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Catégorie : Les Armes
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Avion de chasse

 
 

Un avion de chasse (aussi appelé chasseur ou avion de suprématie aérienne) est un avion militaire conçu pour intercepter les avions adverses et ainsi assurer la maîtrise du ciel. Il peut par exemple s'agir de détruire des bombardiers ennemis afin de les empêcher d'atteindre leurs cibles, ou d'éliminer du ciel les chasseurs de l'adversaire pour protéger ses propres avions d'attaque.

Histoire

Première Guerre mondiale

 
Vickers F.B.5, biplan anglais à hélice propulsive, 1914.
 
Un Fokker Triplan Dr1 allemand, l'avion du Baron rouge.
 
Fokker D.VIII, monoplan allemand.
 
SPAD XIII de fabrication française portant les cocardes américaines.

Les avions de chasse apparaissent lors de la Première Guerre mondiale afin d'attaquer les avions et ballons de reconnaissance ennemis, puis les premiers bombardiers. La reconnaissance aérienne prend en effet dès le début du conflit une importance majeure dans la conduite des opérations, permettant pour la première fois l'observation directe des fortifications, dépôts et mouvements de troupe ennemis, et le réglage des tirs d'artillerie. Les appareils qui mènent ces missions deviennent donc des cibles prioritaires.

Le premier combat aérien a lieu le 5 octobre 1914 près de Reims1. Le combat aérien naît, au début de la Première Guerre mondiale, de la frustration des équipages d'avions de reconnaissance croisant l'ennemi dans les airs sans pouvoir le combattre. Des expédients sont tout d'abord employés, y compris des armes de poing et d'épaule, voire des grappins. Très rapidement des allemands utilisent la puissante mitrailleuse, et le deuxième homme d'équipage, dit « observateur », devient aussi « mitrailleur » après montage d'une tourelle comme support d'une mitrailleuse. Le tir vers l'avant est cependant alors rendu impossible par la présence de l'hélice (sauf sur les quelques avions à hélice propulsive), ce qui interdit le tir en poursuite et l'emploi de monoplaces pourtant plus performants.

Le français Roland Garros conçoit le premier un système surmontant cette difficulté après avoir tiré au revolver à travers un ventilateur puis constaté que peu de projectiles touchèrent les pales. Il monte une mitrailleuse sur son capot moteur et fait placer par son mécanicien de petites pièces métalliques sur l'hélice pour dévier les rares balles qui risqueraient de l'endommager. Après la capture de son appareil en bon état et son interrogatoire par les allemands, l'idée est reprise par Anthony Fokker qui décide de l'améliorer en concevant un ensemble mécanique bloquant le tir lorsqu'une pale de l'hélice se trouve devant le canon de la mitrailleuse. La synchronisation du tir de la mitrailleuse à travers les hélices est née, et avec elle l'avion de chasse.

D'autres systèmes sont testés, en particulier une mitrailleuse placée sur l'aile supérieure tirant vers l'avant au-dessus du plan de rotation de l'hélice, comme sur le Nieuport 11. Mais les systèmes à synchronisation, bien que plus lourds et complexes, se révèlent supérieurs car, placés au plus près de l'axe de vol, ils facilitent la visée. Des systèmes de tir à travers l'axe creux de l'hélice sont testés ; cependant, outre sa complexité, un tel système ne peut concerner qu'une seule arme. Le nombre de mitrailleuses montées sur chaque appareil augmente rapidement, atteignant quatre.

Les appareils sont développés très rapidement au cours de ce conflit, souvent en moins de trois mois, ce qui n'offre qu'une supériorité de quelques semaines ou mois à un nouveau modèle d'appareil performant, avant d'être rendu obsolète. Quelques-uns des premiers aviateurs de la Première Guerre mondiale disposent d'une expérience de pilote avant l'ouverture du conflit, mais les pertes humaines sont nombreuses, et les jeunes pilotes ont généralement une formation ne dépassant pas quelques semaines avant d'être envoyés en mission. De nombreux pilotes se tuent aux commandes de leurs appareils, en raison des défauts de constructions de ces premiers avions. En particulier, le développement des moteurs rotatifs refroidis à l'air qui équipent la majeure partie des appareils de cette guerre, sont plus légers, mais génèrent une importante masse d'inertie qui provoque des réactions imprévisible des appareils. Outre les accidents, les combats aériens et l'apparition de l'artillerie antiaérienne provoquent d'importantes pertes humaines.

Ces pionniers de l'aviation de guerre découvrent le vol, remplissent des missions d'attaque et d'escorte, et mettent au point les premières tactiques et manœuvres de combat. La propagande crée les premiers As, qui deviennent le symbole de leur aviation nationale. Ils prennent une part prépondérante dans le commandement des groupes de chasse et la formation des jeunes pilotes qui leur sont confiés, et participent avec les constructeurs à la création et l'amélioration des appareils de chasse.

La création d'écoles de pilotage s'impose peu à peu. En 1918, la France en compte une dizaine, telle, par exemple, celles de la base aérienne 122 Chartres-Champhol ou encore d'Avord. À la fin du premier conflit mondial, le cursus de formation des pilotes militaires est de six mois.

En 1917, le nombre croissant d'appareils dont les armées sont dotées conduisent à l'apparition de grandes formations de vol, entraînant des combats aériens impliquant plusieurs dizaines d'appareils. Les premiers avions bombardiers ayant une certaine efficacité font leur apparition sur le front Ouest dans cette seconde moitié du conflit, créant un nouvel objectif pour la chasse aérienne. Sur le front Est, les russes disposent du Ilia Mouromets de Sikorsky dès 1913.

Entre-deux-guerres

 
Polikarpov I-5 soviétique, 1931-1934.
 
Deux Fiat C.R.32 italiens pendant la guerre d'Espagne, 1937.

Lentement après la Première Guerre mondiale, le monoplan devient la norme pour les avions de chasse. L'utilisation de nouveaux alliages d'aluminium permet de faire participer la surface de l'avion dans la résistance aux efforts mécaniques qu'il doit supporter. C'est le revêtement travaillant. L'épaisseur des ailes y permet l'insertion des mitrailleuses, munitions et du carburant.

L'innovation technologique est motivée par les grandes courses de vitesse civiles qui sont organisées, et la vitesse des appareils s'accroit fortement : elle fait plus que doubler entre les deux guerres.

À la fin des années 1930, les appareils à revêtement métallique ont l'ascendant technologique sur les appareils en bois et en toile considérés généralement comme dépassés. Entre 1923 et 1938, le coût unitaire des avions est multiplié par 13 ou 142.

Les moteurs voient leur puissance croître. Deux filières s'affrontent. Les chasseurs à moteur en ligne et refroidissement par liquide : ces appareils ont une silhouette pointue, aérodynamique. Les appareils dotés d'un moteur en étoile, refroidis par air, ce qui donne des avions avec un nez rond et plat. La production de la Russie soviétique est notable avec le chasseur Polikarpov I-15 utilisé pendant la guerre civile espagnole, où il affronte le Fiat CR.32 italien, et par les forces chinoises pendant la guerre sino-japonaise. Dans les dernières années de la période, les progrès s'accélèrent dans tous les pays amenés à s'affronter. Les principaux modèles sont déjà là : en Grande-Bretagne, les Supermarine Spitfire et Hawker hurricane, en Allemagne, le Messerschmitt Bf 109. En France, le Morane-Saulnier MS.406, le Bloch MB.152 et le développement du Dewoitine D 520, bien que tardif, complète le tableau des meilleurs chasseurs en 1940. La production américaine sort doucement de la grande dépression, le développement est stimulé par des commandes françaises, c'est le début de la famille de chasseurs Curtiss.

Seconde Guerre mondiale

 
Supermarine Spitfire britannique (en bas) opposé à un bombardier Dornier Do 17 allemand, décembre 1940.
 
Focke-Wulf Fw 190 allemand, 1942.
 
Mitsubishi A6M « Zéro », de la marine japonaise, 1942.
 
Lavotchkine La-5 soviétique, 1943.

Lors de la Seconde Guerre mondiale, les chasseurs ont eu à jouer un rôle prépondérant : le contrôle du ciel et la supériorité aérienne sont devenus une partie vitale de la doctrine militaire, par exemple dans le cadre de la Blitzkrieg. Pendant la bataille d'Angleterre, l'incapacité de la Luftwaffe à venir à bout des escadrons de chasseurs britanniques a rendu l'invasion de la Grande-Bretagne impossible.

Le chasseur s'intègre dans une organisation complexe. Les techniques de combat aérien évoluent. On notera l'usage du couple : radar au sol, radio embarquée, pour guider les interceptions, ainsi que les manœuvres groupées où l'ailier couvre son chef.

Dès les prémices du conflit, se pose de nouveau la question de la formation des pilotes de chasse. Deux écoles de chasses sont actives en 1939 en France, l'une sur la base aérienne 122 Chartres-Champhol (le Centre d'Instruction de la Chasse, ou CIC), et l'autre, sur la base aérienne de Montpellier.

Une deuxième génération d'appareils suit les enseignements du début du conflit. Les améliorations concernent la puissance du moteur et l'aérodynamisme donc la vitesse, l'armement toujours plus lourd, la souplesse d'emploi, avec la capacité d'emport de charges externes, bombes, roquettes, l'autonomie avec des réservoirs externes. Les avions anglais de deuxième génération sont les Hawker Typhoon et Hawker Tempest et la « merveille en bois » le de Havilland Mosquito. Le chasseur allemand destiné à épauler le Bf 109 est le FW 190 à moteur en étoile BMW 801.

La production américaine, massive bien que plus tardive, donne des appareils décisifs qui répondront aux multiples besoins. Petit tour dans l'arsenal des États-Unis. Les chasseurs Curtiss sont disponibles avant l'entrée en guerre, bien que présentant des défauts, ils rendront service à leurs utilisateurs. Le P-51 mustang est développé pour répondre à une commande de la RAF, l'installation du moteur Rolls-Royce Merlin en fait une bête de course. Le Thunderbolt P-47 est énorme, endurant, redoutable à haute altitude, il encaisse bien. Le Corsair F4U avec des ailes de mouette a la plus grande hélice possible entraînée par un moteur Pratt et Witney R2800. Les chasseurs Gruman Wildcat et Hellcat assureront la supériorité aérienne au départ des porte-avions US. Le Lockheed Lightning bimoteur bipoutre sera le diable à deux queues pour les allemands mais brillera surtout dans le Pacifique.

La production soviétique, massive, se concentre sur des modèles rustiques dont les performances croissent au fur et à mesure du conflit : famille de chasseurs Yakovlev, Mikoyan-Gourevitch (Mig), Lavotchkine. L'entreprise Soukhoï ne développera des chasseurs qu'à partir de 1959.

L'empire du soleil levant dispose grâce au Mitsubishi A6M de sa Marine, le « Zéro », d'une supériorité initiale dans le Pacifique.

La lutte contre les bombardements nocturnes nécessite la création et le développement de la chasse de nuit qui regroupe des appareils de jour modifiés, ou des appareils spécifiques. Les premiers radars embarqués commencent à fonctionner en opérations.

Les recherches destinées à produire des chasseurs de plus en plus performants aboutirent entre autres à l'apparition, en opérations, des premiers avions à réaction, à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Les premiers furent les Messerschmitt 262 allemands, mais ils furent peu utilisés car l'État-Major les destinait plutôt au rôle de chasseur-bombardier. Les Gloster Meteor anglais apparurent également à la fin de la guerre, mais n'effectuèrent que des interceptions de V1 et quelques missions d'attaque au sol, sans rencontrer d'avions ennemis.

À la fin de la guerre, l'École de chasse, recréée à Meknès, en 1943, revient en France en 1961 et rejoint une école de moniteurs sur la base aérienne 705 Tours ; elle s'y trouve encore.

Après la Seconde Guerre mondiale

 
Un MiG-17 de la Force aérienne populaire vietnamienne touché par le tir du canon M61 Vulcan d'un Republic F-105 Thunderchief de l’USAF le 3 juin 1967.

Consacrant le déclin irréversible des avions à hélice, la guerre de Corée fut l'occasion des premiers combats aériens entre chasseurs à réaction, principalement entre le F-86 Sabre américain et le MiG-15 soviétique.

Dès les années 1950, des avions de chasse supersoniques furent développés, rapidement suivis par des avions capables de voler à plus de deux fois la vitesse du son. D'une façon générale, on vit apparaître des avions de plus en plus performants mais aussi de plus en plus gros, complexes et surtout coûteux.

Leur fiabilité a également beaucoup augmenté. Par exemple, le Northrop F-89 Scorpion de l’USAF avait un taux d'accident de 383 accidents pour 100 000 heures de vol dans les années 1950 tandis que dans les années 2000, il est de 4 à 5 accidents pour 100 000 heures de vol dans les forces aériennes de l'OTAN, bien entrainé, et d'environ 20 pour 100 000 heures de vol pour les Forces aériennes pakistanaises disposant de moins de moyens3.

Caractéristiques

 
Le MIG-21 soviétique, un des meilleurs chasseurs à réaction de son époque.
 
Rafale au Bourget en 2011.

Le cahier des charges d'un bon avion de chasse a considérablement changé avec le temps. Les caractéristiques de base étaient initialement :

Pendant la Seconde Guerre mondiale, ces critères se sont modifiés progressivement :

De nos jours, avec les combats hors du champ visuel, un chasseur doit être :

Ses armes sont :

Fabricants

 
Soukhoï Su-27 Flanker de l’armée de l’air russe et Eurofighter Typhoon de la Royal Air Force en 2014.

Les principaux constructeurs d'avions de chasse sont actuellement Lockheed Martin et Boeing aux États-Unis, Soukhoï en Russie, Eurofighter, Dassault Aviation et Saab en Europe, Shenyang Aircraft Corporation en Chine.

Le marché mondial des avions de chasse se répartissait en 20094 :

Part du marché mondial des avions de chasse en 2009
NationalitéConstructeurPourcentage
Drapeau des États-Unis États-Unis Lockheed Martin 33,8
Drapeau de l’Union européenne Union européenne Eurofighter 25,0
Drapeau des États-Unis États-Unis Boeing 21,2
Drapeau de la Russie Russie Sukhoï 8,5
Drapeau de la France France Dassault Aviation 5,4
Drapeau de la Suède Suède Saab 1,2
  Autres 4,9

Eurofighter est un consortium détenu par les sociétés britannique BAE Systems (33 %), italienne Leonardo (21 %) et franco-germano-espagnole Airbus (46 %).

Autres termes utilisés

Historiquement, les avions de chasse étaient répartis en plusieurs catégories comme les chasseurs de jour, chasseurs de nuit, chasseurs à long rayon d'action, etc. Ceci était justifié par les différences de performances et d'équipements nécessaires pour chacun de ces rôles. De nos jours, tous les chasseurs peuvent opérer de jour comme de nuit.

Juste après la Seconde Guerre mondiale sont apparus les premiers intercepteurs, souvent avec une autonomie moins importante qu'un chasseur traditionnel, leur mission se limitant à décoller, rejoindre l'adversaire et le détruire. On citera par exemple le English Electric Lightning ou le Vought F-8 Crusader.

Le terme d'avion de supériorité aérienne désigne généralement un avion plus polyvalent de type « chasseur lourd » comme le F-15 Eagle, le MiG-29 Fulcrum ou encore le Su-27 Flanker.

Notes et références

  1. « Avions de combat : Paris attend le choix de Brasilia avec sérénité », Les Échos,‎ .

Voir aussi

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Articles connexes

Liens externes

Bombardement stratégique

 
 
 
Bombes montées sous un biplan Gotha G-V de la Luftstreitkräfte en novembre 1917.

Le bombardement stratégique est un bombardement aérien qui a pour objet d'attaquer les structures militaires d'un ennemi, son complexe militaro-industriel et son économie en détruisant ses mines, ses usines, ses infrastructures. En détruisant ses villes et ses réseaux d'approvisionnement en vivres, il vise aussi à saper le moral de la population. Il se distingue ainsi du bombardement tactique pratiqué sur le champ de bataille et qui sert à appuyer ou couvrir un mouvement de troupes ou à détruire ou immobiliser les troupes adverses.

 
Bombardier italien Caproni Ca.33 de la Première Guerre mondiale.

Description

Dès le début de la Première Guerre mondiale, les avions et les Zeppelins sont utilisés pour larguer des engins explosifs sur l'ennemi. Environ un an après apparaissent les premiers avions spécialisés dans le bombardement. C'est l'apparition du bombardement tactique dont le but est de frapper directement les troupes ennemies, les points forts ou les équipements généralement à une distance relativement courte de la ligne de front : on dit alors qu'il est limité au « théâtre des opérations ».

Les bombardiers stratégiques sont donc de gros avions à long rayon d'action, capables de frapper très loin de grandes cibles (par exemple, une ville, un complexe industriel) derrière les lignes ennemies, tandis que les bombardiers tactiques sont plus petits et conçus pour toucher de petites cibles (par exemple, un véhicule blindé). Les bombardiers stratégiques attaquent plutôt les cibles comme les centres de commandement, bâtiments administratifs, usines, les chemins de fer, les installations de communication ou bien encore les raffineries de pétrole ou les villes, et ont pour but de gêner ou d'empêcher les communications et les approvisionnements adverses, ou de saper le moral de la population ennemie, soutien indispensable de l'armée présente au front. Le bombardement tactique attaque les concentrations de troupes, les matériels militaires, les aérodromes, les réserves de munitions. Il a pour rôle d'empêcher l'adversaire d'attaquer ou de se défendre, ou de contribuer à une offensive. En résumé, le bombardement tactique agit sur les forces armées de l'adversaire, le bombardement stratégique agit sur la structure socio-économique d'un pays. Ainsi, par exemple, l'emploi des armes nucléaires entre plutôt dans cette seconde catégorie.

