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Catégorie : Education Nationale
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Travail

 
 
 

Au sens économique usuel, le travail est l'activité rémunérée qui permet la production de biens et services. Avec le capital, c'est un facteur de production de l'économie. Il est essentiellement fourni par des employés en échange d'un salaire et contribue à l'activité économique. Le processus d'entrée et de sortie de l'emploi se fait par le marché du travail.

Le travail non rémunéré joue un rôle non négligeable dans la production nationale. On peut citer à ce titre, le travail domestique des femmes, celui des enfants qui aident leurs parents dans l'activité familiale et le travail de jardinage. Les estimations statistiques ont montré que, dans les anciens pays communistes (l'URSS ou la République Démocratique d'Allemagne), le travail familial était plus productif (en termes de qualités produites par personne) que le travail dans les établissements nationaux.

Un paysan et un artisan travaillent pour eux-mêmes, en ajustant de manière indépendante la durée et l'intensité du travail (quantité de travail par unité de biens ou de services produite). Pendant la féodalité, les paysans et les artisans pouvaient également être contraints de travailler pour le seigneur féodal.

Sous l'esclavage, l'esclave et les moyens de travail étaient réunis en tant que propriété du propriétaire de l'esclave, ce qui créait une dépendance personnelle du travailleur vis-à-vis de celui qui s'appropriait les résultats de son travail. Dans une économie de marché libre, la principale forme de travail est celle d'un employé sous contrat de travail. À ce niveau, on peut distinguer deux types de contrats. Le contrat à durée indéterminée (CDI) d'une part, qui peut durer jusqu'à l'âge de la retraite ou même à vie comme c'est le cas dans certains pays à faible natalité ou au sein de certaines activités où le travail n'existe pas en quantité suffisante (l'Allemagne, les Pays du Sud-Est Asiatique ou le Japon) ; d'autre part le contrat à durée déterminée (CDD) où la durée est limitée (le contrat de travail peut prendre fin avant l'âge de la retraite), d'avance, dans le temps. Ici, le type de travail n'est pas insuffisant. L'établissement peut trouver un travailleur plus facilement. Avant la révolution industrielle des XVIIIe et XIXe siècles, les intellectuels constituaient une catégorie de personnes numériquement limitées qui avaient un véritable monopole sur le travail mental. Mais ensuite, la « production spirituelle » est devenue une sphère de travail de masse. La généralisation de l'enseignement aux enfants de toutes les catégories socio-professionnelles et sa démocratisation en France (les grandes écoles de commerce, d'ingénieurs et les universités prestigieuses ne sont plus élitistes, l'enfant de l'ouvrier peut devenir ingénieur ou pharmacien) ont abouti à une banalisation du travail intellectuel. Si dans les années 1950 ou 1960, celui qui avait un diplôme du baccalauréat pouvait facilement avoir un CDI avec un salaire relativement élevé et des avantages sociaux largement suffisants, actuellement, étant donné que ce diplôme est accessible à tous, la personne qui ne l'a pas est stigmatisée, ou marginalisée1.

Son étude économique est faite par l'économie du travail, son étude sociologique correspond à la sociologie du travail, et son cadre juridique est le droit du travail. Il est fêté le 1er mai dans certains pays.

Étymologie et histoire du mot

L'étymologie de travail est discutée et ne fait pas l'unanimité. Selon la linguiste Marie-France Delport, il est possible que ce terme dérive des mots hispaniques médiévaux trabajo (= travail) et trabajar (= travailler) (qui eux-mêmes dériveraient des termes latins tripalium puis tripaliare croisés avec une forme à élément vocalique [a]2), ce qui exprimerait une tension qui se dirige vers un but et qui rencontre une résistance3,4,5. D'autres explications sont présentées ci-après.

En grec, ergon veut dire travail. On retrouve cette racine dans chirurgien, énergie, synergie, allergie, ergo-thérapie, erg. Une racine commune plus ancienne est à l’origine des mots : organe, organisme, organiser, organisation, organique, orgue, orgie, Panurge, et du mot anglais work6.

On trouve la notion de travail en indo-européen dans les racines PAG- et PAK- qui signifient « fixer matériellement et moralement » et qui donneront une foison de mots tant dans le sens matériel (PAG-) que dans le sens moral (PAK-) : ainsi, les mots pages, pieu, paysan, paysage, empaler, paix, pacte, pacifique, etc. Ces deux dernières racines proviendraient de la racine paç- en sanskrit qui signifie le lacet, le piège7.

Antiquité et Moyen Âge

Durant l'Antiquité, le terme bas latin trepalium (attesté en 582) est une déformation de tripalium, un instrument formé de trois pieux, auquel on attachait les animaux pour les ferrer (travail a ferrer) ou les soigner, ou les esclaves pour les punir.

Ensuite, le mot travail apparaît au XIIe siècle, selon Alain Rey8 pour qui il s'agit d'un déverbal de travailler, issu du latin populaire tripaliare, signifiant « tourmenter, torturer avec le trepalium ». Au XIIe siècle, le mot désigne aussi un tourment psychologique ou une souffrance physique (le travail d'accouchement). On trouve aussi le verbe latin tribulare « presser avec la herse, écraser (le blé) » ou, en latin ecclésiastique, au sens figuré de « tourmenter ; torturer l'âme pour éprouver sa foi »9. Du Cange relève le mot tribulagium qui dénomme une corvée due au seigneur, qui consistait à battre le blé ou à broyer des pommes pour produire du cidre. Le mot vient du mot latin tribulum qui désigne une herse destinée à cet effet10.

