisation comme soubassement à des constructions défensives (fortification protohistorique, motte féodale, blockhaus de la Seconde Guerre mondiale) ou comme butte de tir pour l'artillerie.
Répartition dans le monde
Il existe des tumulus sur tous les continents où la civilisation humaine s'est développée. Leur architecture et leur datation varient selon les civilisations ou cultures qui les ont construit.
En Afrique, les plus anciens tumulus connus sont situés en Algérie et en Égypte. Pour les Égyptiens de l'Antiquité, le tumulus représente la butte émergeant de l'océan primordial d'où naquit le soleil dans la mythologie héliopolitaine. Les tumulus sont utilisés dans l'architecture funéraire jusqu'à la fin de période prédynastique, durant l'Ancien Empire ils seront remplacés par les mastabas et les pyramides. En Algérie, les tumulus apparaissent dès le Néolithique, liés aux tombes mégalithiques, et leur utilisation perdure jusque dans l’Antiquité (mausolée royal de Maurétanie, Madracen).
En Amérique du Nord, des tumulus ont été découverts au Canada (L'Anse Amour, tumulus Augustine, sur la presqu'île de Plaisance) et aux États-Unis (Mound Builders).
-
Tumulus préhistorique de l'Anse Amour.
-
-
En Asie, les Pyramides chinoises sont des tumulus abritant la sépulture de hautes personnalités, situées principalement dans la (province du Shaanxi) et au Japon, les kofun sont des tumulus mégalithiques qui furent construits entre le IVe et le VIIe siècle.
En Europe, les tumulus sont très nombreux. Leur construction est principalement liée à l’essor du mégalithisme au Néolithique mais le phénomène perdure durant la période protohistorique et l'Antiquité au Royaume-Uni (Sutton Hoo, Silbury Hill), en Italie (tumulus étrusques), en France, en Belgique, en Suisse (tumulus de Moncor), en Grèce, en Bulgarie (tombeaux thraces), en Pologne (tumulus de Krakus), en Russie (kourgane). Au XXIe siècle, en Angleterre, des columbariums ont été construits sous forme de tumulus (Long Barrow at All Cannings et Soulton Long Barrow).
Notes et références
- « Tombelle », Le Nouveau Petit Robert, 2007 (40e éd.), p. 568-2.
Annexes
Sur les autres projets Wikimedia :
Articles connexes
Liens externes