 
Un des premiers raids de la 8th USAAF sur l'Allemagne, en 1943 avec un B-17. La cible est l'usine aéronautique Focke-Wulf de Marienbourg. La 8th perd 80 bombardiers et 800 hommes dans l'opération.

Origines : de La Haye à l'entre-deux-guerres

Conférences de La Haye de 1899 et 1907

 
Cratère d'une bombe de Zeppelin lâchée sur Paris pendant la Première Guerre mondiale.

Dès la première conférence de La Haye (1899), les puissances s'accordent toutes, à l'exception de la Grande-Bretagne, à signer une proposition interdisant pendant cinq ans « le lancement de projectiles ou de matériaux explosifs à partir de ballons ou d'autres engins volants »1. L'usage militaire d'aéronefs (montgolfières, zeppelins, etc.) avait en effet connu une première dès la bataille de Fleurus (1794), puis lors de la guerre de Sécession. À la fin du XIXe siècle, on commence alors à redouter l'usage de cette nouvelle arme, comme en témoigne l'importante littérature sur le sujet (cf. par exemple The Struggle for Empire (1900) de Robert W. Cole (en), La Guerre dans les airs de H. G. Wells, en 1907, Unparalled Invasion (1910) de Jack London, Easy as ABC de Rudyard Kipling, etc.) d'où ce moratoire.

Le principe de l'interdiction de la guerre aérienne est ré-affirmé lors de la conférence de La Haye de 1907, mais reste lettre morte : mis à part l'Autriche-Hongrie, les principales puissances refusent de signer la déclaration; en conséquence, personne ne la ratifie2. Néanmoins, la IVe Convention de La Haye (1907), encore en vigueur aujourd'hui, déclarait (art. 25): « Il est interdit d'attaquer ou de bombarder, par quelque moyen que ce soit, des villes, villages, habitations ou bâtiments qui ne sont pas défendus. »3. Au niveau juridique, toute la question repose donc sur la portée de l'expression « qui ne sont pas défendus ». L'expression « par quelque moyen que ce soit » inclut nécessairement les attaques aériennes.

C'est au nom de ces conventions que l'Allemagne fut condamnée lors du procès du tribunal arbitral Grèce-Allemagne (1927-1930) pour le bombardement des villes neutres de Salonique et Bucarest en 19164.

Premiers bombardements aériens en Afrique du Nord

 
Dirigeables italiens bombardant des positions ottomanes en Libye. La guerre de Libye (1911-12) fut la première guerre où des bombardements furent menés par des avions et des dirigeables5.

La guerre de Libye (1911-1912), opposant l'Italie à l'Empire ottoman, est la première où l'aviation est utilisée pour bombarder une ville, Tripoli, le 6. Le , le lieutenant Gavotti bombarde l'oasis d'Aïn Zara. , avec des grenades développées dans ce but, et sans faire de victime. Puis,[Quand ?] le village de Ben Carrich, village marocain au sud de Tétouan, est bombardé par les Espagnols, qui lancent pour la première fois par voie aérienne des bombes à fragmentation7.

De la Première à la Seconde Guerre mondiale : de l'élaboration de la théorie du bombardement stratégique à sa mise en pratique

Voir aussi Bombardement stratégique pendant la Première Guerre mondiale.

Pendant la Première Guerre mondiale, les attaques aériennes s'étaient essentiellement initialement limitées à des opérations de reconnaissance8, voire au mitraillage au sol, puis à des opérations de bombardements sur les concentrations de troupes, les gares et dépôts de munitions. L'Armée de l'air impériale russe forme le 23 décembre 1914 la première escadrille de bombardiers stratégiques Ilia Mouromets9. Des avions isolés, puis des dirigeables zeppelins et Schütte-Lanz puis des bombardiers allemands frappent ponctuellement Paris dès 1914 pour tenter de briser le moral de la population. L'Angleterre est touchée à partir de janvier 191510, Les raids à l'intérieur de la Grande-Bretagne sont menés par un total de 84 dirigeables qui effectueront un total de 51 raids tuant 557 personnes et perdront 30 appareils puis à partir du par des bombardiers Gotha G11. Londres est bombardée pour la première fois par avions lors de la troisième tentative, le 13 juin en début d'après-midi lorsque 18 bimoteurs du Kagohl 1 décollant de Gand frappent la capitale britannique sans résistance et font 162 tués et 426 blessés, le plus lourd bilan lors d'un raid12. Devant l'opposition de la chasse britannique qui rappela deux de ses meilleures escadrilles de chasse du Front de l’Ouest13, les Gotha sont obligés d'opérer de nuit après juillet 1917. À la suite du renforcement de la Royal Air Force et de l'intensification des barrages de ballons, ils cessent toute activité contre la Grande-Bretagne en mai 1918 après un total de 27 raids lors desquels 112 tonnes de bombes furent larguées, faisant 835 tués et 1 990 blessés, pour la perte de 60 appareils.

Les Gotha prirent une part importante dans la destruction d'un important nœud ferroviaire à Cernavodă qui permit aux Allemands de bloquer le ravitaillement et les renforts de troupes roumaines13.

En France, Dunkerque est une cible régulière et Paris est bombardé plusieurs fois en 1918 à la suite des percées allemandes sur le front de l'Ouest. Les dommages dans la capitale française sont de même ordre de grandeur que ceux provoqués par les Pariser Kanonen, l’artillerie à longue portée allemande pilonnant la ville, avec 244 morts contre 25614.

L'entre-deux-guerres vit l'élaboration d'une doctrine militaire du « bombardement stratégique », fondée sur le concept de guerre totale et qui préconisait l'anéantissement des capacités industrielles de l'ennemi, ce qui devrait permettre, en théorie, de gagner une guerre en quelques jours.

Ainsi, dans Il Dominio dell'Aria (1921, traduit en allemand en 1935, en anglais en 1942 et traduit intégralement en français en 2007 sous le titre La maîtrise de l'air), le général italien Giulio Douhet, commandant d'une escadrille de l'air en 1914-18, affirmait que sous l'effet de l'aviation, la guerre se voyait profondément transformée, rendant périmée la distinction entre combattants et civils. Puisque l'usage du gaz moutarde, qui pouvait être diffusé par voie aérienne, représentait une menace terrible, contre laquelle on ne pouvait se défendre, il fallait, selon ce premier théoricien des bombardements stratégiques15, prôner une attaque préventive, fondée sur le bombardement des villes et centres vitaux16. Dès 1915, le mathématicien britannique Frederick Lanchester avait soutenu des thèses analogues dans Aircraft in Warfare, affirmant : « La capacité d'anéantir les villes ennemies est nécessaire comme argument de dissuasion »17. Une telle position devint célèbre lorsque Stanley Baldwin, l'un des chefs des tories britanniques, déclara devant le Parlement, le , qu'aucune puissance ne pouvait protéger l'homme de la rue du bombardement aérien, et que dès lors la seule défense résidait dans l'attaque : son discours devint célèbre par la phrase The bomber will always get through.

Liddell Hart, qui deviendra un critique virulent du bombardement aérien lors de la Seconde Guerre, ou Billy Mitchell, théorisent également le bombardement aérien, Mitchell y voyant un moyen d'assurer la paix en matant rapidement les rébellions (Winged Defense, 1925, qui fait allusion aux opérations britanniques en Irak)18. Mitchell avait notamment dirigé les opérations aériennes lors de la bataille de Saint-Mihiel (septembre 1918), romantisé au cinéma dans Les Ailes (1927) de W. Wellman, et qui impliquèrent 1 500 avions.

Les conflits coloniaux des années 1920, un terrain d'expérimentation

Ces théories sont mises en pratique lors des conflits coloniaux de l'entre-deux-guerres, et ce dès 1919, lors de la guerre britannique au Somali contre le mollah Mohammed Abdullah Hassan. La Grande-Bretagne avait déjà bombardé les Pachtounes, en Inde (dans l'actuelle frontière du Nord-Ouest pakistanaise) en 1915 ; les bombardiers furent aussi utilisés au Darfour, en 1916, puis en juin 1917, pour réprimer la révolte de Mashud, près de l'Afghanistan19. En 1919, Arthur Harris, qui sera surnommé « Harris le boucher » ou « le bombardier » en 1939-45, commande une escadrille aérienne lors de la troisième guerre anglo-afghane, et bombarde Dacca, Djalalabad et Kaboul20.

En 1920, c'est au tour d'Enzeli, en Iran, d'être bombardé, avant la répression, par voie de bombardements aériens, d'une révolte en Transjordanie britannique21. En 1925, c'est Chefchaouen, au Maroc, qui est bombardé par l'Espagne lors de la guerre du Rif, opération à laquelle participe Franco22. Puis Hama, Suayda et Damas (1 000 victimes le ), bombardés par les Français lors de la grande révolte syrienne23.

Le bombardement aérien devient pratique courante pour maintenir l'ordre dans les colonies, comme l’ont subi des Hottentots en 1928, par exemple lors de la révolte de Bonderlzwat en Namibie24.

La Conférence du désarmement de 1932

La Conférence du désarmement de 1932, menée à la Société des Nations, aborde le sujet, chargeant une commission de juristes de rédiger un texte sur Les règles de la guerre aérienne 4.

L'Allemagne propose l'interdiction totale des bombardements, avant de s'aligner sur la doctrine américaine, qui suggère de le limiter au « théâtre des opérations », c'est-à-dire, en jargon militaire, au « bombardement tactique » 25. L'inconvénient de cette position est qu'elle profite à l'agresseur, puisque les bombardements ne seraient autorisés que là où se déroulent les combats, ce que les petits pays (Suisse, Pays-Bas, Belgique) soulignent. La Grande-Bretagne défend l'interdiction totale, sauf dans le cadre d'actions policières dans des régions lointaines, c'est-à-dire lorsqu'il s'agit de l'Empire britannique 25. En mars 1933, on étudie le principe de l'interdiction des bombes incendiaires, dans la continuité de l'interdiction des armes chimiques et bactériologiques adoptée lors du protocole de Genève (1925) 25. Mais l'arrivée d'Hitler au pouvoir met fin aux discussions, l'Allemagne démissionnant en octobre 1933 de la SDN.

De la guerre d'Éthiopie à la guerre d'Espagne : les préludes européens à la Seconde Guerre mondiale

L'Italie fasciste utilise massivement le bombardement aérien, couplé au gaz moutarde, lors de l'invasion de l'Éthiopie (1935-36)26. Celui-ci est à nouveau massivement expérimenté lors de la guerre d'Espagne, avec le bombardement de Guernica du , mais aussi de Madrid, avec l'appui, également, de la Légion Condor, de Barcelone, auxquels participent l'Aviazione Legionaria italienne et les chasseurs allemands Heinkel He 51 (plus d'un millier de morts en mars 1938), de Durango, etc.

Ce sont également les débuts du bombardement en piqué, massivement utilisés pendant la Seconde Guerre mondiale.

La Seconde Guerre mondiale

L'invasion de la Chine

 
Enfant chinois pleurant dans les décombres de Shanghai après le bombardement de la ville par le Service aérien de la Marine impériale japonaise le 28 août 1937.

Le quartier général impérial japonais autorisa de 1937 à 1945 le bombardement stratégique des villes chinoises lors de la guerre sino-japonaise de 1937-45, qui devint à partir de l'attaque de Pearl Harbor du l'un des théâtres d'opération de la Seconde Guerre mondiale. Les raids furent exécutés de façon indépendante par le Service aérien de l'Armée impériale et celui de la Marine. Le bombardement de Shanghai et ceux de Chongqing, qui subit pas moins de 268 raids entre 1939 et 1942, causant la mort de plus de 5000 civils au cours des deux premiers jours, furent parmi les plus destructeurs27.

Quelques mois après Guernica, la violence des bombardements à l'encontre de Nanjing et de Guangzhou, à l'automne 1937, où les bombes incendiaires visaient principalement des objectifs civils, entraîna une résolution de blâme du Comité de conseil pour l'Extrême-Orient de la Société des Nations à l'encontre du Japon. Lord Cranborne, sous-secrétaire d'État aux Affaires étrangères de Grande-Bretagne, déclara : « Les mots ne peuvent exprimer le sentiment de profonde horreur avec lequel la nouvelle de ces raids a été reçue par le monde civilisé. Ils sont souvent dirigés contre des endroits éloignés de la zone d'hostilité réelle. L'objectif militaire, s'il existe, semble prendre une place secondaire. Le but principal semble être d'inspirer la terreur par le massacre des civils28... ».

Début de la guerre en Europe

Contrairement aux Britanniques, le Troisième Reich abandonna au début l'idée de produire des bombardiers stratégiques. Après avoir intégré la Luftwaffe à l'armée et à la suite des expériences de la guerre d'Espagne, Berlin décida d'utiliser ses bombardiers comme artillerie aéroportée accompagnant les troupes au sol, escortés de chasseurs. Les Stukas allemands et les bombardiers de classe moyenne étaient très efficaces pour cette mission, quoique peu véloces dans le combat aérien. L'Allemagne utilisa des bombardiers moyens dès l'invasion de la Pologne, bombardant Varsovie en septembre 1939 (près de 20 000 morts). Le bombardement de Rotterdam () fit près d'un millier des morts et des destructions considérables, menant à la capitulation des Pays-Bas le lendemain.

L'aviation soviétique, bien qu'ayant la plus grande force de bombardiers alors en service dans les années 1930, n'a guère eu de succès lors de ses raids contre la Finlande en 1939 durant la guerre d'Hiver puis en 1940 pendant la guerre de Continuation29.

Lorsque la guerre commença, la France, le Royaume-Uni et l'Allemagne se lancèrent dans le bombardement stratégique. Déchirée par des conflits internes, l'Armée de l'air française était incapable d'employer correctement ses nombreux avions modernes.

Après la reddition de la France, ce fut la bataille d'Angleterre. La majeure partie de la bataille fut presque entièrement tactique : la Luftwaffe devait préparer la voie pour l'invasion par l'armée de terre, ou à défaut détruire les capacités de résistance de la Royal Air Force (RAF) afin d'amener Londres à conclure une paix négociée.

Le Commandement des Bombardiers de la Royal Air Force fut autorisé à attaquer des cibles allemandes à l'est du Rhin le 15 mai 1940; le ministre de l'Air autorisa le maréchal de l'Air Charles Portal à attaquer des cibles dans la Ruhr, comprenant des installations pétrolières et autres cibles industrielles civiles participant à l'effort de guerre allemand, comme les hauts-fourneaux (auto-éclairants la nuit)30,31.

Après le bombardement le du centre historique de Munich, l'Allemagne répliqua en visant six jours plus tard Londres32, et ensuite Liverpool, Bristol, Belfast et Cardiff, toutes durement touchées.

Le bombardement de villes entières visait à terroriser la population - le terme de bombardement de terreur, ou terrorangriffe, avait été forgé par Goebbels pour qualifier les bombardements de zone des Alliés. Le Royaume Uni et l'Allemagne visent tous deux les installations stratégiques - d'où le terme de bombardement « stratégique » -, lesquels sont souvent situées au sein des villes, mais aussi le moral de l'arrière. Le bombardement de Coventry (14-15 novembre 1940), au cours duquel 450 tonnes de bombes explosives et incendiaires auraient été larguées, détruisant plus de 4 500 habitations, endommageant plus des deux-tiers des bâtiments, et tuant plusieurs centaines de personnes, a été considéré, de ce point de vue, comme l'un des raids aériens allemands les plus réussis de la guerre33. « Pourtant, selon Sven Lindqvist, qui souligne ce point, la production industrielle de la ville ne diminue que d'un tiers. Et au bout d'à peine un mois, elle est entièrement remise sur pied33. »

Peu à peu, devant faire face à de nombreuses pertes d'avions, aux canons de DCA et aux accidents, la Luftwaffe s'engagea dans des bombardements nocturnes.

Les Britanniques avaient commencé avant la guerre à mettre à sur pied un réseau de radars, le Chain Home, qui joua un rôle important dans l'organisation défensive du pays. Chez les Allemands, les scientifiques improvisèrent des aides par radionavigation afin d'aider les pilotes à trouver leurs cibles dans le noir. Enfin, le travail des casseurs de codes à Bletchley Park permit aux Britanniques de prévenir les attaques en surveillant leurs transmissions et donc de concentrer leurs défenses aux endroits visés.

La revanche britannique

 
Bombardement américain sur Bécon-les-Bruyères dans la banlieue parisienne, visant une usine de roulement à billes et des dépôts de pièces détachées pour moteur Hispano-Suiza, .
1:37CC
 
Film de propagande des Alliés, à propos du bombardement de Hambourg (juillet-août 1943).

Les Britanniques répliquèrent avec leur propre campagne de bombardements nocturnes mené par la Royal Air Force Bomber Command qui commença symboliquement en 1940, puis de façon stratégique en 1942 avec le bombardement de Lübeck, pour culminer de façon massive à la fin de la guerre. Mais à cause d'une visée peu précise, ces campagnes eurent peu de succès, comme le montra le rapport Butt (en) d'août 1941, qui conduisit le député et savant A. V. Hill à déclarer, le :

« La baisse de production [industrielle] lors des pires mois du Blitz a été à peu près égale à celle observée lors des vacances de Pâques34... »

Deux mesures furent prises : au lieu de viser précisément des cibles particulières, les Britanniques se mirent à procéder à des bombardements dans des zones à forte concentration humaine, ce qui vise à faire le plus de dégâts matériels et à tuer le plus de travailleurs possibles, tout en cassant le moral des habitants. C'est la doctrine du « bombardement de zone » (area bombing), formalisée dans la Directive sur le bombardement de zone du 14 février 1942, qui, de fait, menait à la dissolution de la distinction entre civils et combattants. À la tête des opérations, l'Air Marshall Arthur Harris, surnommé « le Boucher »35. D'autre part, les équipages furent entraînés, les avions pourvus d'aides électroniques et une force d'« éclaireurs » fut créée afin de marquer les cibles pour les bombardiers Avro Lancaster. Selon le colonel Guisández Gómez (1998):

«  L’analyse stratégique reposait sur les prémisses suivantes :

  • pour envahir le continent, l’Angleterre avait alors besoin de 15 divisions blindées et de 70 autres divisions ;
  • le bombardement des villes allemandes de la Ruhr obligeait la chasse de la Luftwaffe à défendre le cœur de l’Allemagne, ce qui réduisait sa présence sur d’autres fronts, et en particulier sur le front russe ;
  • les batteries antiaériennes allemandes étaient polyvalentes : on les utilisait également contre des chars et des véhicules blindés. Le bombardement des grandes villes allemandes impliquait que les batteries antiaériennes se retirent du front pour se déployer autour des villes4. »
 
Le barrage de Möhne, dans la Ruhr, le , lendemain de l'Opération Chastise.