Une autre hypothèse avancée pour expliquer l'évolution du mot travail vers son sens moderne avance une origine chrétienne du mot. En effet, le christianisme et le monachisme, très influents au haut Moyen Âge, auraient grandement contribué à diffuser une représentation du travail actif, vu cependant comme une conséquence du péché originel. D'où la règle édictée par saint Benoît destinée à organiser et à régler la vie des moines bénédictins autour de trois activités : l'office divin, la louange et le travail manuel effectué en commun. Cette activité — dénommée travail — vise à la fois à œuvrer pour permettre la subsistance de la communauté, pour développer le bien commun (par exemple : réaliser des défrichages), mais aussi à expier le péché originel. L'expression « un travail de bénédictin » passée dans le vocabulaire commun avec la signification d'un « travail considérable et minutieux »11 confirme l'idée que cette innovation monastique a pu contribuer à forger et diffuser un sens nouveau au mot travail.

Une étude de Marie-France Delport en 1984 semble infirmer la thèse du "travail-trepalium". En partant des mots hispaniques "trabajo" et "trabajar", elle met en avant la notion de passage issue du préfixe trans: « on pourrait bien reconnaître la même image d'un obstacle à franchir, d'une limite à transgresser, de quelque chose qui se met en travers d'un parcours et qu'il faut outrepasser. Ainsi, traba/trabar évoque l'idée d'un élément mis en travers des jambes ou des pattes pour rendre difficile ou impossible la marche»12. Plus tard, en 2008, une étude d'André Eskénazi énonce ni plus ni moins que « l'étymon tripalium est une chimère ; le prétendu dérivé tripaliare n'a donc pas plus de consistance"13. Cette controverse n'oppose pas seulement deux thèses étymologiques entre elles, mais aussi deux conceptions du travail qui, dès lors, peut être à la fois un outil pour traverser des obstacles comme une source de souffrance.

Époque moderne

Selon l'historien Georges Lefranc14, c'est à partir du XVe siècle, XVIe siècle que le mot commence à prendre l'acception que nous lui connaissons aujourd'hui, à savoir celui d'activité productive. Cependant, les représentations marquent davantage la distinction entre le Labor (travail châtiment, peine au travail, conséquence du péché) et l'Opus » (travail création, activité naturelle). Par la suite, le terme travail remplace progressivement les deux termes usités au Moyen Âge : labeur et ouvrage. Relevons enfin qu'au XVIe siècle travail prend aussi le sens de « se donner de la peine pour ». C'est un signe que l'artisan paraît aux esprits novateurs de la Renaissance et de la Réforme plus « utile » que le noble ou le clerc[réf. nécessaire].

Épanouissement au travail

Dans un sens plus restreint, le travail peut être défini comme l'action de produire de la valeur — des biens et/ou des services — à destination d'autrui. Ce périmètre inclut les tâches ménagères, mais exclut par exemple la toilette. Pour Henri Wallon (1879-1962), travailler c’est « contribuer par des services particuliers à l’existence de tous, afin d’assurer la sienne propre »15.

Depuis le rapport Stiglitz (du nom du prix Nobel d'économie, l'américain Joseph Stiglitz), les économistes insistent sur le fait que le travail n'est pas seulement le travail rémunéré, l'activité productrice des travailleurs : il comprend aussi le bénévolat et le travail domestique.

Jacques Freyssinet, économiste français, sépare les différents types de travail en travail libre, travail salarié et travail forcé, dans le cadre d'activités marchandes ou non-marchandes16.

En 1984, Marie Jahoda distingue dans son livre Wieviel Arbeit braucht der Mensch? cinq aspects constructifs du travail17,18 :

  1. Donne une structure temporelle à la vie ;
  2. Crée des contacts sociaux hors de la famille et des amis ;
  3. Donne des objectifs indépendants de ses besoins propres ;
  4. Définit une identité et une utilité sociale ;
  5. Force à l'action.

Dominique Méda (Le Travail, coll. « Que sais-je ? ») explique que la notion de travail est historique et que le terme actuel est le résultat de la sédimentation de trois couches de signification :

Pour Méda, « quand le travail vient à manquer, les communautés se délitent, les liens se distendent, les hommes et les femmes se retrouvent désoeuvrés au sens propre. Le travail est l'activité princeps celle qui définit l'identité individuelle et collective au plus haut point18. »

Des dimensions contradictoires coexistent et fondent la diversité des interprétations du travail et des conflits sur la définition du travail. Dans certains pays touchés par le chômage de masse, on rencontre également des revendications sous la forme d'un « droit au travail ». Le travail est un élément important pour l'appartenance des individus à une société, ce qui explique le désarroi d'une partie des chômeurs involontaires.

« La double dimension contradictoire du travail, à la fois source d'aliénation et acte social porteur d'émancipation. »

— Les Économistes atterrés, Faut-il un revenu universel ? p. 13, 2017 (ISBN 978-2-7082-4533-4)

Histoire

Antiquité

L'esclavage a été utilisé au cours de l'Antiquité pour accomplir les tâches les plus dures19.