Pour guider les groupes de bombardiers, les Anglais développèrent des techniques de radionavigation, en particulier le système OBOE. Les émetteurs étant situés en Angleterre, la précision baissait fortement lors des bombardements à longue distance. Le système GEE, puis LORAN (Long Range Navigation - encore utilisé aujourd'hui en tant qu'appareil de secours en cas de panne du système GPS), permet d'améliorer celle-ci : des chasseurs-bombardiers Mosquito larguent des fumigènes éclairants sur la cible, suivis par plusieurs vagues de bombardiers36. L'escorte est constituée des nouveaux chasseurs d'escorte à très long rayon d'action, tels le P-38 Lightning et le P-51 Mustang.

 
L'Avro Lancaster devient le fer de lance du Bomber Command comme lors du bombardement de Dresde.

Les bombardiers quadrimoteurs lourds étaient produits en série au Royaume-Uni, dans une telle proportion que d'autres secteurs vitaux de l'industrie d'armement manquaient de ressources. Jusqu'en 1944, les effets de ces bombardements sur la production allemande étaient relativement faibles et ne justifiaient pas cette mobilisation des ressources. Mais cet effet devint de plus en plus significatif : chaque destruction allégeait quelque peu la tâche des Soviétiques sur le Front de l'Est. Pour les bombardements de nuit britanniques, 40 % des équipages localisaient leur cible [réf. nécessaire].

Fin 1942, les États-Unis entrèrent sur le théâtre européen des opérations, initiant leur propre campagne de bombardements stratégiques diurnes avec la 8th USAAF, puis, à partir de 1943 en Méditerranée, avec la 15th USAAF. Contrairement à Londres, Washington refuse la doctrine du « bombardement de zone », préconisant au contraire le « bombardement de précision ». Néanmoins, ces campagnes demeuraient extrêmement meurtrières pour les civils, souvent situés à côté des installations militaires visées.

Les régions industrielles comme la Ruhr (avec l'opération Chastise de mai 1943, au cours de laquelle on inventa la « bombe rebondissante » afin de détruire des barrages de la Ruhr, inondant la vallée), les zones de production d'hydrocarbures dans le cadre de la campagne de bombardements contre les ressources pétrolières de l'Axe, ainsi que les villes comme Hambourg (lors de l'opération Gomorrah en juillet 1943) puis Dresde (février 1945) subirent ces « tempêtes de feu » faisant chaque fois des milliers, voire des dizaines de milliers de morts, essentiellement parmi les civils. L'« attaque aérienne contre Hambourg, écrit Sven Lindqvist, a tué plus de personnes que l'ensemble des frappes aériennes allemandes contre toutes les villes anglaises visées »37, avec environ 50 000 morts, la plupart ayant été tués la nuit du 37. Mais dès janvier 1944, la production industrielle de Hambourg est rétablie à 80 %38. Le bombardement de Dresde fit entre 25 000 et plus de 100 000 victimes, selon les estimations ; la température montant à plus de 1 000 degrés 39. L'un des rares critiques du bombardement de zone, aux côtés de l'évêque et Lord George Bell et de son camarade Alfred Salter, le député travailliste Richard Stokes déclare alors :

« Mis à part le bombardement stratégique, sur lequel j'ai des doutes très sérieux, et le bombardement tactique, que j'approuve s'il est effectué avec une précision raisonnable, le bombardement de terreur est, à mon avis, indéfendable, en quelque circonstance que ce soit40. »

En tout, les bombardements des Alliés contre l'Allemagne firent 500 000 victimes civiles 41. Pour la seule année 1943, les Alliés déversèrent 180 000 tonnes de bombes sur l'Allemagne 42.

Chez les Alliés, les pertes aériennes furent lourdes : lors du bombardement de Nuremberg, des centaines d'appareils furent perdus, pas moins de 44 % des pilotes engagés dans ces opérations y perdirent la vie [réf. nécessaire]. 56 000 pilotes britanniques furent tués au champ de bataille 41. Selon S. Lindqvist, « le fait de guerre le plus important du Bomber Command a peut-être été, justement, d'obliger les Allemands à investir autant de ressources dans la défense de leurs villes 41 ».

Les pays occupés par l'Axe furent aussi bombardés pour gêner l'industrie de guerre et les communications ennemies. Plus de 67 000 Français ont été victimes de ces raids (un millier en 1942, près de 5 500 morts en 1943 dont la moitié pour le seul mois de septembre et toutes les autres victimes au cours de l'année 1944 et particulièrement en mai) lors des pilonnages intensifs contre les réseaux ferroviaire et lors de l'opération Chattanooga Choo-choo43, qui précédèrent le débarquement de Normandie44.

À la fin de la guerre, l'Allemagne lança les premiers missiles balistiques de l'histoire, les V2, relativement proches des futurs Scuds. À puissance destructrice égale, ceux-ci étaient cependant beaucoup plus chers à fabriquer que les bombardiers et les munitions nécessaires pour des opérations plus classiques.

Auschwitz, enfin, ne fut guère ciblé, malgré les demandes de la communauté juive américaine au printemps 1944. Un long débat historique s'ensuivit. Le , un raid vise Monowitz, une usine de fabrication de caoutchouc synthétique à quelques kilomètres du camp d’Auschwitz. Certaines bombes tombent sur le camp, tuant accidentellement une dizaine de déportés, mais démontrant aussi la possibilité de détruire le camp ou les voies ferroviaires y menant. En 2008, au cours d'une visite au Mémorial de Yad Vashem, le président George W. Bush aurait déclaré, de façon informelle, à sa conseillère Condoleezza Rice : « Nous aurions dû bombarder » [Auschwitz]45.

Campagnes du Pacifique

 
Boeing B-29 Superfortress dans un lâcher de bombes sur le sol du Japon en 1944 ; cet avion était le seul détenant un rayon d'action suffisant pour frapper l'archipel depuis les îles alors sous contrôle américain ou depuis la Chine.

Après l'attaque de Pearl Harbor (), qui achève de joindre les théâtres européen et asiatique, déjà liés par les accords diplomatiques, la guerre devient effectivement mondiale. Au début, les B-17 américains sont stoppés par les chasseurs nippons. Il faut ainsi attendre 1944 et le B-29 Superfortress, premier bombardier stratosphérique doté de plus d'un long rayon d'action, pour pouvoir effectuer des bombardements importants sur les villes japonaises. Le général Curtis LeMay utilisa les bombes incendiaires et introduisit l'emploi du napalm sur les maisons de bois de Tokyo le par un raid massif ("carpet bombing" : tapis de bombes, sans distinction des objectifs civils, militaires, économiques etc...). Plus de la moitié de la capitale fut détruite lors des bombardements de février-mars 1945 (environ 100 000 victimes lors de la tempête de feu qui s'ensuivit, soit plus qu'à Dresde ou Hambourg). Nagoya, Ōsaka et Kobe furent également détruites.

Bien que n'ayant reçu lors d'une relativement brève campagne de bombardement qu'aux alentours de 160 000 tonnes de bombes, soit un dixième du tonnage de munitions largués lors des diverses campagnes de bombardement de cette guerre, le Japon comptabilise 58 % des 860 000 victimes civiles tuées en Allemagne, Royaume-Uni et Japon par des bombes lors de la guerre46.

Controverses sur les bombardements de la Seconde Guerre

L'exemple du bombardement de Dresde en février 1945, en est l'exemple typique : le but du commandement était réellement d'anéantir une ville (le bombardement fit plus de 35 000 morts en quelques nuits), pensant avancer ainsi de quelques mois la fin de la guerre. Winston Churchill explicita les intentions de ces bombardements dans la première version (28 mars 1945) d'une lettre au général Ismay : « Il me semble que le moment est venu de revoir la question des bombardements de villes allemandes pratiqués à seule fin d'augmenter la terreur, bien que sous d'autres prétextes47. »

Les bombardiers anglo-saxons détruisant Dresde procédaient par tapis de bombes : volant en formation serrée et larguant leurs bombes en même temps indistinctement, afin d'aplatir la ville. Inutile de préciser la terreur ressentie par la population sous un tel déluge de feu et d'acier48 ; cependant celle-ci semble avoir été plus résolue après qu'avant le bombardement.

L'impact des attaques délibérées des centres urbains fait débat, qui est l'aspect le plus critiqué des opérations alliées quant à leur efficacité rapportée à leur coût humain et culturel. Dès 1940, les raids de la Luftwaffe sur le Royaume-Uni, qui renforcèrent plutôt la détermination des Britanniques à résister, auraient dû semer le doute sur cette méthode. Les bombardiers du maréchal Harris commencent à frapper massivement le Reich à partir de 1942, avec des moyens à côté desquels ceux du terrible blitz de 1940 semblent bientôt dérisoires. Au total, 1 350 000 tonnes de munitions ont été lâchées sur l'Allemagne entre 1942 et 1945, soit, si l'on retranche l'acier, 450 000 tonnes d'explosif, ce qui représente l'équivalent en puissance de 25 fois la bombe atomique lâchée sur Hiroshima.

Il y eut environ 300 000 victimes civiles49 et 150 villes détruites aux deux tiers, aux trois quarts ou aux quatre cinquièmes ; la ville de Berlin est en grande partie détruite, le centre-ville un désert de ruines. En 1945, 20 % des logements sont dits « inhabitables », ce qui est un taux relativement faible par rapport à d'autres cibles de l'aviation britannique. Les bombardements alliés se sont concentrés sur les quartiers centraux, mais ont épargné volontairement des zones proches des aéroports que l'on souhaitait utiliser après la fin des hostilités.

La notion d'« objectif militaire légitime » fut ainsi étendue jusqu’à être vidée de son sens : l'exemple de Dresde, illustre ville d'art incendiée le 13 février 1945 alors que le sort du régime hitlérien ne faisait plus guère de doute, est le plus connu (cette opération détient le record historique du plus grand nombre de personnes tuées en une fois en un même lieu, selon l'historien militaire américain Lt. Col. Mark A. Clodfelter, si l'on excepte les bombardements sur le Japon). Dresde, avant guerre, avait à peu près la réputation de Venise ou de Prague en matière culturelle.

Parmi les autres raids dont l’utilité est remise en cause, on peut citer ceux sur Pforzheim, le 23 février suivant, ville sans importance militaire réputée pour son horlogerie et ses églises, ou le 16 mars sur Wurtzbourg, vieille cité épiscopale baroque regorgeant de richesses artistiques, ou encore sur Potsdam, faubourg huppé de Berlin, équivalent de Versailles en France, attaqué quinze jours avant la fin du conflit, épargnant les châteaux[réf. nécessaire].

Les plus importantes atteintes au patrimoine furent ainsi concentrées dans les quatre derniers mois du conflit.

La volonté de satisfaire une opinion publique britannique assoiffée de représailles est démentie par des sondages effectués sur l'opportunité de ces attaques indiscriminées montrant que c'était ceux qui ne les avaient point subis en 1940 (les provinciaux) qui étaient les moins enclins au fair-play50.

 
Nuage nucléaire au-dessus de Nagasaki, après le largage d'une bombe atomique par les États-Unis. La photo a été prise à partir de la ville de Koyagi-jima située à 10 km.

Enfin, dernier débat : les attaques diurnes de cibles purement industrielles par les B-17 Flying Fortress américains pouvant voler hors de portée de la Flak auraient, des enquêtes ultérieures semblent le prouver, aussi bien contribué à la victoire que les raids britanniques de terreur. Néanmoins la « précision » américaine laissait à désirer. On a affirmé que les Américains ont fait moins de victimes civiles que les raids commandés par Harris, mais rien n'est moins sûr.

Il ne faut pas non plus négliger l'influence des lobbies industriels et militaires : il y avait bien, alors, un véritable lobby du bombardement sur zone, grand consommateur de munitions, produites, larguées sur les villes allemandes et... dûment facturées au Ministère de la Défense. Enfin Harris était aux commandes, une méthode arrêtée, mise en œuvre et poursuivie : il est très hasardeux de changer constamment de stratégie. Enfin la désignation d'objectifs ennemis, simples taches sur une carte, devient vite une routine, une ville suivant l'autre au gré des ordres de mission et des conditions météo. D'ailleurs, vers la fin de cette campagne, le seul motif pour lequel une ville était désignée comme objectif n'était plus guère que le seul fait qu'elle « n'avait pas encore » été attaquée)51.

Il faut rappeler, par souci d'équité, que l'impréparation des technocrates et des stratèges alliés consista aussi à envoyer le soldat britannique dans de très dangereuses missions, sans trop se poser de problèmes de sécurité opérationnelle : 10 % des victimes de ces bombardements sont des aviateurs britanniques, soit plus de 55 000 morts, dont certains, cueillis au sol par des civils assoiffés de vengeance, furent parfois lynchés dans des conditions atroces.

La reconstruction architecturale en Allemagne après la Seconde Guerre mondiale, malgré les énormes dégâts, se fit toutefois relativement rapidement en Allemagne de l'Ouest.

 

Postérité : du bombardement de zone au bombardement de précision ?

 
Plan du raid du 26 décembre 1972 sur Hanoï dans le cadre de l'opération Linebacker II. L'utilisation de B-52 pour obtenir un objectif politique précis a été un succès cette fois-ci.
 
Prototype de bombardier Soukhoï T-4 supersonique soviétique durant la guerre froide destiné à l'aviation à long rayon d'action. Ce projet ambitieux fut comme bien d'autres abandonné en raison de contraintes techniques et financières.
 
Une petite partie des Strike Eagles de l'USAF durant la guerre du Golfe de 1991, ces chasseurs-bombardiers biplace entrés en service en 1986 transportent une charge offensive pouvant dépasser les 10 tonnes contre 3 tonnes pour le Boeing B-17 Flying Fortress avec une précision démultipliée.
 
Test de la première bombe guidée par GPS le 10 février 1993 sur Eglin AFB. L'objectif souhaité par les militaires est une cible, une bombe au lieu des tapis de bombes autrefois nécessaires pour détruire un objectif.

Dès la signature de l'armistice le 8 mai 1945, les opérations de bombardement stratégique reprennent, en commençant par les massacres de Sétif et Guelma en Algérie, suivies du bombardement de Damas en 1945 ordonné par le général Oliva-Rouget. En août, c'est au tour d'Hiroshima et Nagasaki d'être détruits par les premières bombes atomiques de l'histoire, ouvrant l'ère de l'équilibre de la terreur et de la dissuasion nucléaire. Cela fut suivi de la bombe H (1952) puis du premier missile balistique intercontinental (Spoutnik en 1957) et des sous-marins nucléaires lanceurs d'engins avec les missiles Polaris. Si Hiroshima et Nagasaki pouvaient encore être considérés comme du bombardement de zone, la puissance massive développée par la suite empêchait toute identification de l'usage du nucléaire avec le bombardement de zone.

La dissuasion nucléaire et la poursuite du bombardement de zone jusqu'aux années 1980

Le caractère démesuré de la puissance nucléaire, regroupée aux États-Unis dans le Strategic Air Command, conduisait à rendre inutilisable les bombardiers nucléaires, à moins de risquer l'anéantissement de pays entiers, théorisé dans la « destruction mutuelle assurée » (MAD). La crise des missiles de Cuba, en 1962, renforce l'idée de l'impossibilité éthique d'utiliser la force nucléaire, laquelle continue à exister en tant que « force de dissuasion nucléaire ». Les conflits continuent donc à faire appel aux armes conventionnelles, qui sont perfectionnées, tant par le progrès aéronautique, avec les bombardiers intercontinentaux, tels le Convair B-36 Peacemaker (dont le nom est un condensé idéologique) ou les B-52, que par le progrès en matière d'explosifs, avec le développement du napalm, de bombes-gigognes (ou armes à sous-munitions, des armes anti-personnel, à l'instar de la bombe CBU-24 utilisée au Viêt-Nam) ou des bombes à fragmentation, des armes thermobariques comme le Fuel-Air Explosive (émettant un gaz incendiaire), etc.

Au cours de la guerre froide, la quantité de bombes lancées explose. Selon Sven Lindqvist :

« Pendant la Seconde Guerre mondiale, les États-Unis ont largué au total deux millions de tonnes de bombes. En Indochine, on a largué au moins huit millions de tonnes de bombes, avec une puissance explosive d'environ six cent quarante fois Hiroshima.

Pendant la Seconde Guerre mondiale, 70 % des bombes américaines étaient dirigées contre des objectifs isolés, et seulement 30 % contre des zones entières. En Indochine, le bombardement de zone est passé à 85 %. En Allemagne et au Japon, on a lancé vingt-six kilos de bombes à l'hectare. En Indochine, cent quatre-vingts kilos.

Le Sud-Viêt Nam a pris le plus gros. À la fin de la guerre, il restait dix millions de cratères de bombes sur une superficie totale de cent mille hectares.