En Grèce antique, la notion de travail n'existe pas en tant qu'unité conceptuelle. L'activité agricole y est davantage valorisée que l'artisanat et le commerce, pour des raisons religieuses et morales (travailler la terre revient à avoir une activité autarcique). Le travail est conçu de manière ambivalente, pouvant être apprécié (ainsi Ulysse fabriqua lui-même son lit, Athéna et Héphaïstos, adorés notamment à Athènes, protègent les artisans, l'oisiveté est réprimée par des lois) ou décrié (l'esclavage est sans doute à l'origine d'une telle conception, certaines cités réservent la citoyenneté à ceux qui ne travaillent pas, Aristophane se moque du fils d'une vendeuse de légumes et d'un tanneur)20.

Du Moyen Âge à la Période moderne (XIXe siècle - XXe siècle)

En Europe occidentale, pendant le Haut Moyen Âge, le mouvement monastique s'est fondé en grande partie sur le travail (voir Règle de saint Benoît), donnant au travail un but de fraternité du point de vue communautaire et aussi d'épanouissement dans la participation au bien commun (pensé en rapport à la création divine).

Jusqu’alors le travail est un signe évident de servitude mais Benoît décide de le faire entrer dans l’éthique chrétienne permettant la plénitude de l’opus dei. Les moines construisent une société chrétienne autant par le travail de leurs mains que par le travail de leur esprit. À la fois centre culturel voué à l’instruction des clercs et à la diffusion des rites officiels et entreprise économique, le monastère bénédictin connaît un succès considérable encouragé par les autorités politiques qui voient dans les ordres monastiques de fidèles alliés pour pacifier et réguler la vie sociale des royaumes barbares21.

Parallèlement au travail libre, existait le servage, lequel instaurait une obligation de travail pour les paysans envers leurs seigneurs. En France, le servage a quasiment disparu après la guerre de Cent Ans, et, persistant localement, il a d'abord été aboli dans tout le domaine royal par Louis XVI (en 1779), puis définitivement pendant la Révolution française. Avant la révolution industrielle (dans les sociétés precapitalistes).

Robert L. Heilbroner (économiste américain), considère que, dans les sociétés précapitalistes (d'avant la révolution industrielle de 1789), le travail n'est pas une marchandise à vendre librement dans un marché22. Dans les compagnes, le travail du serf à l'égard de son supérieur (appelé le seigneur) est un devoir est non pas un droit : le travailleur est attaché à vie à son seigneur. À côté du travail domestique, le serf a le devoir de le protèger par le port des armes lorsqu'il est menacé, de l'extérieur, par d'autres seigneurs plus puissants. En ville, le travail des apprentis envers leurs maîtres est strictement réglementé par les corporations et aucune liberté, ou innovation, n'est admise22.

Période Contemporaine (XIXe siècle - XXe siècle)

Elle est caractérisée par la généralisation du salariat.

Réglementation du travail

Les règles du travail sont déterminées par le code du travail et s'imposent aux employeurs comme aux salariés. Chacun se doit de respecter les lois et la réglementation du travail.

Il existe un certain nombre de règles ayant valeur internationale, dans les conventions de l'Organisation internationale du travail (OIT) ou dans le cadre du droit européen.

Le droit du travail s'est progressivement constitué sous pression du mouvement ouvrier (à partir du milieu du dix-neuvième siècle) avec l'élimination du travail des enfants, la lutte pour la baisse du temps de travail, pour l'amélioration des conditions de travail et la reconnaissance du syndicalisme.

En France, le corps de l'inspection du travail est chargé de veiller à ce respect, au besoin en faisant appel à la Justice. Employeurs ou salariés du privé peuvent aussi faire appel au conseil de prud'hommes pour trancher un litige.

Les prescriptions du droit du travail ne sont respectées que dans les pays occidentaux. Les salariés y sont démocratiquement représentés dans les syndicats ouvriers et dans les comités de leurs représentants au sein des établissements d'emploi (entreprises privées ou organisations publiques). De plus, les juridictions du travail appliquent les lois de façon scrupuleuse. Inversement, ces dispositions ne sont pas équitablement appliquées dans les pays pauvres. Dans la plupart des cas, les syndicats et les représentants des salariés ne défendent pas fidèlement leurs adhérents et ne sont pas généralisés à tous les établissements. Bien que la législation du travail existe, ses dispositifs sont appliqués de façon discriminatoire. La corruption, le clientélisme et les privilèges des personnes censées appliquer ces lois et des représentants des salariés eux-mêmes, ajoutés à l'intimidation des victimes en cas de dépassements, font que l'application de ces lois reste très arbitraire et dépend, dans la plupart du temps, de la volonté des responsables juridiques et de leurs complices.

Critique radicale du travail

Au XIXe siècle, alors que les effets négatifs de l'industrialisation deviennent manifestes (exploitation des enfants, accidents, usure et mortalité…) certains écrivains, tels le Français Émile Zola (notamment dans ses romans Germinal, 1885 et, surtout, L'Assommoir, 1877, qui a rendu l'écrivain célèbre), et certains philosophes dénoncent les conditions de travail dans les usines. Au premier rang d'entre eux, vient l'Allemand Karl Marx (et son ami, Friedrich Engels) : partant de l'analyse de ces conditions, il développe une critique de l'ensemble du système capitaliste et affirme que le salariat constitue intrinsèquement la source de la domination de la bourgeoisie sur le prolétariat.

D'autres, plus rares, se livrent à une critique du travail lui-même, dès lors qu'il est vécu non plus seulement comme une simple contrainte mais comme une véritable aliénation. Notamment Paul Lafargue, gendre de Karl Marx (et ce dernier lui-même), qui publie Le Droit à la paresse en 1880. Au début du XXe siècle, le cinéaste Charlie Chaplin décrit cette aliénation dans son film Les Temps modernes (1936). Plus tard, divers sociologues, notamment les Français Georges Friedmann23 et Jacques Ellul, s'attachent à analyser le sens de cette aliénation. Ils avancent que, bien que la productivité ait explosé au cours du XXe siècle, cela ne s'est que faiblement répercuté sur la quantité de travail à fournir24. Ils considèrent que le travail « moderne » est déconnecté de sa finalité : le travailleur devient un simple rouage d'un système qui le dépasse totalement25, il est exhorté à produire toujours plus, alors que l'on baigne dans la surproduction d'objets superflus et que l'on consomme beaucoup trop d'énergie au détriment de l'équilibre écologique de la planète26. Ellul estime que, malgré les dommages qu'il cause, le travail continue d'être universellement érigé en valeur et qu'il en est ainsi parce qu'il est vécu comme une « promesse de bonheur », plus précisément de confort matériel, la quête de confort primant désormais sur toutes les valeurs traditionnelles, à commencer la liberté27. S'étant livré à une exégèse de la pensée de Marx28, il considère que l'analyse de celui-ci, pertinente au XIXe siècle, ne l'est plus au XXe siècle : ce n'est pas le capitalisme qu'il faut remettre en cause mais aussi le communisme, qu'il assimile au capitalisme d'État et, de façon plus globale, le productivisme29. Et ce n'est plus seulement le travail qu'il faut démystifier, mais ce qui démultiplie l'efficacité produite autrefois par le travail (et qui du coup dévalue celui-ci de facto) : la technique30.

La critique radicale du travail a également été théorisée par Guy Debord (la fameuse armée de l'arrière travail de la société du spectacle qui disait « Ne travaillez jamais »), le groupe allemand Krisis (Le manifeste contre le travail) ou Serge Latouche (pour les critiques des notions de croissance et de développement) : ils peuvent se rencontrer chez des partisans de la décroissance, chez les marxistes hétérodoxes, les marxiens voire chez les anarcho-communistes. Pour le groupe Krisis (et le reste des auteurs de la « nouvelle critique de la valeur », comme Anselm Jappe, Moishe Postone ou Jean-Marie Vincent), le travail tel qu'il se présente sous le capitalisme ne doit pas être considéré comme l'essence de l'homme, naturelle et transhistorique. Ces auteurs pensent que le travail n'est pas d'abord une activité, mais que, sous le capitalisme, il est un rapport social très particulier au cœur social du fonctionnement du capitalisme. Il est certes un « travail concret » (le fait de produire une valeur d'usage), mais cette dimension est intérieurement constituée par une autre dimension, totalisante et qui la domine : le « travail abstrait ». Celui-ci est considéré par ces auteurs comme l'essence sociale de la société capitaliste. Il est d'abord issu de la fonction de médiation sociale entre les hommes, qu'a le travail dans le type de socialisation produite par le capitalisme : c'est par le travail que j'obtiendrai les produits fabriqués par d'autres. Mon travail se reflète alors sur l'ensemble du travail social global. C'est ainsi que le travail que l'on fait chaque jour serait du « travail abstrait ». Mais ce n'est pas le fait de faire quelque chose qui n'a pas de sens, le « travail abstrait » est ce que le travail est structurellement devenu dans le capitalisme, une forme de socialisation abstraite, qui capte et structure l'agir des individus. Cette abstraction du travail s'accomplit journellement, non pas par le moyen de la conscience, de l'imaginaire ou d'une « idéologie du travail », mais dans le déroulement même de la production sociale (il est alors une « abstraction réelle » particulièrement difficile à dépasser). Loin d'opposer le travail et le capital comme le fait le marxisme traditionnel, au contraire, ces auteurs pensent qu'ils « ne sont que deux étapes successives dans la métamorphose de la même substance : le travail abstrait »31. À l'opposé de la traditionnelle théorie de la valeur-travail développée par l'économie politique classique et le marxisme traditionnel, ce courant développe une théorie de la forme sociale de la valeur. La valeur est la représentation du « travail abstrait » (en tant que forme sociale), et apparaît au moment de l'échange marchand. Pour Krisis, il ne faut donc pas libérer le travail du capital (par la politique et le retour de l'État social, en le moralisant, en lui donnant des règles, etc.) puisqu'il lui est intrinsèquement lié, mais se libérer du travail en lui-même. Abolir le travail dont la forme sociale et la trajectoire sont la composante fondatrice du procès de la valorisation du capital, pour inventer à la place de nouveaux rapports sociaux. Chez Serge Latouche32, la critique du travail est différente : il s'attache d'abord à montrer que la domination du travail serait une domination de « l'idéologie du travail » et passerait aussi par l'imaginaire social. Il propose alors, par un retour sur nos actes et notre conscience, de « décoloniser l'imaginaire ». En France, la critique radicale du travail s'exprime essentiellement aujourd'hui à travers le mouvement de la décroissance, dont Latouche est l'un des principaux animateurs.