Pourtant, les représailles flexibles ont échoué. Les bombes ont prolongé la guerre, mais elles n'ont pas pu en modifier l'issue. Le , le régime de Saigon tombe52. »

De 14 000 tonnes de napalm larguées par les États-Unis, principalement contre le Japon, on passe à 32 000 tonnes lors de la guerre de Corée lancées par l'US Air Force, et à 373 000 tonnes d'un napalm perfectionné au Viêt-Nam53.

Progressivement, le bombardement de zone est remis en question. Les stratèges militaires avaient surestimé les dommages que pourraient causer une poignée de bombardiers et sous-estimèrent la résistance des populations, ce qui fut démontré lors de la Seconde Guerre mondiale et surtout lors de la décolonisation et des conflits liés à la guerre froide, comme la guerre de Corée ou la guerre du Viêt-Nam, avec en particulier l'échec de l'opération Rolling Thunder (1965-68).

On ne pouvait concevoir qu’un bombardement quantitatif (« tapis de bombes »), avec un rendement unitaire très faible et un coût économique très important. En fait, les nombreux conflits liés à la décolonisation ou/et à la guerre froide (de la guerre de Corée à la guerre du Viêt-Nam, en passant par la rébellion Mau Mau au Kenya, la guerre en Malaisie (1948-60), la guerre d'Algérie ou l'insurrection malgache de 1947), caractérisés par un usage massif du « bombardement stratégique », couplé au napalm, en particulier sous la forme du « bombardement de zone » ou « tapis de bombes », ont montré que même la destruction massive du territoire et des populations ne suffisait pas à gagner la guerre et encore moins à anéantir le moral de la population, en raison des facteurs politiques tant des régimes en guerre (rôle de l'opinion publique dans les démocraties, etc.) que de la nature même du conflit (droit à l'autodétermination des peuples).[réf. nécessaire] Si le bombardement stratégique faisait la preuve indéniable de ses capacités de destruction, celles-ci ne suffisaient pas à remporter la guerre. Dès 1942, Alexander de Seversky avait affirmé :

« Curieusement, l'une des caractéristiques de l'arme la plus moderne est qu'elle trouve son efficacité maximum quand elle est utilisée contre les civilisations les plus modernes54. »

On vit réapparaitre à partir des années 1970 les frappes par missiles balistiques. La première utilisation a lieu lors de la guerre du Kippour lorsque les forces armées égyptiennes lancèrent trois Scud-B le en direction de ponts israéliens. Ils étaient les premiers missiles balistiques tirés en opérations depuis 194555.

Le nom du Scud reste associé aux deux guerres du Golfe. Son usage fut particulièrement terrifiant pendant la « guerre des villes » entre le 29 février 1988 et le 20 avril 1988, où l'Iran et l'Irak utilisèrent 900 missiles sol-sol dont environ la moitié était des Scud dotés d'ogives « conventionnelles » contre les centres de population56.

Le premier Scud tiré durant la guerre guerre Iran-Irak fut tiré par l'armée irakienne le 27 octobre 1982 contre la ville de Dezful. En 1985, plus d'une centaine sont tirés par l'Irak à partir du 5 mars, début officiel de la « guerre des villes »57. L'Iran ayant reçu des Scud par la Libye, les confia au Corps des Gardiens de la révolution islamique qui les utilisa à partir du 12 mars 1985, le pays utilisera également des missiles provenant de Corée du Nord puis des Hwasong-5 puis -6 produits par une usine construite avec son aide. 632 missiles Scud et dérivés auront été tirés durant le conflit, dont 361 par les Irakiens et 271 par les Iraniens58.

 
Tracteur-érecteur-lanceur de l'armée afghane en 2004.

À la même époque, les forces soviétiques utilisèrent des Scuds durant la guerre d'Afghanistan à partir de 1985 puis la République démocratique d'Afghanistan utilisera entre 1 700 et 2 000 missiles durant la guerre civile Afghane entre 1989 et 1992, ce qui en fait le plus gros utilisateur de missile balistique de l’Histoire59. L'armée gouvernementale afghane commence ses tirs le avec un pic de 11 lancements lors de la journée du 6 juillet 1989, ceux-ci dureront jusqu’à fin 1991 faisant plusieurs milliers de victimes60.

 
Missiles Al-Hussein irakiens en 1989.

Les Scuds furent utilisés par l'Irak pendant la guerre du Golfe contre l'Arabie Saoudite et contre Israël, certaines sources[Lesquelles ?] indiquent de 81 tirs (sans compter les longs feux) à 93 tirs (comprenant les longs feux), d'autres[Lesquelles ?] indiquent jusqu’à 120 tirs. Leur imprécision évita des dégâts majeurs, l'incident le plus dramatique pour la Coalition durant ce conflit a lieu le 25 février 1991 lorsqu'un Al-Hussein tomba sur un cantonnement près de l’aéroport de Dhahran tuant 28 militaires américains et blessant une centaine d'autres. 2 F-15 stationnés sur l'aéroport furent endommagés lors d'un autre tir61.

Plus de 40 ogives sont tirées sur des zones urbaines en Israël62, qui n'entraînèrent qu'une perte humaine indirecte, celle d'un enfant arabe israélien asphyxié par son masque à gaz. Israël n'a pas répondu aux attaques.

L'Iran utilisa de nouveau ses missiles en visant des sites de l'organisation des moudjahidines du peuple iranien basés en Irak. 4 missiles en 1994, 3 en 1999, et une vague de 66 missiles tirés à partir de 17 véhicules de transport et de lancement entre 4 h 15 et 7 h 30 le 18 avril 2001 causant des dégâts considérables aux localités de Jalula, Al-Mansuriya, Al Khalis, Bagdad, Kut, Amara et Bassora, entraînant la mort de nombreux civils63.

Ils furent également utilisés en nombre durant la guerre civile au Yémen de 1994 par les deux parties.

Les forces armées de la Fédération de Russie l'emploient durant la première (1994) et la seconde guerre de Tchétchénie (1999), ainsi que son successeur, le SS-21 Scarab, uniquement durant la seconde guerre en 1999. On estime à plus de 100 le nombre de missiles tirés durant ces conflits.

Le passage aux bombardements de précision ?

 
Photographie aérienne réalisée après le bombardement afin d'attester des dommages sur le dépôt d'armes de Sremska Mitrovica dans le cadre de la guerre du Kosovo au printemps 1999.

En 1977, un protocole aux Conventions de Genève de 1949 interdit l'usage du « tapis de bombes » ou area bombing, (art. 51-5(a) du Protocole 1), qualifié d'« attaque non-discriminée » contre les civils64. Un langage similaire fut utilisé par la Cour européenne des droits de l'homme à propos du bombardement de Katyr-Yurt (2000)65, dans le cadre du conflit tchétchène (qui n'est techniquement pas une « guerre »).

L'art. 56 du Protocole, intitulé « Protection des ouvrages et installations contenant des forces dangereuses », et qui évoque explicitement « les barrages, les digues et les centrales nucléaires de production d'énergie électrique », remet en cause des opérations analogues à l'opération Chastise (1943)66. Par ailleurs, la Convention pour la protection des biens culturels en cas de conflit armé de 1954 protège le patrimoine historique 4.

Lors de la seconde guerre du Golfe, le protocole de 1977 n'avait cependant toujours pas été ratifié par les États-Unis, la France, le Royaume-Uni, Israël, l'Iran et l'Irak4. Les années 1990 voient l'avènement des armes guidées avec précision et tirées à grande distance : la conception quantitative a cédé la place à une conception qualitative.

Les premières bombes guidées, ou smart bombs, avaient été développées par l'Allemagne nazie (les Henschel Hs 293 A et les Fx 1400 Fritz X, dotées d'ailerons) et les États-Unis (la Bat, à partir de 1944, et l'Azon). Munies d'un système de guidage par radar, elles demeuraient rudimentaires et ne changeaient pas la stratégie globale adoptée. D'autres techniques de précision avaient également été inventées lors de la Seconde Guerre, comme le viseur Norden, utilisé jusqu'au Viêtnam. L'opposition entre bombes guidées et bombes gravitaires, ou entre dumb et smart bombs, qui permettraient de distinguer clairement le bombardement stratégique de zone du bombardement de précision, n'est pas aussi tranchée qu'on le dit : quel que soit le type de bombe ou d'avion, l'augmentation de la précision a été un objectif constant des ingénieurs. Si un tel dualisme doit donc être relativisé, il est clair que des réels progrès techniques ont été effectués. Néanmoins, malgré ces progrès, les forces armées, y compris celles appartenant aux pays les plus riches, continuent d'utiliser des bombes anciennes et de l'équipement datant du Viêt-nam, voire parfois de la Seconde Guerre mondiale.

À partir des années 1960, on commence à développer les bombes guidées par laser, tels le Paveway, nom générique pour la version américaine. Celles-ci sont utilisées au Viêtnam, les B-52 Stratofortress utilisant des bombes guidées et les F-4 Phantom II des bombes laser (les F-4 étaient aussi utilisés pour la reconnaissance ou le combat aérien). Ainsi, selon l'USAF (1991):

« Durant la Seconde Guerre mondiale il fallait 9 000 bombes pour toucher une cible de la taille d'un abri pour avion. Au Viêtnam, 300. Aujourd'hui nous pouvons le faire avec une munition guidée par laser tirée depuis un F-11767. »

 
Un Tu-160 de l'aviation à long rayon d'action russe large un missile de croisière Kh-101, version furtive du Kh-55, en novembre 2015, lors de l'Intervention militaire de la Russie en Syrie.

Dorénavant, la possibilité de frapper des cibles avec une prétendue quasi-certitude de succès — malgré la persistance gênante des « dégâts collatéraux » — et des risques très faibles permet de concevoir des opérations aériennes continues, de la zone de combat aux centres vitaux de l’adversaire. Le but est d’obtenir la paralysie stratégique : l’ennemi n’est pas nécessairement détruit, mais il ne peut plus manœuvrer. On s’attaque moins aux forces qu’aux structures de commandement, cela est théorisé depuis les années 1990 dans la théorie des cinq cercles.

La guerre du Golfe de 1991 aurait validé le concept [réf. nécessaire], mais la guerre du Kosovo a montré ses limites (campagne plus longue que prévu pour un résultat ambigu).

Cette mutation a mis largement fin à l’opposition entre l’appui au sol et le bombardement stratégique. Les matériels ne sont plus aussi dissemblables : les avions d'attaque au sol et les bombardiers lourds sont remplacés par des avions de plus en plus polyvalents.

 
Largage de bombes de 250 kg par un Tu-22M en 2016 au dessus de la Syrie.

Les derniers véritables bombardiers « lourds » stratégiques actuels, des monstres de technologie d'une valeur exorbitante, tels le B-2 et le Tu-160, ont été conçus dans les années 1970 et 1980. Seuls la Russie et les États-Unis en disposent. La Chine mettant en ligne des bombardiers moyenne portée H-6 dérivé du Tupolev Tu-16. Leur nombre sont en diminution drastique depuis la fin de la guerre froide. Les États-Unis disposent à la fin de la guerre du Golfe de 1991 un total de 290 bombardiers, début 2018, le Air Force Global Strike Command comprend 157 appareils répartis dans 5 escadres comptant un total de 15 escadrons68.

En 2020, des études sont en cours dans ces trois pays pour renouveler leurs appareils. Le programme américain à cette date se nomme Long Range Strike Bomber (LRS-B) remplaçant un précédent programme des années 2000, qui fut annulé69, celui-ci doit permettre au Northrop Grumman B-21 d’être en ligne dans la seconde moitié des années 2020.

Notes et références

  1. (en)Bill Carey, « U.S. Air Force Is ‘Committed’ To Long-Range Strike Bomber » [archive], sur AIN on line, (consulté le )

Voir aussi

Articles connexes

Bibliographie

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Bombardier-torpilleur

 
 

Un bombardier-torpilleur est un bombardier conçu principalement pour attaquer des navires ou des sous-marins avec des torpilles. Cela requiert une longue soute à bombe ou une installation particulière sous le fuselage pour transporter l'engin, ce qui explique pourquoi il existe un type d'avion particulier pour cette tâche.

Historique

Les bombardiers-torpilleurs furent utilisés surtout jusqu'à la Seconde Guerre mondiale. Pendant cette guerre, ils jouèrent un rôle important par exemple contre les sous-marins allemands, ainsi que lors de batailles comme l'attaque de Tarente par les Britanniques ou l'attaque japonaise sur Pearl Harbor. Le taux de réussite des attaques contre des navires en mouvement durant ce conflit est de 15 %, il faut en moyenne quatre impacts de torpilles pour couler un cuirassé1.

Les bombardiers-torpilleurs disparurent pratiquement à la fin de la Seconde Guerre mondiale, remplacés par :

Listes de bombardiers-torpilleurs

Ces listes ne sont pas exhaustives. Les types d'appareils sont classés par époque d'utilisation puis par pays du concepteur d'origine. Certains types d'appareils ont été utilisés à plusieurs périodes.

Bombardiers-torpilleurs de la Première Guerre mondiale

Bombardiers-torpilleurs de l'entre-deux-guerres

Bombardiers-torpilleurs de la Seconde Guerre mondiale

Bombardiers-torpilleurs de l'Après-guerre

Galerie

 

Notes et références

  1. Pierre Grumberg, « Et si... les Américains avaient attendu les Japonais à Pearl Harbor », Guerres & Histoire, no HS n° 3,‎ , p. 45.

Cavalerie

 
 
 
Charge du 4e régiment de hussards français à la bataille de Friedland, le .

La cavalerie est l'arme des militaires ou des guerriers qui combattent à cheval. Historiquement, elle est la troisième plus ancienne des armes de combat (après l'infanterie et les chariots de guerre) et la plus mobile.

L'appellation de cavalerie n'est généralement pas utilisée pour les forces militaires qui utilisent d'autres montures (chameaux ou mules par exemple). Quant au concept d'infanterie montée (qui se déplace à cheval mais combat à pied), il apparaît au XVIIe siècle avec les dragons, une arme initialement à part mais qui s'intégrera par la suite dans la cavalerie dite de « ligne ».

Dès les premiers temps de son utilisation, la cavalerie offre l'avantage de la mobilité, qui en fait un instrument de guerre redoutable car elle permet de déborder et d'éviter l'adversaire, de surprendre et de vaincre, de battre en retraite et d'échapper à l'ennemi en fonction des besoins du moment. C'est aussi l'arme de la reconnaissance et des raids dans la profondeur. La monture confère au cavalier plusieurs avantages sur son adversaire à pied : vitesse, hauteur, masse et inertie lors du choc. Un autre facteur de supériorité résulte de l'impact psychologique de l'apparition du soldat à cheval sur le fantassin.

La mobilité et la capacité de choc de la cavalerie sont grandement appréciées et exploitées dans les différentes forces armées sous l'Antiquité et au Moyen Âge ; certaines forces étant principalement composées de cavalerie, en particulier dans les tribus nomades de l'Asie, comme les Mongols. Chez ces peuples de cavaliers se développe le concept de la cavalerie légère qui prône la vitesse et la surprise, avec des combattants montés, équipés et armés légèrement . En Europe, la cavalerie se dote au contraire d'armures lourdes et pesantes et les chevaliers agissent comme une cavalerie lourde, en privilégiant la recherche d'une action décisive au moyen d'un choc frontal. Au cours du XVIIe siècle, la cavalerie européenne abandonne l'armure, inefficace contre les fusils et les canons qui font leur apparition. Néanmoins, certains corps de cavalerie tels que les cuirassiers conservent une cuirasse petite et épaisse qui bénéficie d'une protection contre les lances et les sabres et une certaine protection contre les projectiles tirés à longue distance.

Durant la période entre les deux guerres mondiales, de nombreuses unités de cavalerie sont converties en infanterie motorisée ou en unités mécanisées et blindées. Cependant, la cavalerie sert encore pendant la Seconde Guerre mondiale, notamment dans les armées allemande, italienne, polonaise et soviétique, généralement sur les arrières du front. Actuellement, la plupart des unités de cavalerie montées servent dans des rôles de prestige, ou - beaucoup plus rarement - comme infanterie montée sur des terrains difficiles comme les montagnes ou les zones densément boisées. L'utilisation moderne du terme se réfère à des unités spécialisées dotées de chars (« cavalerie blindée ») ou d'aéronefs (« cavalerie de l'air »).

Historique

Origine et développement

 
Peigne en or gréco-scythe représentant un cavalier scythe dans une bataille. IVe siècle av. J.-C., Musée de l'Ermitage.

Les Scythes, peuples indo-européens d'éleveurs nomades en Eurasie centrale dans l'Antiquité, développent la cavalerie montée légère et utilisent des arcs à la fois courts et puissants en raison de leur forme. Auparavant, les chevaux servaient surtout à tirer des chars de combat mais n'étaient pas encore montés de façon régulière. Les traditions scythiques de cavalerie montée seront reprises des siècles plus tard au Moyen Âge par les peuples turcs puis mongols, originaires d'Asie orientale, et permettront à Genghis Khan et ses troupes de conquérir l'Asie centrale à leur tour, ainsi que la Chine et une partie de l'Europe au XIIIe siècle en formant ainsi l'Empire mongol1,2.

Dans l'Antiquité, Alexandre le Grand fait usage de sa cavalerie pour manœuvrer rapidement par les flancs et attaquer le général ennemi ou l'arrière des phalanges selon la tactique du marteau et de l'enclume. Le cavalier est armé d'une lance tenue au-dessus de l'épaule avec laquelle il harponne l'adversaire, mais qui peut aussi servir d'arme de jet, la vitesse du cheval s'ajoutant à celle du lancé.

 
Cavaliers Normands jetant leurs lances. Tapisserie de Bayeux, XIe siècle.