Le féminisme matérialiste et sa lecture marxiste des relations entre les sexes a également contribué à politiser de façon radicale le travail et à élargir son questionnement33. En montrant que ce qui compte comme du travail est un enjeu primordial dans le processus de production des hiérarchies sociales et sexuées, il a permis de dénaturaliser la catégorie travail, la partition des sphères privée et publique sur laquelle elle repose, et les exclusions qu’elle produit. La formulation de la notion de travail domestique, qui recouvre l’ensemble des services domestiques effectués au sein du foyer, de l’éducation des enfants aux relations sexuelles en passant par les tâches ménagères, a contribué à révéler le fonctionnement patriarcal de la famille qui s'appuie sur l'appropriation du travail gratuit des femmes34. Contestant l’opposition et la hiérarchisation naturalisée entre une sphère masculine liée à la production marchande de biens et de services et une sphère féminine consacrée à la reproduction biologique de l’être humain et de sa force de travail, elle met en évidence ce qui relève d’une division sexuée du travail au cœur des rapports sociaux entre les sexes35.

Différentes analyses critiques du travail ont ainsi été publiées durant les années 1980-199036.

Notes et références

Voir aussi

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Il existe une catégorie consacrée à ce sujet : Travail.
 

Bibliographie

Bande dessinée

Filmographie

Critique du travail

Articles connexes

Économie
Problématique emploi-progrès technique
Droit social
Conditions de travail
Philosophie
Sociologie

Liens externes

Travailleur de plateformes

 
 
 

Un travailleur de plateformes est un travailleur indépendant ou salarié ou opérant sous un autre statut, voire sans statut, vendant un service via une plateforme numérique.

Les travailleurs de plateformes numériques bénéficient en théorie d’une forte autonomie et d’une maîtrise de leur travail. La position des sociétés bâties autour des plateformes est que ces travailleurs sont libres de se connecter à leur plateforme et d'accepter les conditions de travail proposées. Cependant, cette liberté masque souvent un lien de subordination entre le travailleur et la société détenant la plateforme numérique, ce qui a entraîné des requalifications en salariat devant les tribunaux dans la qualification de leur statut1.

Les caractéristiques principales2 de ce type d'emploi sont entre autres :

  • L'organisation d'un travail rémunéré via une plateforme en ligne.
  • L'implication de trois acteurs : la plateforme, le client et le travailleur.
  • Les services sont fournis à la demande.

De plus, une spécificité de ce système est l'utilisation d'algorithmes pour l'affectation et la répartition des tâches entre les travailleurs, dénommé parfois management algorithmique3,4.

Le statut légal de ces travailleurs et les protections dont ils peuvent bénéficier sont sujets à débat dans plusieurs pays et un projet de directive est actuellement à l’étude au niveau européen5.

En droit français, la loi Travail du 8 août 20166 est venue encadrer le statut de ces travailleurs de plateformes. Par la suite, la loi du 7 a complété ce statut.

Historique

Les plateformes numériques ont émergé dans les années 2000 et se sont rapidement multipliées dans les années qui ont suivies8. L’OCDE définit ces plateformes en ligne comme des “services digitaux qui facilitent les interactions entre deux ou plus groupes d’utilisateurs distincts, mais interdépendants, qu’il s’agisse de firmes ou d’individus, qui interagissent via Internet9.

Dès la fin des années 2000, des plateformes payantes comme Uber vont apparaître. L’augmentation du nombre de ces plateformes va entraîner corrélativement l'augmentation du nombre des travailleurs de plateformes.

Dans les années 2010, les plateformes numériques ont fait l’objet davantage d’attention, mais également de critiques en raison de la transformation du marché du travail. Ces plateformes organisent et structurent l’activité des personnes en contournant les régulations10.

Une distinction peut être faite entre les plateformes proposant du travail localisé (transports, livraisons, travail domestique) et les plateformes proposant du travail en ligne (traitement de données, traduction, reconnaissance d'images...)2.

Les plateformes se présentent comme de simples intermédiaires entre le client et le travailleur, ce qui est contesté par plusieurs études et organisations syndicales4 qui recommandent de les considérer comme des employeurs classiques.

De plus, le modèle économique de ces plateformes reposeraient sur la vente à perte11 assimilable à de la concurrence déloyale4.

La pandémie de Covid-19, le développement des achats en ligne et les bénéfices réalisés par les plateformes font craindre un déploiement accéléré de ce type d'emploi3,2.

En 2019, les travailleurs de plateformes seraient estimés à12 :

En 2018, l'OIT a publié une étude sur leurs conditions de travail13,14.

Importance actuelle

Selon le sondage IPWS (Internet Platform Work Survey) publié par l’Institut syndical européen (ETUI) qui concerne 14 pays européens, on compterait 47,5 millions (soit 17 % de la population en âge de travailler) de "travailleurs de l’internet" au sens large au sein de l’Union européenne, dont 12 millions seraient des travailleurs de plateformes stricto sensu,  parmi lesquels 3 millions sont des travailleurs "intenses" pour qui les plateformes de travail représentent une "part significative" de leur temps de travail. D’autres chiffres, cette fois issus de Commission européenne15 estiment à 28 millions de personnes dans l'UE qui travaillent par l'intermédiaire de plateformes numériques, pour la plupart sous un statut de travailleur indépendant ou d’auto-entrepreneur. Si les livreurs à vélo sont les plus visibles médiatiquement, ils ne représentent pas la majorité.

Mouvements contestataires

Motivations

Des mouvements contestataires ont pris forme pour plusieurs raisons. Les travailleurs des plateformes évoluent dans une zone grise entre le travail indépendant et le travail salarié16. Ainsi, la majorité des travailleurs de plateformes sont privés des droits, protections et garanties normalement liés au statut de salarié. S’ajoute à cette incertitude liée à leur statut, l’extrême dégradation des conditions de travail. Effectivement, le travail des plateformes est mal rémunéré, avec des horaires longs et instables. De plus, la protection sociale est faible, voire inexistante16. Une revue de la littérature souligne en outre des risques psychosociaux encourus par ces travailleurs : l’isolement physique et social; la pénibilité d’un management algorithmique associé à une surveillance numérique permanente et la souffrance liée au caractère éphémère d’un travail qui apparaît en même temps comme dépourvu de limites17.

Actions

En réaction, des initiatives de création de collectifs de défense des intérêts des travailleurs se mettent en place18. Il peut s'agir de syndicats spécifiques aux livreurs comme le CLAP (Collectif des livreurs autonomes parisiens) ou de branches syndicales liées à des syndicats déjà existants19.

Ces organisations syndicales et les travailleurs organisent des manifestations, pour attirer l'attention sur l'encadrement juridique insuffisant, voire absent de ce statut20.

Par exemple, en France, en 2017, les travailleurs des plateformes se sont mobilisés. Des manifestations par les coursiers de la plateforme de livraison de repas à domicile Deliveroo ont eu lieu au sein de la capitale et dans plusieurs grandes villes (Bordeaux, Lille, Marseille et Nantes)21. Ils contestent le changement du système de rémunération : les livreurs sont désormais rémunérés à la course alors qu’auparavant ils étaient soumis à une rémunération horaire22. La difficulté étant que, les coursiers attendent de longs moments sans recevoir de commandes, entraînant une absence de rémunération.

Autre exemple, en France, en août 2019, les livreurs travaillant avec Deliveroo ont été appelés à cesser le travail pour protester contre la nouvelle grille tarifaire de la plateforme de livraison de repas, qui entraîne, selon eux, une baisse de leur rémunération23. Le Collectif des livreurs autonomes parisiens (CLAP) dénonce la suppression du tarif minimum par course et la baisse du prix des courses courtes, qui sont les plus rémunératrices. Ce collectif a demandé aux consommateurs de boycotter l’application.

Les travailleurs des plateformes font des “ grèves-déconnections ”, c’est-à-dire qu’ils arrêtent de travailler. Il s’agit du mode d’action principal des coursiers. Cependant, il en existe d'autres comme le blocage de restaurants. Dans tous les cas, quel que soit le type de grève envisagé, il s’agit bien d’allonger le temps d’attente ou d’empêcher la commande des clients pour faire pression sur l’employeur caché derrière l’algorithme.

Ces mouvements contestataires ont été très médiatisés. En France, « la manière dont les médias ont traité cette grève, ça a été un rouleau compresseur. Si Deliveroo a été obligé de recevoir le CLAP et les syndicats, c’est parce qu’il fallait à tout prix que cette entreprise se refasse une image ».

Ces mouvements se multiplient à partir de l’automne 202024.

Avec quelques fois des victoires : comme les livreurs indépendants de Saint-Étienne qui après avoir fait grève les 13 et 18 décembre 2020 obtiennent d'Uber Eats la garantie de gagner au minimum 10€ de l’heure le midi et 12€ de l’heure le soir24,25.

Les livreurs de diverses enseignes se mobilisent ensemble : ainsi, du 22 au 25 janvier 2021, les livreurs Deliveroo et Uber Eats de Reims ont cessé de travailler et manifesté devant l’entrée des restaurants rémois24.

Face à ces mouvements les plateformes utilisent des moyens de dissuasion comme :

Actions judiciaires

En France, la contestation se place aussi sur le plan judiciaire :

La Confédération européenne des syndicats (CES) a recensé dans différents pays d’Europe de l’ordre de 200 actions en justice qui ont été initiées avec pour résultat que les travailleurs de plateformes ont été assez régulièrement requalifiés par les tribunaux comme des salariés. Les syndicats espèrent que la prochaine directive de la Commission inclue sa revendication de mise en place d’une présomption de relation de travail salariée pour les personnes travaillant via des plateformes numériques de travail, avec renversement de la charge de la preuve. i.e. l’obligation pour une plateforme d’apporter la preuve que ses contractants ne sont pas de fait dans une relation de travail typique du salariat1.

Difficultés juridiques

Qualifications indéfinies

Le Code du travail français ne reconnaît que deux statuts aux travailleurs. Ces derniers ont soit la qualité de salarié, soit la qualité d’indépendant. Le statut des travailleurs des plateformes est prévu dans le Titre IV du Code du travail. L’article L.7341-1 du Code du travail prévoit que : « Le présent titre est applicable aux travailleurs indépendants recourant, pour l'exercice de leur activité professionnelle, à une ou plusieurs plateformes de mise en relation par voie électronique définies à l'article 242 bis du Code général des impôts ».