La cavalerie a longtemps été un moyen de reconnaissance ou de communication entre les différents corps d'armée plutôt qu'une réelle force de combat. Le coût de l'entretien d'un cheval était tel que bien peu de personnes étaient capables de l'assumer. La cavalerie pose aussi d'importants problèmes logistiques. La présence des animaux implique la construction d'enclos, le transport de fourrage, l'emploi de palefreniers… Mais la force d'un corps de cavalerie face à des fantassins est telle que très rapidement les armées s’organisent pour avoir un certain nombre de ces soldats en soutien des troupes plus classiques.

Les Romains recrutent ainsi l'essentiel de leur cavalerie chez les auxiliaires barbares qui sont souvent d'anciens ou futurs adversaires. Les peuples scythes, et notamment les Sarmates, ont également développé des races de chevaux plus puissantes qui permettront de développer les premières cavaleries lourdes et les premiers cataphractaires, qui seront rapidement adoptés par les Perses et les Parthes puis les Romains. Un élément de cavalerie lourde, protégé d'une épaisse cotte de maille est chargé de briser les formations d'infanterie adverse3. La cavalerie lourde, coûteuse, sera surtout le signe d'une cavalerie de guerre aristocratique et deviendra un des fondements des chevaliers du Moyen Âge européen et de la féodalité.

Avec l'apparition progressive des rênes, du mors, et surtout des étriers qui permettent de se dresser sur les jambes et donc d'avoir plus de force lors de l'impact d'une charge, la cavalerie devient un enjeu stratégique pour les armées (voir toutefois la Grande controverse de l'étrier). L'infanterie montée, bien qu'elle se batte à pied, permet aussi de déployer des troupes rapidement sur de longues distances.

Dans les armées féodales, la cavalerie était presque exclusivement composée de nobles, seuls capables d'acheter et de financer l'entretien de leurs chevaux. Cette tradition perdura assez longtemps mais finira par se restreindre au corps des officiers (toujours obligés de financer leur équipement, à l'opposé de la troupe). La cavalerie avait donc acquis un statut de prestige.

Face aux murs de boucliers et piques à une main de l'infanterie, la lance du cavalier s'allonge et se cale sous le bras. L'armure se renforce et la cotte de maille se recouvrera progressivement de plate. La charge coordonnée de chevaliers devient un outil de percussion visant à briser la ligne de l'adversaire. La cavalerie lourde sera considérée pendant tout le Moyen Âge comme une arme décisive et les batailles tournaient souvent à l'avantage du camp qui en possédait le plus grand nombre. C'était particulièrement vrai pour les batailles en plaine.

Pour contrer la cavalerie, la tactique s'oriente vers la défensive, avec des forts en pierres ou des palissades de bois temporaires. À Crécy et Azincourt, les chevaux de la cavalerie française se font massacrer par les archers anglais équipés de leur arc long (long bow) en bois d'if, et les pieux et fossés qu'ils ont placés devant eux.

Les armures lourdes se démocratisent et les boucliers deviennent moins utiles, libérant la deuxième main. La cavalerie lourde des chevaliers devient fréquemment tenue en échec par une version modernisée de la phalange grec : des masses solidaires d'infanterie lourde couvertes d'armures de plates et équipées de longues piques ou de hallebardes. Les troupes mercenaires suisses, des professionnels de la guerre, en font leur spécialité. À ces formations défensives viennent s'adjoindre les arbalètes, puis les armes à feu qui leur donnent des capacités offensives à distance.

Les armes à feu apparaissent en Europe au Moyen Âge central (XIe au XIIIe siècle) : couleuvrine, arquebuse et pistolet. La cavalerie doit évoluer, et les chevaux lourds sont écartés au profit de chevaux puissants et légers, les armures sont abandonnées au profit de cottes légères et de minces cuirasses

XVIIe siècle

Au XVIIe siècle, avec la venue des armes à feu, apparaît l'escadron, qui se forme en profondeur (avec des tactiques comme la caracole, chaque rang se servant successivement de ses pistolets avant d'aller se reformer à l'arrière de la formation). Les évolutions se font alors surtout au pas ou au trot[réf. souhaitée]4.

Mais si l’apparition des armes à feu a semblé mettre un terme à la prééminence du choc (c'est-à-dire de la charge), à partir du XVIIe siècle5, l’arme blanche redevient progressivement l’arme de choix. et le format des escadrons évolue en conséquence. Ainsi, aux lourds escadrons « carrés » de plusieurs centaines d’hommes sur une dizaine de rangs et plus de l’époque des reîtres et de la caracole, vont succéder des escadrons sur quatre, puis trois, puis à partir de la guerre de Sept Ans, sur deux rangs.

XVIIIe siècle

 
Échantillon de la cavalerie de l'armée napoléonienne lors d'une reconstitution de la bataille de Waterloo : hussards, chasseurs à cheval, chevau-légers lanciers polonais, grenadiers à cheval, dragons.

Par la suite, le sabre remplace l’épée et devient l’arme principale pour la charge qui, au XVIIIe siècle, est conduite – ou achevée – au galop.

À cette époque la lance ne joue plus depuis longtemps qu’un rôle marginal (même si Napoléon, impressionné par les lanciers polonais, intégra un de leurs régiments à la Garde impériale et recréa des unités de lanciers). Enfin, tous les cavaliers sont équipés d’un ou deux pistolets et d’une carabine ou d’un mousqueton (ou d’un fusil – plus long et plus lourd - dans le cas des dragons qui étaient censés combattre aussi bien à pied qu’à cheval).

Au fil de l'histoire, différentes composantes de cavalerie sont apparues :

XIXe siècle et XXe siècle

 
Richard Caton Woodville, Poniatowski's Last Charge at Leipzig (1813).

L’avènement des armes à tir rapide au XIXe siècle transforme profondément le caractère de la guerre à cheval en Europe (le cheval conservera néanmoins un rôle non négligeable jusqu’au XXe siècle dans certains conflits, notamment coloniaux)6.

La toute dernière charge de cavalerie effectuée en Europe occidentale fut celle de Burkel (Belgique).

La question du rôle - et même de l'utilité - de la cavalerie sur le champ de bataille se pose et la doctrine d'emploi fluctue entre le maintien et la disparition de la charge (en France, au début du XXe siècle, il est courant d'entendre que « la cavalerie manœuvre à cheval mais combat à pied »).

L'infanterie est plus lente mais elle dispose désormais des moyens de contrer n'importe quelle charge de cavalerie. Les dernières charges de cavalerie à cheval se soldent par des hécatombes qui forcent les armées à se concentrer sur l'infanterie et l'artillerie.

Le cheval prend alors un rôle nouveau dans l'armée et sert presque exclusivement au transport, avant d'être également remplacé dans ce rôle par le véhicule automobile. Quelques armées conserveront cependant des troupes à cheval jusqu'à la Seconde Guerre mondiale.

 

 

En France

 
Le régiment de cavalerie de la Garde républicaine attendant d'ouvrir le défilé des troupes montées, défilé du 14 juillet 2008 sur les Champs-Élysées, Paris.

En France, les formations héritières de la cavalerie seront regroupées dans l'arme blindée et cavalerie en 1943 (le saint protecteur de la cavalerie française reste saint Georges, de là vient le proverbe : « Par saint Georges, vive la cavalerie ! »).

De nos jours, la cavalerie est utilisée comme symbole de prestige et de nombreuses armées conservent un corps monté pour les défilés et les représentations officielles. Les régiments de l'Arme blindée et cavalerie en sont les héritiers dans les armées modernes.

À Paris

La défense de Paris a toujours reposé sur un système de complexes fortifiés. Paris n'a jamais eu de grande garnison de cavalerie. Sa garnison fut principalement armée par des troupes à pied, par les servants des pièces d'artillerie et par les sapeurs et unités du génie spécialistes des fortifications7.

Cependant, la cavalerie demeura bien présente dans la capitale, le cheval étant la monture des hommes de pouvoir et de leur entourage jusqu'au maréchal de Mac-Mahon. Omis lors des émeutes populaires où elle fut combattante, la cavalerie à Paris fut d'abord un service de Cour qui assurait la sécurité, la garde et l'escorte des souverains dont elle rehaussait le prestige. L'armée montée participait aux manifestations de prestige, aux couronnements et investitures, aux réceptions de chefs d'État, ainsi qu'aux grands évènements sportifs comme les courses. Elle figurait dans les manifestations publiques tels les défilés et les revues7.

Sous l'Ancien Régime, la cavalerie à Paris se confondait avec l'organisation et le service de la Maison du roi. Lorsque Louis XIII créa en 1622 le corps des Mousquetaires, seule une partie servait à cheval. Affectés à la garde du roi, ils participaient aux campagnes militaires et quittaient alors Paris. Les chevaux étaient logés et soignés dans les deux hôtels affectés aux mousquetaires, l'hôtel des Mousquetaires gris construit en 1671 dont la façade se situait rue du Bac, et l'hôtel des Mousquetaires noirs rue de Charenton. Le licenciement des mousquetaires en 1776 par Louis XVI mit fin provisoirement à la présence d'une charge à cheval affectée au souverain. L'École de Mars créée en 1794 compta des cavaliers dans ses rangs7.

Les unités de cavaleries revinrent réellement à Paris avec la création de la Garde consulaire, remplacée par la Garde impériale. La cavalerie de la Garde préposée au service est logée dans l'abbaye de Penthémont, à l'angle des rues de Grenelle et de Bellechasse qui pouvait contenir au maximum 169 chevaux. Ces locaux furent occupés jusqu'en 1848. Les autres nombreux régiments de la Garde, dont les détachements se succédaient à Paris, y tinrent peu garnison. Ils venaient pour les revues et les réceptions aux troupes après les campagnes. Napoléon avait envisagé en 1812 de faire construire de part et d'autre du Champ de Mars une cité administrative comprenant des quartiers de cavalerie, mais n'eut pas le temps de mener ce projet à son terme7.

La cavalerie des coalisés envahit Paris en 1814. Les cosaques bivouaquèrent alors sur les Champs-Élysées.

Pendant la Restauration et la Monarchie de Juillet, la cavalerie se fixa à Versailles. Lors des émeutes parisiennes de la première moitié du XIXe siècle, les cavaliers furent guère efficaces dans une guerre de rue impossible à mener à cheval. Ils répugnaient à mener des combats contre des civils, le maintien de l'ordre étant dévolu normalement à la Garde nationale7. Jusqu'à l'avènement de la IIIe République, le souverain organisa des parades à cheval. Ainsi, Charles X et Louis-Philippe aimaient se montrer à cheval en public entourés de leur garde à cheval.

Au Second Empire, la garnison parisienne comprenait la Garde impériale et une division de cavalerie logée à Paris ou à proximité. Plusieurs unités tenaient garnison aux environs et étaient susceptibles de se déplacer pour les services et manifestations programmées. Les dragons de l'impératrice étaient ainsi à Fontainebleau ; les guides, les chasseurs et les cuirassiers se déplaçaient entre Meaux, Compiègne, Melun et Fontainebleau. Seuls l'escadron des Cent gardes et les gendarmes d'élite demeuraient en permanence dans Paris, à Penthémont, dans la nouvelle caserne de la Cité à partir de 1867 et pour un seul escadron, à Orsay et aux Célestins. La cavalerie de ligne était cantonnée dans les forts de l'enceinte et à Vincennes. Les deux régiments de dragons étaient dans Paris intra muros. L'importance des troupes montées ne cessa de grandir sous Napoléon III. Le décret du 1er mai 1854 limitait la cavalerie de la Garde à deux régiments, les cuirassiers et les guides. Dès 1855, son effectif est accru à une division de cavalerie comportant trois brigades. Elle comprit au total deux régiments de cavalerie lourde composée de cuirassiers, et quatre régiments de cavalerie légère, un de dragon, un de lanciers, un de chasseurs et un de guides. Les guides escortaient l'empereur et son entourage lors des solennités. Lors de l'attentat d'Orsini en 1858, une quinzaine de cavaliers furent blessés7.

Avec la IIIe République, les services protocolaires de la cavalerie sont plus restreints et plus distants. Les unités de cavalerie interviennent lors de l'accueil des chefs d'État étrangers ainsi que lors des déplacements des plus hautes autorités militaires. Progressivement ces services sont confiés à la seule Garde républicaine qui possède un régiment à cheval n'ayant pour autant jamais appartenu à la cavalerie. Des unités de cavalerie combattantes subsistèrent à Paris et dans sa périphérie, notamment à Vincennes, jusqu'à la fin de la IIIe République. Elles participaient aux défilés et manifestations purement militaires qui se déroulaient dans la capitale, tels la présentation à l'étendard, les revues des troupes et les défilés lors de la fête nationale7.

Le cheval de cavalerie

Le cheval de cavalerie doit être un cheval de guerre possédant une grande vitesse, une puissance de choc, une aptitude à la poursuite, à la reconnaissance et aux patrouilles. Contre une batterie ou un carré de fantassins, la cavalerie ne peut l'emporter que par une extrême rapidité dans l'approche, le contact permettant de disloquer les rangs ennemis. Pour ce faire, la cavalerie doit donc exécuter de grandes actions coordonnées8.

En France

La cavalerie légère, chasseurs et hussards, était montée en chevaux légers et la cavalerie lourde, cuirassiers et dragons, en chevaux puissants. Le travail des cavaliers se focalisait principalement sur les manœuvres et les mouvements d'ensemble9.

Jusqu'à la Renaissance, le destrier était caparaçonné, robuste et fort. Le dressage du cheval est une nécessité du commandement individuel et est basé sur la croyance que le cheval est un être pensant10.

À partir du règne de Louis XIII, les grands seigneurs abandonnent l'élevage pour fréquenter la Cour. Les races françaises de chevaux dégénèrent et se perdent, l'armée recourt aux races étrangères et notamment aux andalous. Pour remédier à cet état et normer les chevaux utilisés par les troupes à cheval, Colbert crée les étalons royaux le 17 octobre 1665. Ces étalons sont marqués d'un « L » couronné à la cuisse. Les troupes à cheval se hiérarchisent et s'uniformisent sous l'autorité du roi pour devenir un corps homogène, la Cavalerie10.

Notes et références

  1. Général Pierre Durand, L'équitation française, mon choix de cœur et de raison, Arles, Actes Sud, , 207 p. (ISBN 978-2-7427-7630-6)

Voir aussi

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Bibliographie

Ouvrages généraux

Ouvrages par période

Antiquité
Moyen Âge
Philippe Contamine, La guerre au Moyen âge, Paris, Presses universitaires de France, coll. « Nouvelle Clio / l'histoire et ses problèmes », , 516 p. (ISBN 978-2-13-050484-9).
Époque moderne
Cdt Louis-Auguste Picard, La cavalerie dans les guerres de la Révolution et de l'Empire, Paris, Teissèdre, coll. « bicentenaire de l'épopée impériale / Études », , 2 volumes, 419 et 406 pages (ISBN 978-2-912259-48-6).
Époque contemporaine

Articles connexes

Liens externes

Infanterie

 
 
 
Tableau représentant l'infanterie prussienne en 1745.

L'infanterie est l'ensemble des unités militaires qui combattent à pied, le soldat étant appelé fantassin. Le mot est emprunté de l'italien infanteria, dérivé de infante (« enfant ») qui prit au XIVe siècle le sens de « jeune soldat, fantassin »1.

L'infanterie de marine désigne spécifiquement les troupes d'infanterie de la marine de guerre, habituellement embarquées à bord des navires. En France, ces troupes font partie de l'Armée de terre.

L'infanterie de l'armée de terre peut être acheminée par divers moyens sur le lieu des combats depuis le XXe siècle :

Elle se différencie traditionnellement de la cavalerie, même s'il a existé des unités d'infanterie montée, les troupes se déplaçant à cheval, mais combattant à pied.

À travers les âges

Étymologie

Le terme infanterie, provient de l'italien « infanteria », dérivé de « fante » signifiant petit garçon, apocope du latin « infantem » signifiant enfant2. L’infanterie est désignée ainsi parce qu’elle était, au XIVe siècle, censée être composée de jeunes soldats, trop jeunes et inexpérimentés pour faire partie de la cavalerie1.

Le mot latin « infantem » s'est construit avec le préfixe « in », signifiant non, et « fari », signifiant parler (falar en portugais)3. le terme fantassin a la même origine étymologique.

Évolution

 
El Alamein 1942 – Infanterie de la British Army.

L'évolution du fantassin s'est faite par l'évolution de la technologie embarquée (armes à feu, équipement de protection, de camouflage) et les conditions de mise en œuvre (ordre serré, transport, unités motorisées).

Les évolutions les plus récentes pour les armées des pays développés consistent à intégrer des équipements électroniques permettant la coordination et la mise en œuvre dans des conditions de visibilité nulle : jumelles de vision nocturne, fusil muni de caméra permettant de « tirer dans les coins »… Cela entraînant une nette augmentation du coût de formation et d'équipement des fantassins et, de facto, la diminution du nombre de soldats de « base » dans ces armées.

Ainsi, la British Army comptant le 73 446 militaires d'actives opérationnels dispose à cette date de 18 023 fantassins4.

Antiquité

Infanterie de la Rome antique
Infanterie de la Grèce antique

Comparaison des différents types d'infanterie

Comparaison des différents types d'infanterie5
PhotoSystèmeChargeRayon d'actionVitesse de déplacementApprovisionnement quotidien
soldats australiens, 1945 Infanterie à pied 25 kg 40 km/jour 5 km/h 1,5 kg de rations
10 L d'eau
25thregiment bicycles.jpg Infanterie cycliste 35 kg 120 km/jour 16 km/h 1,5 kg de rations
10 L d'eau
gravure d'un dragon Infanterie montée 45 kg 160 km/jour 24 km/h Soldat : 1,5 kg de rations
10 L d'eau
Cheval : 18 kg de foin
68 L d'eau
Bundesarchiv Bild 101I-020-1281-36A, Russland, Süd, Motorrad mit Beiwagen.jpg Infanterie à moto 45 kg 480 km/jour 64 km/h 1,5 kg de rations
10 L d'eau
18 L d'essence
Djiboutian army soldiers on a truck.jpg Infanterie motorisée 4,5 tonnes 480 km/jour 64 km/h 1,5 kg de rations
10 L d'eau
368 L de diesel
LAV Infanterie mécanisée 4,5 tonnes 289 km/jour 48 km/h 1,5 kg de rations
10 L d'eau
640 L de diesel

En France

 
Fantassins français en position de tir avec un lance-roquettes Apilas, arme antichar standard à la fin des années 1980 et dans les années 1990.
 