Au vu de cet article, les travailleurs des plateformes seraient surtout considérés comme des travailleurs indépendants. Le gouvernement français a ainsi fait le choix de placer les travailleurs des plateformes dans le statut d’auto-entrepreneur34. Cependant, des débats ont lieu sur l’assimilation au salariat.

Des conflits se développent sur la nature de la relation entre les travailleurs des plateformes et les sociétés de plateformes. De nombreux travailleurs des plateformes revendiquent le fait qu’ils ne devraient pas être considérés comme de simples travailleurs indépendants mais comme des salariés35 en raison de l’existence d’un lien de subordination avec les sociétés de plateformes. Cela les distingue du statut d’indépendant. Dès lors que des indices supposent que le travailleur de plateformes est bien sous la subordination de la société de plateforme, le juge peut alors requalifier leur statut en salarié. Cette requalification leur permet d’avoir une meilleure protection que les indépendants.

Un arrêt rendu par la Cour de cassation réunie en Assemblée Plénière du 4 mars 2020 illustre cette requalification salariale36. Dans cet arrêt, la Cour de cassation a donné raison à la cour d’appel, qui a jugé que le travailleur était lié à la société de plateforme par un contrat de travail. En effet, le chauffeur était bien sous la subordination de la plateforme qui lui imposait des directives. Le chauffeur ne pouvait pas librement choisir la course et l'itinéraire qui lui convenait. Dans un arrêt antérieur en date du 28 novembre 201837, la Chambre sociale avait déjà affirmé que les travailleurs des plateformes en question étaient des salariés en raison du lien de subordination avec la plateforme.

La difficulté d’établir le statut des travailleurs de plateformes n’est pas propre au droit français. D’autres pays européens sont confrontés à la même problématique. Ainsi, l’Union européenne a décidé de s’emparer de la question du statut des travailleurs de plateformes38. La Commission européenne a le projet d’une nouvelle directive34 fixant des critères précis à remplir pour bénéficier du statut de salarié. Ces critères seraient au nombre de six mais seuls deux devraient être remplis afin de bénéficier de la présomption de salariat. Le juge devrait alors vérifier l’ensemble de ces six critères et requalifier le statut du travailleur des plateformes en salarié. Il ne s’agit pour l’instant que d’un projet de directive démontrant la volonté de l’Union européenne de contrôler le statut des travailleurs de plateformes et d’aider le juge dans la détermination de ce statut.

Protection sociale des travailleurs de plateformes

En raison de la crise sanitaire de 2020, les travailleurs de plateformes se sont retrouvés confrontés à des difficultés liées au manque de protection sociale. La protection sociale des travailleurs de plateformes va dépendre du régime juridique qui leur est attribué : le régime d'indépendant ou de salarié. En effet, les droits attribués ne sont pas les mêmes selon le statut, malgré l'intégration depuis le 1er janvier 2020 des indépendants dans le régime général de la Sécurité sociale. Par exemple, les dirigeants de société par action simplifiée unipersonnelle, statut choisi par de nombreux chauffeurs VTC, sont assimilés salariés et sont donc soumis en partie à la législation du régime général de la Sécurité sociale, sauf pour l’assurance chômage39.

Les indépendants et salariés bénéficient des mêmes minima sociaux. Cependant, pour les prestations reposant sur les cotisations des travailleurs, comme la retraite, elles sont moins élevées pour les travailleurs indépendants que pour les salariés. Il s’agit alors de séparer les types de couverture sociale afin de déterminer les droits des travailleurs indépendants et des salariés39.

Les syndicats européens pointent des cas de migrants sans papier et sans autorisation de travail agissant comme sous-traitant d’une personne enregistrée comme travailleur officiel sur la plateforme. Ces personnes n’ont aucune protection sociale en cas de maladie ou d’accident du travail 1.

Santé

Les salariés et les indépendants disposent du régime général de la Sécurité sociale en matière de santé. La santé regroupe la maladie, l’invalidité ou encore le congé maternité. Le congé maternité pour les indépendants a été aligné sur le régime des salariés depuis la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2019, avec un arrêt d’une durée minimale de huit semaines39.

Arrêts de travail

Lorsque le travailleur de plateformes exerce sous le statut d’indépendant, les indemnités journalières sont équivalentes à 1/730e du revenu d’activité annuel moyen sur les trois dernières années civiles. Le délai de carence varie selon la durée de l’arrêt.

Pour les salariés, les indemnités journalières sont égales à 50% du salaire journalier avec un délai de carence de 3 jours.

Complémentaire santé

Les travailleurs de plateformes indépendants ne bénéficient d’aucune protection complémentaire obligatoire. À l’inverse pour les salariés, la complémentaire santé est obligatoire. L’employeur doit proposer une couverture complémentaire avec une participation au moins égale à 50% de la cotisation.

Retraite

Les travailleurs de plateformes indépendants disposent d’une cotisation minimale de retraite qui leur permet d’acquérir trois trimestres pour les indépendants à faibles revenus. Concernant les micro-entrepreneurs, ils doivent avoir réalisé un certain chiffre d’affaires.

Chômage

Les indépendants ne disposent pas de l’assurance chômage, mais d’une allocation propre soumise à des conditions restrictives, comme des conditions de ressources, de durée d’activité et de revenus antérieurs d’activité, ne couvrant ainsi pas tous les indépendants39.

Accidents du travail et maladies professionnelles

Les travailleurs de plateformes indépendants ne bénéficient pas d’une assurance relative aux accidents du travail et maladies professionnelles. Cependant, tout travailleur indépendant a la possibilité de souscrire auprès de la Sécurité sociale, une assurance volontaire et individuelle contre ce risque en contrepartie d’une cotisation39.

Les travailleurs de plateformes sous statut indépendant ne sont pas exemptés de protection sociale, mais celle-ci est moindre que la protection sociale liée au statut de salarié40.

La loi n°2016-1088 du 8 août 2016, dite loi Travail, a introduit un principe de responsabilité sociale des plateformes à l’article L. 7342-1 du Code du travail. Cela comprend par exemple, l’obligation de prendre en charge les frais d’assurance souscrits pour couvrir les risques d’accidents du travail39 sur la volonté du travailleur. Ainsi, les entreprises apportent des droits supplémentaires grâce aux organisations syndicales et à la négociation collective.

Risques routiers

D'après l'ETSC, les livreurs et conducteurs de l'économie gig se trouvent confrontés à des facteurs de risques routiers, tels qu'une formation inadéquate, un modèle de rémunération qui presse le conducteur d'aller plus vite, et de travailler malade, l'absence de supervision des conditions de sécurité du véhicule ou l'absence d'équipement de protection41. Toutefois, la législation pourrait pousser ces plateformes à considérer les travailleurs de ces plateformes comme des travailleurs normaux42.

Droits collectifs

Le législateur organise un régime spécifique aux travailleurs indépendants des plateformes. La loi n°2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels a accordé plusieurs droits à ces travailleurs, dont le droit de grève et le droit à la liberté syndicale43.

Par la suite, une représentation collective des travailleurs indépendants des plateformes numériques de mobilité est instituée par une ordonnance datant du 21 avril 2021. Sont concernées par cette ordonnance, les plateformes numériques dites de mobilité, c’est-à-dire, les activités de conduite d’une voiture de transport avec un chauffeur et de livraison de marchandises au moyen d’un véhicule à deux ou trois roues, motorisé ou non44. Les travailleurs de plateformes sont représentés par des organisations syndicales représentatives, lesquelles ont compétence pour désigner des représentants des travailleurs et pour conclure des accords45.

Comparaison internationale

Au Brésil

Le nombre de travailleurs brésiliens travaillant pour des plateformes numériques est évalué à des centaines de milliers46,47. En outre, en , un mouvement de grève est organisé dans de nombreuses villes brésiliennes par des livreurs de plateformes de commerce en ligne pour protester contre leurs conditions de travail48.

En Chine

Comme dans d'autres pays, les travailleurs de plateformes se mobilisent et mobilisent autour d'eux contre le « capitalisme de plateforme »49 ; par ailleurs le gouvernement chinois en 2021 a communiqué sur son intérêt à protéger les droits de ces travailleurs50.

Aux États-Unis

En novembre 2019, l’État américain du New Jersey a réclamé 649 millions de dollars à Uber pour avoir considéré ses chauffeurs comme des travailleurs indépendants30.

Le , la justice californienne a refusé le recours déposé par Uber et la société Postmates contre la loi dite « AB5 », votée en septembre 2020 dans l’État américain et qui oblige les plateformes à faire de leurs chauffeurs VTC des travailleurs salariés30,51.

En Inde

En 2021, des critiques sont formulées sur le traitement des plus de 300 000 travailleurs sans contrat employés pour des services de livraisons de repas52.

Au Royaume-Uni

Au Royaume-Uni, les travailleurs de plateformes sont soumis à un statut spécifique, nommé “workers” créé par la jurisprudence de la Cour Suprême. Il s’agit d’un statut intermédiaire entre les indépendants et les salariés. Ils vont pouvoir bénéficier de certains droits, comme un salaire minimum, des congés payés ou encore des droits collectifs53.

Les juges vont alors déterminer le statut de ces travailleurs selon des grilles d’interprétation. Pour les juges britanniques, un travailleur indépendant dispose de son propre business en concluant des contrats avec des clients ou des consommateurs pour leur fournir un travail ou un service. Un “worker” quant-à-lui, offre des services dans le business d’autrui53.

Dans l'Union européenne

Le , le tribunal supérieur de justice de Madrid, a requalifié en salariés 532 travailleuses et travailleurs de chez Deliveroo30.

Le , la Cour suprême de cassation italienne a requalifié en salariés cinq livreurs Foodora30.

Début 2021, l'Union lance une consultation sur le phénomène54 qui représente 11% de la population active européenne2.

Le , le Parlement européen vote un rapport d'initiative55 de Sylvie Brunet56 reconnaissant aux travailleurs de plateformes, le statut de salarié57.

En Espagne, le une loi oblige les plateformes à salarier leurs livreurs à vélo58.,

Aux Pays-Bas, le , le tribunal de district d'Amsterdam a acté qu’un chauffeur Uber était soumis à un lien de subordination par la plateforme59,60,61.

Notes et références

  1. « Statut des chauffeurs Uber : des situations qui diffèrent selon les pays » [archive], sur Les Echos, (consulté le )

Voir aussi

Articles connexes