Soldat du 2e régiment étranger de parachutistes avec l'uniforme et le couvre-casque « camouflage Centre-Europe » portant un casque modèle 1978, un lance-roquette AT4 et un fusil FAMAS en 2007.

Début du XXe siècle

Peu avant la Première Guerre Mondiale, 65% des conscrits de la classe 1914 avaient été affectés dans l’infanterie (67%, en prenant en compte les troupes coloniales). Et ce taux monta à 91% pour celle de 1915. Si cette tendance s’amenuisa après l’armistice de 1918, notamment au profit d’autres armes, comme l’artillerie, l’infanterie absorbait encore 50% des appelés en 19226.

L'armée de dispose lors de la mobilisation française de 1914 de 173 régiments d'infanterie d'active (numérotés de 1 à 173) de 2 000 hommes, de 59 d'infanterie coloniale et indigène (aux effectifs généralement moindres que les unités métropolitaines) tandis que 145 régiments d'infanterie territoriaux se forment.

Régiments dans les années 2000

Au début du XXIe siècle, toute l'infanterie de l'armée de terre française est dite « blindée » (hormis les forces spéciales). En effet, l'infanterie est dotée de véhicules de combat blindés de type VAB livrés à partir de 1976 pour l'infanterie motorisée (véhicules de l'avant blindé, quatre roues motrices, un groupe de combat embarqué), ou de type VBCI livrés entre 2008 et 2015 pour l'infanterie mécanisée : onze soldats peuvent prendre place à bord du véhicule qui est équipé de tous les moyens de communication et dispose d'un canon OTAN M811 (en) de 25 mm) qui équipe au total huit régiments.

Les régiments d'infanterie équipés de VBCI en 2015 :

Quatre régiments sont rattachés aux deux brigades légères blindées :

Les bataillons de chasseurs alpins, les régiments parachutistes (hors Forces spéciales), de la Légion, le 126e régiment d'infanterie sont tous équipés de VAB : ils sont donc motorisés et blindés.

La France a lancé un projet d'équipement du combattant débarqué (ECAD) nommé FELIN, pour « le fantassin à équipement et liaisons intégrées » entrant en service à partir de 2010.

Le système ECAD a pour but de favoriser la communication au sein d'un groupe de combat et d'informer en temps réel la hiérarchie sur l'ensemble des paramètres environnementaux. Ce système intègre des caméras, des radios, ce qui requiert de l'énergie électrique : le fantassin supporte donc le poids de batteries supplémentaires, ce qui limite son autonomie.

En 2012

En 2012, l'infanterie représente environ 20 % des effectifs des forces terrestres, dont 20 régiments sur les 81 que compte alors l’armée de terre. Ces régiments peuvent fournir 80 compagnies de combat, soit une force de 14 000 fantassins. Ils sont tous organisés sur le même modèle, dit quaternaire : 4 compagnies de combat, plus une compagnie d’éclairage et d’appui, elles-mêmes organisées en 4 sections, composées chacune de quatre groupes.

À ces régiments, il faut ajouter une série de formations et d’unités de taille variable. Au total, l’infanterie représente environ 20 000 personnes dont 2 % de femmes7.

Organisation en 1940

Dans l'armée française en 1940, la dotation régimentaire en armes d’appui était, en théorie, la suivante pour un régiment d'infanterie de ligne8 :

Organisation entre 1999 et 2010 d'une section de combat

 
Débarquement d'un VBCI en 2006 pour les tests du Fantassin à équipements et liaisons intégrés.

L'organisation théorique « INF202 », approuvée le , d'une section de combat française, prévoit 39 personnes9 réparties comme suit :

Les effectifs de la section se répartissent dans quatre véhicules (VAB, VBCI) comme suit :

Ce qui donne finalement le plan d'embarquement théorique suivant :

La dotation organique en armes de la section est :

Depuis 2010, l’effectif théorique est passé à 40 personnes.

Galerie photographique

Notes et références

Voir aussi

Articles connexes

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Bibliographie

Généralités

Première Guerre mondiale

Seconde Guerre mondiale

Liens externes

Char

 
 

Le char est un véhicule attelé à un ou plusieurs animaux et roulant sur des roues, celles-ci assemblées par paire via un essieu, chaque paire solidaire formant un train roulant. Il faut pourtant distinguer en français la voiture antique le plus souvent à deux roues (un train roulant), soient les chars de combat, de course ou de jeux de cirquea, des cérémonies publiques des cités ou de la mythologie gréco-romaineb... des différents types de chars médiévaux ou de l'époque moderne, véhicules le plus souvent à deux trains, plus ou moins sophistiqués, que les mondes paysans et marchands, guerriers et seigneuriaux, miniers ou rouliers, ont employé pour le charroi des matériaux, des diverses matières et des hommes, ou encore pour la fête profane ou le défilé officiel. Les deux mots proviennent du latin médiéval carrus lui-même issu du gaulois carros, mais le premier s'est imposé à l'époque humaniste vers 1538 alors que le second date de la profusion créative du XIIe siècle, le mot étant attesté vers 1170 en ancien françaisc.

L'invention antique du char de guerre constitue un tournant considérable dans l'histoire militaire. Les escadrilles de chars permettaient des offensives foudroyantes, sur la plupart des terrains secs ou humides, sableux, pierreux, terreux, même en milieu lacustre humide. Le bruit et parfois la poussière soulevée en faisaient une arme psychologique. L'attaque rapide en virage serré permettait par exemple à l'archer, placé à côté du conducteur, de décocher ses traits sur l'ennemi et de s'éloigner le plus vite possible du groupe d'armée en marche. Toutefois, l'infanterie antique a trouvé des parades plus ou moins sophistiquées aux attaques massives, en creusant des pièges ou des mines (trous), en érigeant des dispositifs de pieux ou des palissades protectrices, eux-mêmes portés par des chars de transport. Les concaténations, voire les amas en vrac, de lourds chars de transports ont toujours constitués des barrières défensives redoutables jusqu'à l'époque moderne.

Le char de combat ou d'assaut militaire, motorisé, apparu en 1917 et dissimulé sous des appellations banales comme tank, mot anglais pour « réservoir », est un véhicule automobile blindé à roues ou plus souvent à chenilles, destinées à assurer une mobilité sur tous les terrains (à l'instar du char paysan ou du chariot marchand médiéval traçant sa route), y compris amphibie ou forestier, et surtout une progression, la plus sécurisée possible, au-delà des lignes de front adverses.

 
Un souverain assyrien chassant le lion depuis son char.

Un art antique : la charrerie

Le char était conçu et fabriqué, amélioré et réparé dans les ateliers du charron. Or, l'archéologie des mondes eurasien et méditerranéen, notamment avec les preuves indirectes des ornières taillées dans les anciennes voies de passage ou carrières, affirme que la charrerie est une activité très ancienned. La roue à moyeu et à rayons est attestée communément à l'époque du Bronze final, par exemple sur le site suisse de Cortaillod ou isérois de La Côte-Saint-André.

Les deux inventions techniques fondamentales datent respectivement de IVe millénaire av. J.-C. et de 2000 av. J.-C. :

Le transport à roues proprement dit apparaît dans les steppes eurasiennes à l'époque de l'Âge du bronze précoce de la culture Yamna et de la culture Novotitorovskaya (environ 3600 à 2200 av. J.-C.), une culture locale de la région du Kouban qui s'est développée à partir de la culture de Yamna. Les sépultures de la culture Yamna sont les plus anciennes de la steppe, accompagnées soit de wagons à quatre roues complets ou de leurs roues. Les wagons et les roues étaient construits en planches lourdes, il est donc admis qu'ils étaient tirés par des bovins et utilisés comme moyen de transport et comme maisons mobiles4.

Dans les steppes eurasiennes, à l'Âge du bronze, apparaît également le véloce char de combat à deux roues et timon, ce timon solidaire de la caisse, terminé par un joug prenant appui sur les épaules de deux équidés attelés5. L'invention de la charrette à deux roues, pas nécessairement tractée par un âne ou un cheval, mais aussi par une paire de bovidés est concomitante. Il existe enfin très rapidement une gamme de chars de transport, véhicules plus lents, souvent à grande charge utile, à vocation agricole (par exemple, rentrer les récoltes), sylvicole (bois de feu ou construction), minière ou marchande (sel, produits de base pondéreux dont l'étain, le cuivre, les autres minerais, les diverses pierres taillées, les briques...), qui complète la panoplie existante des traîneaux, pour charrier, en dehors des espaces portuaire ou de flottage, les ressources nécessaires aux villages et villes fortifiées.

À la fin de l'Antiquité, ce type de charrerie, plus ou moins amélioré, est attesté de l'extrême-Orient chinois aux pourtours de la Méditerranée jusqu'au Sahara. Il faut signaler une autre tradition de charrerie, celle du chariot à quatre roues et à timon mobile et solidaire du train-avant, plus ou moins pivotant, pour que le chariot puisse tourner plus ou moins facilement : née à la même première période, cette tradition se développe dans la bande des steppes eurasiennes pour atteindre à la fin de l'âge du Bronze l'Europe occidentale, voire ses confins nordiques et occidentaux, au début de l'âge du fer (1000 à 500 av. J.-C.)6.

L'art des charrons d'Europe occidentale

 
Char d'Ohnenheim exposé au Musée archéologique de Strasbourg.

Les modèles réduits des chars mis au jour en Europe occidentale, sont fabriqués en diverses matières, notamment en alliages métalliques avec des revêtements de bois, et ont probablement des significations religieuses, à l'instar des rouelles ou des roues enflammées mises en mouvement préservées dans les rituels issus des cultes solairese. Le char de Haßloch au Palatinat possède des roues à cinq rayons. À la fin du premier âge du fer, il n'est pas rare de les retrouver dans les tertres funéraires, par exemple le char d'Ohnenheim.

Les techniques ont mué rapidement avec les siècles : les chars rituels ou d'apparat, les chars de transports funéraires ou de cérémonies d'ouverture de circulation sont des rappels complexes d'état antérieur. Par exemple, le char de guerre, employé par les peuplades belges, tant orientales qu'occidentales, renommées par leurs charrons (carpentarii) au IIIe siècle av. J.-C., n'a plus aucune fonction militaire au Ier siècle av. J.-C., alors qu'il est encore pérennisé par des cérémonies publiques à vocation religieuse ou mémorielle (monument d'Igel des Trévires).

L'art de la charronnerie européenne reposerait sur une maîtrise technique celte, maintenue et largement divulguée à l'époque gallo-romaine, des modèles utilitaires. Le musée antique de Cologne, le musée archéologique de la ville de Strasbourg... en dévoilent quelques aspects. Le monde médiéval en est l'héritier, non sans en accroître la maîtrise technique culminant du XIe au XIIe siècle dans une course à l'adaptation à des fonctions spécifiques. Il faut mettre à part le rituel de transport du roi sacré mérovingien, par un lourd et gigantesque chariot à roues pleines, tiré par une douzaine de bœufs. Il s'agit plus du prestige régalien sacré du lent et rituel « char de l'État » , qu'une manifestation d'efficacité technique de l'époque. Les roues en bois plein sont attestés dans plusieurs cultures, que ce soit sur le char de la civilisation de l'Indus à Harappa ou Mohenjo-Daro en 2000 av. J.-C. ou sur l'ancien chariot-traîneau des paysans gallois ou irlandais, encore utilisé début XXe siècle, avec ses petites roues faites de trois planches, inférieures à 80 cm. Le premier char offrait le meilleur compromis résistance de la roue/techniques simples d'époque, le second possède une roue résistante, profilée avec de l'écuanteur, comme si elle avait des rayons, mais sans les inconvénients de faiblesse, le chariot apte au charriage rustique de lourdes charges.

 
Gravure typique du Bohuslän : à droite un chariot, à gauche un géant (le premier charron ?)

Dans le nord de l'Europe, les gravures de Bohuslän, datée de l'âge du fer nordique (Ier et IIe siècles) en Suède actuelle, nous dévoile l'origine du chariot à quatre roues, avec avant-train articulé par rapport à l'arrière-train : il s'agit de l'association de deux chars ou trains, le triangle du timon du char de derrière (arrière-train) étant fixé au corps d'essieu du premier char, par une cheville ouvrière mobile7. Dans ces conditions, l'avant-train tourne indépendamment de l'arrière-train, et mieux encore si les roues avant sont petites. Ce petit chariot ou char maniable, que l'on retrouve sous diverses formes chez les Germanii du IIIe siècle ou chez les paysans flamands, risque moins de verser. Ces dessins, autant un véritable cours qu'une dédicace solaire, sont les précurseurs du char paysan et du chariot de roulage de l'époque moderne, à timon-flèche articulé, il est vrai plus grand, et donc très exigeant en force de traction, que ce soient des bœufs endurants ou des chevaux puissants . En 850, la voiture du bateau d'Oseberg, sépulture magnifiquement préservée, montre l'art du charron scandinave : timon articulé sur axe métallique, roues à douze rayons, caisses sculptées magnifiquement pour le dernier voyage.

Probablement dès le VIIe siècle, les multiples formes du char paysan tendent à pérenniser des influences régionales : le monde méditerranéen et ce qui deviendra les terres d'Occitanie, tend à préférer la voiture à deux roues de grand diamètre et au timon porteur d'un joug adapté à la traction bovine pour les travaux des champs. Les contrées marquées par une ancienne culture gauloise résiduelle gardent le chariot à deux trains, un arrière-train à roues massives et plus grandes, un avant-train à roues plus petites.

Aux IXe et Xe siècles, la généralisation de la route (du latin ruptus) en rupture ou complément de la voie régulière, ainsi raccourcie ou sans péage, montre que les chars, mieux équilibrés, plus stables et mieux tractés par des chevaux plus puissants, des convois marchands franchissent allègrement les obstacles sans aménagements préalables.

Les progrès ont été continus du XIIe au XIIIeavec la généralisation du train avant mobile, le début de l'usage des sangles de cuir et des chaines métalliques, puis du XVIe au XVIIIe avec l'adoption des lames de ressorts et donc d'une véritable suspension à la caisse, par un dispositif amortisseur de choc entre les trains de roulage et le châssis du véhicule.

En Afrique du Sud, le grand char à bœufs des boers afrikaners, traçant son chemin dans le veld de l'hinterland ou les bushs de Namibie, constitue un vaisseau terrestre au summum du charronnage du milieu du XIXe siècle8. Pouvant atteindre 10 mètres de long (en moyenne 5,5 m), équipé de roues arrière énormes (en moyenne bandage de 10 cm de large et 2 cm d'épaisseur), ce char portant en tous terrains une dizaine de tonnes de charge (en moyenne 8 t maximale) est tiré par des dizaines de bœufs (en moyenne 10 à charge légère à 20 en pleine charge). Le point faible provient de l'emploi de l'ocotea, bois dur exotique, pour les roues (moyeux, jantes, roues). Le séchage délicat était mal contrôlé en pays tropical, et les roues non humidifiées devenaient facilement sensibles et fragilisées dans les terribles milieux désertiques traversés.

Histoire du char antique de guerre et de parade

Durant l'Antiquité et la Protohistoire, un char est un véhicule à deux ou quatre roues tiré par des animaux, notamment des chevaux. Il est utilisé pour la guerre durant les Âges du bronze et du fer ; devenu obsolète militairement, il continue d’être utilisé pour le voyage, la parade et dans les jeux.

 
Propagation de l'usage du char de guerre dans l'Antiquité.

Les premiers chars antiques ont parfois eu quatre roues, mais cela est plutôt rare. Rappelons une innovation décisive permettant la fabrication des chars légers, auxquels on peut atteler des chevaux pour la bataille, est l’invention de la roue à rayons et jante (vers 2000 av. J.-C.). Une première hypothèse, concordante avec des observations archéo-zoologiques souvent banales, peut être proposée : à cette époque et dans les régions où se développent les premières grandes civilisations urbaines, les chevaux ne pouvaient supporter le poids d’un homme pendant une bataille : le cheval sauvage est parfois à peine plus gros qu’un poney. Les chars de guerre sont alors très efficaces sur un champ de bataille plat et dégagé, et décident de l’issue des guerres, pendant près de sept siècles (peut-être jusqu'à la bataille de Qadesh). Puis, les chevaux domestiques gagnent en force et en taille, par la sélection induite par l'élevage et une alimentation plus abondante, tandis que la taille et le poids moyens des hommes diminuait lentement bien après le passage d'une alimentation de chasseurs nomades à une alimentation d'agriculteurs sédentaires. Les techniques permettant la monte se développent, car la cavalerie est aussi moins coûteuse en chevaux (un cheval par homme).

Une seconde hypothèse pose l'essor concomitant vers 1500 av. J.-C. de la métallurgie du fer et du cheval monté, notamment chez les Hittites, également experts en charrerie9. Elle essaie de prouver la spécialité orientale de la cavalerie montée, même au-delà de la généralisation de la métallurgie du fer vers -1000 av. J.-C. Selon cette hypothèse, la bataille de Qadesh, victorieuse selon l'écriture pharaonique, paraît un choc d'armées confus et complexe.

D'une manière générale, les chars de combat, assez rapidement obsolètes quelles que soient leurs techniques innovantes, sont donc supplantés par la cavalerie, et ne connaissent plus souvent à terme qu’un usage civil : transport de personnes, de marchandises, et à l'époque antique, jeux de courses. Les courses de chars ont continué à Constantinople jusqu’au VIe siècle de notre ère.

Formes primitives

 
Chars d'Ur.

La plus ancienne représentation de véhicules dans un contexte militaire date du XXVIe siècle av. J.-C., sur un coffre de bois orné en provenance d'Ur. Elle représente des chariots, avec deux essieux et tirés par des bœufs ou des onagres.

La gravure ci-contre montre clairement les deux soldats montés sur chaque char : l'un tient les rênes, tandis que l'autre est armé d'une lance. Le char est équipé d'un carquois qui contient les javelines. Les rênes tenues par le conducteur passent par un guide à deux anneaux, et sont reliées à un anneau passé dans la cloison nasale du cheval et non un mors. Les soldats sont protégés par des casques et des tabliers. Les chevaux sont également protégés à l'avant par un tablier. Ces chariots a quatre roues pleines étaient très stables, sans être forcément très lourds, puisque la nacelle était en osier tressé, selon les trouvailles faites ou reconstituées. Ces chars étaient tirés par deux ou quatre onagres de taille médiocre. On distingue également sur la gravure les ennemis renversés et blessés par la force du choc des chars lancés à pleine vitesse.

Les chars à bœufs plus lourds et plus lents faisaient généralement partie du train de bagages, et étaient inadaptés à une utilisation en combat. Les Sumériens avaient aussi des chariots plus légers, tirés par quatre onagres, mais dotés de roues pleines en bois. La roue à rayons n’apparaît pas en Mésopotamie avant le milieu du IIe millénaire av. J.-C.

Les historiens débattent pour décider si l’invention de la roue a suivi ou précédé la domestication du cheval, afin de savoir si c’est l’équitation ou la guerre en char qui a, la première, influencé l’art de la guerre et afin de déterminer la place de chacune. Mais la plupart des experts s'accordent à insister sur l'utilisation pacifique du char à ses débuts. En effet il servait principalement à l'agriculture et aux transports.

Les Indo-Iraniens

 
Char gravé dans le stupa de Sanchi

Les premiers chars de guerre connus sont des chars funéraires de la culture d'Andronovo, dans l'actuelle Russie et le Kazakhstan moderne, vers 2000 av. J.-C. Cette culture est influencée par la culture Yamna. Ses sites sont puissamment fortifiés, on y pratique la métallurgie du bronze à un niveau jamais atteint auparavant, et les pratiques funéraires présentent des réminiscences des rites aryens connus par le Rigveda. Les chars des tombes de Sintashta-Petrovka ont des roues à rayons.

Les chars sont un élément important de la mythologie des Indo-Iraniens et de la mythologie hindoue, tout comme dans la mythologie perse : la plupart des dieux du panthéon perse sont représentés sur un char de guerre. Le mot sanskrit pour un char, ratha, est commun à tous les Proto-indo-européens pour désigner la roue, et a donné en latin la rota.

Hérodote rapporte que les chariots étaient très utilisés dans la plaine entre Pont et mer Caspienne.

Xénophon mentionne dans l'Anabase ainsi que dans la Cyropédie l'utilisation par les Perses de chars de guerre munis de faux fixées aux essieux des roues dont il fait la description10 :

"εἶχον δὲ τὰ δρέπανα ἐκ τῶν ἀξόνων εἰς πλάγιον ἀποτεταμένα καὶ ὑπὸ τοῖς δίφροις εἰς γῆν βλέποντα, ὡς διακόπτειν ὅτῳ ἐντυγχάνοιεν."11

 

"Ils [les chars] étaient munis de faux fixées aux essieux, disposées en oblique et sous les chars en direction du sol afin d'anéantir quiconque irait à leur rencontre."

Il y a quelques représentations de chars sur les sculptures de grès des monts Vindhya, en Inde. Deux d'entre elles ont été trouvées à Morhana Pahar, dans le district de Mirzapur. L'une représente un attelage de deux chevaux ; seule la tête de l'homme qui les conduit est visible. L'autre est tiré par six chevaux, possède six roues à rayons, et son cocher est debout dans un grand chariot fermé. Ce char/chariot est attaqué par un groupe, dont un homme, muni d'un bouclier, qui se place sur le chemin du char et un autre qui lui tire dessus avec un arc et des flèches sur son flanc droit. Il a été suggéré que ces dessins représentent une scène réelle, s’étant déroulée quelque part dans la plaine du Gange, occupée par des tribus de chasseurs. Ils représenteraient donc une technologie étrangère. Les chars gravés de façon très réaliste dans le stūpa de Sanchi sont datés du Ier siècle av. J.-C.

En Chine

Les plus anciennes tombes à char de Chine ont été découvertes en 1933 à Hougang, dans le centre de la province d’Henan, et datent du règne de Wu Ding, de la dynastie Yin vers 1200 av. J.-C. ; ce sont des chars à rayons multiples introduits depuis le nord et le nord-ouest, semblables à ceux du Caucase, par opposition aux roues à 4 ou 6 rayons du Proche-Orient ancien12 ; ils apparaissent à la suite d'une immigration indo-européenne13 ou d'un simple échange technologique14. Les chars étaient connus avant, au moins depuis la dynastie Xia (XVIIe siècle av. J.-C.)[réf. nécessaire]15. Pendant la dynastie Shang, les défunts de rang royal étaient inhumés avec un mobilier complet et des serviteurs, dont un char, des chevaux et un cocher. Les chars Shang sont souvent attelés de deux chevaux, mais des chars à quatre roues sont parfois découverts dans les tombes. L’équipage comprend un aurige, i.e. un cocher appelé yushou, un archer, et parfois un troisième homme armé d’une lance ou d’un poignard-hache, le ge. L’utilisation militaire de chars en Chine atteint son apogée du VIIIe au Ve siècle av. J.-C.. L'abandon du modèle seigneur/esclaves pour un modèle féodal aurait encouragé les paysans à travailler davantage leurs terres, et aurait conduit à une croissance démographique et une expansion géographique permettant l'établissement de larges armées de soldats. Aussi, s’ils apparaissent dans un plus grand nombre de batailles, ils sont de plus en plus souvent mis en échec par cette infanterie.

Les chars deviennent obsolètes en Chine durant la période des Royaumes combattants, principalement à cause de l’invention de l’arbalète et de l’adoption par les armées chinoises des archers montés de la cavalerie nomade, plus efficaces.

Moyen-Orient

Hittites

 
Gravure égyptienne représentant un char hittite

Le Mitanni semble être responsable de l’introduction du cheval attelé et du char de guerre à l’Âge du bronze dans le Moyen-Orient. Le plus vieux témoignage de char de guerre est le texte d’Anitta (XVIIIe siècle av. J.-C.), en Hittite : il mentionne quarante attelages de chevaux (40 ṢÍ-IM-DÌ ANŠE.KUR.RAḪI.A) au siège de Salatiwara. Comme seuls des attelages sont mentionnés, la présence de chars de guerre est considérée comme incertaine. Le premier cas avéré de chars de guerre dans l’empire hittite date du siècle suivant (Hattushili Ier). Un autre texte hittite traitant du dressage des chevaux est daté du XVe siècle av. J.-C..

Les Hittites étaient renommés comme combattants en char de guerre. Ils inventent un nouveau type de char, avec des roues plus légères, avec quatre à huit rayons, emportant trois combattants au lieu de deux. Sur les chars hittites, l'essieu est déplacé vers l'arrière du char, ce qui assure sa stabilité longitudinalef. La prospérité des Hittites dépendait largement de leur contrôle des routes commerciales et des ressources naturelles, dont le métal. Lorsqu’ils prennent le contrôle de la Mésopotamie, la tension s’accroît avec leurs voisins Assyriens, Hourrites et Égyptiens. Sous le règne de Suppiluliuma Ier, les Hittites font la conquête de l'actuelle Syrie, peut-être même en portant leur hégémonie sur le vieil imperium d'Assur, à l'origine de l'Assyrie. Pour empêcher leur progression triomphante vers le sud, l'Égypte pharaonique intervient et mène son armée près de l'Oronte. La bataille de Qadesh en 1274 av. J.-C. est la plus grande bataille de chars de l’histoire antique, avec cinq mille chars de guerre engagés dont 2 000 chars légers égyptiens et 3 000 chars en général lourds à trois chevaux hittites[réf. nécessaire]16.

Égypte

 
Ramsès II à la bataille de Qadesh (1274 av. J.-C.)

Les légers chars de guerre, de course ou de chasse, à fond de lanière de cuir, et avec eux, l'élevage sélectionné du cheval, apparaissent en Égypte sous le règne des Hyksôs au XVIe siècle avant notre ère et se développent dans l'Égypte impériale de la XVIIIe dynastie17. L’art égyptien, comme l’art assyrien, ont laissé de nombreuses représentations de chars de guerre, dont certains richement ornés. L’arc est la principale arme offensive des chars égyptiens et assyriens. Les Égyptiens inventent le joug pour leur chevaux vers 1500 av. J.-C. Les exemplaires les mieux conservés de chars égyptiens sont les six qui se trouvaient dans la tombe de Toutânkhamon.

Dans la Bible

Les chars de guerre sont fréquemment évoqués dans l’Ancien Testament, particulièrement par les prophètes, comme des symboles de puissance ou de gloire. La première mention se trouve dans l’histoire de Joseph, dans la Genèse.

Les chars de fer sont aussi évoqués dans le livre de Josué et le livre des Juges comme des armes des Cananéens. Plus tard, le premier livre de Samuel rapporte l'utilisation de chars par les Philistins en très grande quantité (900 chars dans les Juges, 30 000g dans le livre de Samuel) mais sans préciser leur qualité : c'est à cette époque que le fer est devenu commun, mais ce grand nombre peut aussi intégrer des chars de qualité moindre. Ces Philistins sont cependant parfois identifiés avec les Peuples de la mer ou les Mycéniens primitifs. La Bible compte d’autres passages où le char est cité.

L’Âge du fer en Mésopotamie

Probablement à partir des Hittites et du Mitanni, le char se répand dans toute la Mésopotamie et l’Élam au Ier millénaire av. J.-C. Les Assyriens et les Babyloniens en font un grand usage, bien que son utilité militaire soit de plus en plus restreinte. Le char est alors bien plus un symbole militaire et un moyen de transport royal. Sur un bas-relief de Ninive à la date estimée vers 658 av. J.-C., Assurbanipal parade sur une voiture de chasse dont les deux roues légères du train sont ostensiblement cloutées sur leur circonférence et possèdent chacune un moyeu relié à la jante par huit rayons.

Les Perses succèdent à Élam au milieu du Ier millénaire av. J.-C. Ils sont les premiers à atteler quatre chevaux, au lieu de deux, à leurs chars. Ils inventent aussi un type de char avec des roues équipées de lames acérées. Cyrus a fait un grand usage de ces chars. Hérodote mentionne que la satrapie de l’Indus fournissait à l’empire des renforts de cavalerie et de chars à l’armée de Xerxès. Dès cette époque, la cavalerie est bien plus efficace et maniable que les chars, et la défaite de Darius III à Gaugamèles (331 av. J.-C.), où les troupes d’Alexandre le Grand se contentent d’ouvrir les rangs pour laisser passer les chars à faux (en) et attaquer ensuite, marque le déclin de l'utilisation des chars à la guerre. On en fera cependant encore usage dans les royaumes hellénistiques jusqu'à la conquête romaine.

Europe septentrionale

Un certain nombre de pétroglyphes nous sont parvenus, datant de l’Âge du bronze, et représentant des chars, comme celle d’une tombe royale de la fin du IIe millénaire av. J.-C. Le char du Soleil (sculpture) de Trundholm est daté d'environ 1400 av. J.-C. Les chars (en sculptures, gravures ou pétroglyphes) sont munis de roues à 4 rayons. Le char n’est composé en fait que du Soleil lui-même, posé sur l’essieu, et des roues. Il est possible que le Soleil conduise le char, ou qu’il soit le char lui-même. Il demeure néanmoins que la présence d'un char, même cultuel, à cette époque sur le territoire scandinave, reste tout à fait remarquable, voire unique.

Europe centrale et occidentale

 
À droite : Roue à rayon et plaquage de bronze. Árokalja (Hongrie). À gauche : Ornement d'axe en bronze provenant d'un char retrouvé à Tarcal. 1000 av. J.-C. Musée national hongrois.

Les Étrusques

Le seul char étrusque en bon état date d'environ 530 av. J.-C.. Trouvé dans une tombe à char, il est orné de plaques de bronze rappelant le chaudron de Gundestrup, et ses roues ont neuf rayons.

Les Celtes

Les Celtes ont été des fabricants de chars réputés ; le mot français char vient d’ailleurs indirectement, du gaulois karros qui a la même origine indo-européenne que le latin classique currus et l'a d'ailleurs supplanté en latin populaire. Les chars jouent un rôle important dans la mythologie celtique irlandaise, notamment auprès du héros Cúchulainn. On connait le nom de plusieurs types de véhicules utilisés par les Celtes antiques, parmi lesquels l'esseda, la reda, le petoritum, et d'autres comme peut-être le pilentum et le colisata, ce dernier cité par Pline18.

Les chars celtes à deux roues de la période de la Tène (alors qu'ils étaient munis de quatre roues au cours de la civilisation de Hallstatt) sont attelés de deux chevaux et font à peu près deux mètres de large sur quatre de long. Les jantes en fer sont probablement une invention celteh. Excepté les jantes et les pièces de fer de la nacelle, les chars sont fabriqués en bois ou en vannerie. Quelquefois, des anneaux de fer renforcent les attaches. Les Celtes apportent une autre innovation, l’essieu libre, suspendu à la plate-forme par des liens. Les chars celtes sont ainsi bien plus confortables sur un terrain irrégulier19.

Les Bretons insulaires utiliseront les chars de guerre jusqu'au IIIe siècle apr. J.-C. Le char breton était maniable et permettait aux Bretons de combiner l'agilité de l'essedaire (« conducteur du char », nom venant du gaulois latinisé esseda désignant le char celtiquei) à la solidité du fantassin. En effet, le char breton comportait toujours deux passagers : un conducteur et un combattant. Le combattant n'hésitait pas à mettre pied à terre pour affronter l'ennemi tandis que le conducteur du char se tenait prêt à le récupérer, pour ensuite prendre la fuite si nécessaire. Cette stratégie du char de guerre fut notamment utilisée par les Bretons contre César en 55 av. J.-C., lors de ses expéditions dans l'Île de Bretagne20.

Mycènes

Les Mycéniens utilisaient eux aussi les chars de guerre. Les comptes en linéaire B, principalement à Cnossos, accordent une grande place aux chars de guerre en stock (wokha) et à leurs pièces de rechange, en distinguant les chars démontés des chars assemblés. En linéaire B, l’idéogramme pour le char de guerre est un dessin abstrait, composé de deux roues à quatre rayons. Les chars ne sont plus utilisés pour la guerre après la chute de la civilisation mycénienne. Dans l’Iliade, les héros se déplacent toujours en char, mais en descendent pour combattre l’ennemi. Les chars ne sont plus utilisés que pour les courses dans les jeux publics, ou pour les défilés, et conservent la même apparence. Dans les récits homériques, les chars décrits par Homère sont toujours de construction légère, couverts d'une housse lorsqu'ils ne servent pas, et ne peuvent emporter qu’une seule personne. L’Iliade décrit aussi une course de chars, pour les funérailles de Patrocle.

 
Idéogrammes du linéaire B relatifs aux chars
 

Grèce classique

 
Tétradrachme en argent représentant un char à deux roues tiré par une mule et dirigé par un aurige

Il existe déjà une cavalerie (peu efficace) en Grèce classique, le terrain caillouteux de la Grèce continentale étant aussi impraticable aux chars légers qu’aux chevaux non ferrés ; sur de longues distances parcourues journellement, les sabots sont usés ou blessés par les cailloux, et jusqu’à l’invention du fer, il arrivait souvent qu’une part non négligeable des chevaux clopinent en arrivant sur le champ de bataille. Cependant, le char conserve un statut prestigieux, notamment à travers la poésie épique et reste utilisé lors de courses de chars qui semblent bien présentes dès le début des Jeux olympiques en -620 ou des Jeux Panathénaïques.

Les chars grecs sont conçus pour être tirés par deux chevaux placés de chaque côté d’un timon. Quelquefois, deux chevaux sont ajoutés, attachés de chaque côté de la paire principale, par une simple barre montée à l’avant du char. Les pieds de l’automédon (conducteur du char), qui est assis, sont posés sur une planche montée à l’avant du char, très près des jambes des chevaux. Le bige n’est qu’un simple siège posé sur l’essieu, avec une barre de chaque côté du conducteur afin de le garantir des roues.

La nacelle du char continue d’être posée directement sur l’essieu. Il n’y a aucune suspension, ce qui en fait un moyen de transport pour le moins inconfortable. À l’avant et sur les côtés un garde-corps semi-circulaire d’environ un mètre de haut protège éventuellement d’une attaque ennemie. L’arrière est ouvert, permettant de monter et de descendre facilement du char. Sauf sur les chars de course, il n’y a pas de siège et juste assez de place pour le conducteur et un (une) passagèr(e).

Le timon est probablement fixé au milieu de l’essieu. Au bout du timon se trouve le joug, qui consiste en deux harnachements légers étranglant les chevaux, attaché par de larges lanières autour du torse du cheval. Le harnachement est complété par une bride et une paire de rênes, identiques à celles utilisées jusqu’au XIXe siècle, faites en cuir et parfois ornées de perles, ivoire ou métal. Les rênes passent par des anneaux fixés sur les bandes du collier du cheval et sont assez longues pour que l’automédon puisse les enrouler autour de son corps et ainsi se défendre.

Les roues comme la nacelle sont souvent en bois, renforcées de fer ou de bronze. Elles ont quatre ou huit rayons et sont équipées de jantes en fer ou en bronze.

Ce modèle de char est courant dans tout le bassin méditerranéen à l’époque, les principales différences résidant dans les méthodes de fixation.

Rome antique

 
Plaque ornementale en bronze d'un char romain représentant de gauche à droite, Pan, Bacchus et un Satyre. IIe siècle

Les Romains ont probablement connu le char par l’intermédiaire des Étrusques, qui l’avaient eux-mêmes importé de Grèce ou de Gaule. Les Romains sont cependant influencés directement par les Grecs, notamment après la conquête de la Grèce continentale en 146 av. J.-C.

Les Romains ont érigé un vaste réseau centré de voies, à l'origine militaire, afin de transporter par char véloce matériel et troupes, avec l'aide de relais de poste ou stations tous les quatre milles romains (environ 6 km) où il était possible de se désaltérer, manger, changer les chevaux ou au besoin se reposer. La via Appia, partant de Rome, avait 20 mètres de large21.

Sous l’Empire, les chars ne sont pas utilisés au combat. Ils sont réservés aux parades, notamment pour les entrées triomphales présentant les esclaves captifs ou prisonniers attachés symboliquement au char du vainqueur, et aux courses, principalement au Circus Maximus22. La piste est assez large pour faire courir 12 chars de front, les deux côtés de la piste étant séparés par un large mur, la spina. La popularité des courses de char qui triomphe sous l'Empire se maintient jusqu’à l’Empire byzantin, qui les pratique sur l’hippodrome de Constantinople23, alors que les Jeux olympiques ont été interrompus en 396. Elles ne déclinent qu’après la sédition Nika, au VIe siècle.

Les Romains n’ont à affronter qu’occasionnellement des armées utilisant des chars : les révoltes celtes (voir plus haut), et, en 86 av. J.-C. à la bataille de Chéronée contre Mithridate du Pont ; mais il s’agit là plus probablement d’une manœuvre visant à déstabiliser les légions.

Filiation moderne

Le rôle tactique des chars antiques de rapidité, de percée et de poursuite de l'ennemi a été repris dès l'Antiquité par la cavalerie, puis dans la guerre moderne par le char d'assaut et les blindés en général. Peu après la Première Guerre mondiale, juste après l’introduction des chars blindés, il y eût également des side-cars équipés de mitrailleuses et des auto-mitrailleuses jouant le même rôle que le char antique ou la cavalerie. On peut également signaler le tachanka russe, qui utilise brièvement le concept de chars à chevaux, en étant armé de mitrailleuses, mais c’est en fait plus une version légère de l’artillerie à cheval utilisée depuis plus d’un siècle sur les champs de bataille européens.

Sur les techniques artisanales en rapport avec le transport, consulter l'association Instrumentum24.

Notes et références

Notes

  1. Terme probablement issu du gaulois *edsedon ou *adsedon, dont le radical est *sed « rester assis ».

Références

Bibliographie

Filmographie

Voir aussi

Articles connexes

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Liens externes

Char d'assaut

 
 

Le char d'assaut (en anglais : tanka, en allemand : Panzer) est un système d'arme mobile constitué d'un canon monté sur un véhicule automobile blindé et le plus souvent chenillé (il existe également des chars légers à roues) permettant à la fois d'évoluer sous protection et de tirer.

Description schématisée

Schéma légendé d'un char.
  1. Viseur du tireur/opérateur tourelle
  2. Masque du canon
  3. Mitrailleuse coaxiale
  4. Évacuateur de fumée
  5. Canon
  6. Épiscopes
  7. Volet d'accès au compartiment de conduite
  8. Glacis
  9. Chenille
  10. Boîte d'obus
  11. Mitrailleuse du chef de char
  12. Volet du tourelleau
  13. Tourelle
  14. Interface tourelle-châssis
  15. Caisse ou châssis
  16. Prise d'air du moteur
  17. Déport de caisse
  18. Jupe latérale
  19. Barbotin
  20. Maillon de chenille
  21. Galet de roulement

Origine du terme tank

Quelques mois après le début de la Première Guerre mondiale, en octobre 1914, le colonel Ernest Dunlop Swinton de la British Army, un tacticien militaire, a le projet de concevoir un véhicule armé, blindé et à chenilles. Une visite au front l’a en effet convaincu que la combinaison de la guerre des tranchées et de la mitrailleuse exigeait un tel véhicule. Ce projet atterrit sur le bureau de Winston Churchill, alors Premier Lord de l’Amirauté, qui en comprend l’intérêt et constitue en février 1915 un comité pour l’étude de ces prototypes de « landships » (littéralement navires de terre), le Landship Committee. Le char naît ainsi à Londres. Une maquette en bois est présentée au comité le et un prototype, appelé "Mother" (Mère), effectue ses premiers essais le devant le roi et les hautes autorités gouvernementales. Le char est en conséquence commandé à 100 exemplaires sous la dénomination Mark I. Soucieux d’en garder le secret, les Britanniques proposent d’abord de les appeler « Water Carrier » (porteur d’eau), en proclamant qu’ils sont destinés au ravitaillement en eau de l’armée britannique de Mésopotamie. Plusieurs autres appellations sont envisagées avant que le colonel Swinton utilise le nom de « tank » (c’est-à-dire réservoir d’eau) en , afin de faire croire que le Royaume-Uni produit des réservoirs d’eau autotractés à destination du front mésopotamien1.

Types de chars

Histoire

 
Réplique du char de Léonard de Vinci, un des précurseurs du char d'assaut contemporain.

Première guerre mondiale

 
Char britannique « Mark II (de) » à demi enfoui sur le champ de bataille dans le nord de la France en 1918.

Le char d'assaut que l'on connaît aujourd'hui, c'est-à-dire un véhicule blindé tout terrain armé d'un canon, prend forme lors de la Première Guerre mondiale2.

Les premiers chars datent de 1915 et sont anglais de type Mark I avec canon ou mitrailleuses mais, trop lourds, ont tendance à s'embourber3.

 
Premier char de l'armée britannique Mark I en septembre 1916 utilisé, pour la première fois, au cours de la Bataille de la Somme.

La France décide de lancer le projet du char Schneider CA1 en 1915.

 
Le Schneider CA1, premier char de l'armée française, en avril 1917.

La production débute durant l’année 1916. Produit par la Société d'outillage mécanique et d'usinage d'artillerie (SOMUA), il est le premier char allié aux troupes Françaises. Ce char est produit à 400 exemplaires, il pèse 14 tonnes, mesure 6,32 m de long, 2,05 m de largeur et 2,30 m en hauteur, et un total de 6 hommes sont nécessaires pour le faire fonctionner. Il est motorisé par un moteur de 55ch, ce qui lui permet d’atteindre une vitesse en tout terrain de 3 km/h et 6 km/h sur route. Il est armé d’un canon de 75 mm Blockhaus Schneider sur l’avant droit et de deux mitrailleuses Hotchkiss Mle. Le principal défaut de ce char est sa mobilité, le rendant vulnérable aux tirs d’artillerie. Malgré cela, il sera produit jusqu’à aout 1918 et servira jusqu’à la fin de la première guerre mondiale, mais également pendant la guerre d’Espagne (1921-1936). Le deuxième projet français est celui du char Saint-Chamond. Il entre en production en 1916, il est produit par la Compagnie des forges et aciéries de la Marine et d'Homécourt (FAMH). Le Saint-Chamond est produit à 300 exemplaires, il est plus lourd que son prédécesseur avec un poids total en fonction des versions de 22 t (pour la version « M1 ») et 24 t (pour la version « M2 »). Il mesure 8,7 m de long, 2,7 m de large et 2,4 m en hauteur, et un nécessaire de 9 hommes sont nécessaires. Il est motorisé par un moteur de 90ch lui permettant d’atteindre une vitesse de 5 km/h en tout terrain et 12 km/h sur route. Il est armé d’un canon de 75 mm L12C TR en casemate pour la version M1, pour la version M2 le char sera muni du fameux canon de 75 mm Mle 1897 en casemate. Il est aussi muni de 4 mitrailleuse Hotchkiss modèle 1914, une sur chaque face du char. Il servira jusqu’en 1918.

 
Deux Char Renault FT, le premier muni d'une mitrailleuse Hotchkiss, le second muni d'un canon de 37 mm. Ce char équipait surtout l'armée française en 1918, mais aussi l'armée américaine ayant acheté des exemplaires à la France.

L’Allemagne se muni également d’un char d’assaut. Le projet du char allemand débute en 1916. Le Sturmpanzerwagen A7V est mis en service en octobre 1917. Ce char est produit par plusieurs entreprise Allemande : Daimler-Motoren-Gesellschaft, Friedrich Krupp AG, Carl Röchling AG. Ce char est produit à 21 exemplaires, il pèse 33 tonnes, mesure 7,35 m de long, 3,06 m en largeur, 3,35 m en hauteur, et un total de 18 hommes sont nécessaires pour le faire fonctionner. Il est motorisé par un moteur de 200ch, ce qui lui permet d’atteindre une vitesse en tout terrain de 6 km/h et 16 km/h sur route. Il est armé d’un canon de 57 mm Maxim-Nordenfelt L/26.3 en casemate et de cinq mitrailleuses MG 08. Il servira jusqu’en 1918.

En France, Louis Renault conçoit le premier char léger, le FT-17, utilisé à partir de 1918 dans l’appui de l'infanterie; il sera surnommé « le char de la victoire »3.

Entre deux guerres

 
Char britannique Vickers E type A, équipé de deux tourelles identiques avec mitrailleuses en 1930.

Produit depuis 1930, le Panzer I est de toutes les batailles engagées par l'Allemagne4.

À la suite du succès des chars Renault lors de la Première Guerre mondiale, plusieurs chars légers sont mis au point5.

Guerre d'Espagne

Les chars de différentes nations se sont affrontés durant ce conflit (Allemagne, Italie, URSS), avec parfois des abordages de char6[réf. à confirmer].

Campagne de Pologne

En 1939, pendant la campagne de Pologne, les blindés polonais sont dépassés, essentiellement par le nombre des blindée nazis, notamment grâce à l'apport des chars tchèques7.

Seconde Guerre mondiale

Après la Drôle de guerre, où chaque camp reste sur la défensive, les Nazis font usage du Blitzkrieg, qui repose sur l'effet de surprise, lors du passage par les Ardennes des chars allemands, ce qui semblait impossible pour les stratèges français du fait des obstacles naturels. Par manque de temps, les armées alliées n'ont pas détruit certains ponts traversant la Meuse, ce qui a permis aux Allemands de franchir cet obstacle sans trop de difficulté8.

Des chars d'assaut à roue comme l’Autoblinda AB40 de 1940 connaissent la Guerre du désert, les Balkans et, pour certains, le Front de l'Est.

Les chars d'assaut dans le monde actuel

Parc blindé mondial

Le nombre total de chars opérationnels en 2002 serait de 106 000.

Part du parc blindé mondial (2002)9
8 % États-Unis
15 % autres membres de l'OTAN
13 % Russie
8 % République populaire de Chine
18 % reste de l'Asie
22 % Moyen-Orient et Afrique du Nord
16 % reste du monde

Constructeurs de véhicules militaires

Le prix d'un char de combat neuf est très variable, il dépend de sa sophistication et du nombre d'exemplaires à produire. En effet, les coûts de développement étant exorbitants, chaque constructeur cherche à exporter son modèle pour l'amortir. Dans les années 2010, peu de nations peuvent concevoir et construire un char moderne en entière autonomie, plusieurs autres en produisent sous licence ou font leur propres modèles en s’inspirant des éléments provenant d’autres véhicules.

En France, le prix unitaire du char Leclerc, produit par Nexter (anciennement Giat Industries), a été évalué à 8,6 millions de dollars10. Aux États-Unis, un char M1 Abrams, construit par General Motors et Chrysler, coûterait 5,3 millions de dollars10 et un T-90 russe serait estimé à environ 3 millions d'USD.

Conception

Les trois facteurs traditionnels déterminant l'efficacité d'un char sont sa puissance de feu, sa protection et sa mobilité :

La conception d'un char est donc traditionnellement issue d'un compromis entre ces trois facteurs. Par exemple, en renforçant le blindage, on augmente la protection mais aussi le poids et on diminue donc la manœuvrabilité. Une puissance de feu supérieure, obtenue en utilisant un canon de plus gros calibre, diminue la manœuvrabilité et la protection.

L'effet psychologique sur les soldats (effet négatif pour les ennemis, positif pour les alliés) de la présence imposante d'un char sur un champ de bataille est également un facteur important.

Puissance de feu

 
Le canon est l'arme principale du char.

Sur le champ de bataille, l'équipage du char doit être capable d'identifier, d'engager et de détruire rapidement de nombreux types de cibles tout en gardant une mobilité optimale. Dans ce but, il est équipé d'outils de détection et de contrôle du tir très sophistiqués. Il dispose d'un canon principal capable de tirer des munitions explosives ou perforantes, il s'agit en général d'obus, et de mitrailleuse(s) contre l'infanterie, les véhicules légers ou les hélicoptères.

L'arme principale de tout char de combat est un canon de gros calibre. Mis à part quelques pièces d'artillerie, les canons de chars sont les plus gros calibres utilisés sur terre. Ces calibres ont beaucoup évolué depuis la Seconde Guerre mondiale. Le calibre couramment utilisé est le 120 mm pour les chars occidentaux et 125 mm pour les chars russes et chinois. Les chars sont capables de tirer une grande variété de munitions, mais celles couramment utilisées sont les munitions à énergie cinétique et les munitions à explosif brisant. Aujourd'hui seuls les chars britanniques et indiens utilisent des canons rayés, les canons lisses étant le type dominant.

Les canons des chars modernes sont généralement équipés d'un manteau thermique afin de réduire la différence de température sur le tube principal. Lorsqu'il pleut ou lorsqu'il vente, la partie exposée au vent et à la pluie refroidit plus vite que le reste du canon. Cette différence de température, et donc de dilatation du métal du fût, va déformer légèrement le canon et avoir une influence sur la précision du tir à longue distance.

En général, les chars portent également d'autres armements, qui leur assurent une protection contre l'infanterie face à laquelle l'utilisation du canon principal est inefficace à courte distance. Typiquement, il s'agit d'une mitrailleuse (7,62 à 12,7 mm), montée sur le même axe que le canon principal. Sur certains chars de combat français comme l'AMX-30 et l'ex-AMX-40 sont montés des canons de 20 mm à côté de l'armement principal pour pouvoir détruire des véhicules légèrement blindés. De plus, sur leur toit ou à la disposition du chef de char, de nombreux chars disposent d'une mitrailleuse pour tirer sur des cibles très mobiles, aériennes ou au sol. Les mitrailleuses de calibres 12,7 et 14,5 mm couramment montées sur les chars américains ou russes et sur le char Leclerc sont également capables de détruire, à courte distance, des véhicules légèrement blindés.

Quelques chars ont été adaptés à des rôles plus spécifiques comme les lance-flammes ou la détection de toxiques de guerre, voire la défense anti-aérienne à tir rapide. Ces armes spécialisées sont souvent montées sur des châssis de blindés transporteurs de troupes.

Conduite de tir

 
Un char moyen Sherman M4 américain tirant à partir d'une position préparée durant la guerre de Corée.

Historiquement, la visée pour les tirs des premiers chars était effectuée avec des viseurs optiques simples, avec une estimation de la vitesse et de la direction du vent faite par le tireur, ou à l'aide d'outils simples. La distance à la cible était estimée à l'aide du viseur (des tirets alignés dans le viseur encadrant la cible de taille connue). En conséquence, la précision était limitée pour les tirs à longue portée, et assurer un coup au but en tirant en mouvement relevait quasiment de l'impossible. Ce temps a pris fin avec l'apparition des télémètres stéréoscopiques, et plus tard, des télémètres laser.

Dans les armées des pays industrialisés, la plupart des chars de combat modernes utilisent des télémètres laser, mais les télémètres optiques et à réticule sont toujours en service dans des véhicules plus anciens et moins sophistiqués. Les chars modernes ont une panoplie de systèmes pour rendre leurs tirs plus précis. Des gyroscopes sont utilisés pour stabiliser l'arme principale ; les ordinateurs calculent l'altitude et le point de visée appropriés ; des sondes mesurent la vitesse du vent, la température de l'air, l'humidité, la température du canon, sa déformation, la vitesse de la cible (calculée en prenant au moins deux mesures successives avec le télémètre) et le mouvement du char. L'infrarouge, l'amplification de lumière, ou les équipements thermiques de vision de nuit équipent généralement les engins modernes. Des indicateurs de cible laser peuvent également être employés afin d'illuminer des cibles pour les munitions guidées. En conséquence, les chars modernes peuvent faire feu avec une précision raisonnable tout en se déplaçant.

Munitions

 
Munitions de 120 et de 105 mm.

Il existe plusieurs types de munitions conçues pour percer un blindage, comme les obus à tête d'écrasement (HESH : High explosive squash head, également appelées HEP : high explosive plastic), les obus explosifs à charge creuse (HEAT : High explosive anti-tank) et les obus perforants sous-calibrés à sabot détachable (APDS : Armour-Piercing Discarding Sabot). Pour augmenter la précision des tirs, ces obus sont mis en rotation par des rainures creusées dans l'âme du canon, ou par des ailerons-stabilisateurs.

Quelques chars, y compris les M551 Sheridan, T-72, T-64, T-80, T-84, T-90 et PT-91, peuvent tirer des missiles guidés antichars depuis leur armement principal. Cette fonctionnalité peut grandement accroître leurs possibilités de combat au-delà de la portée utile de combat habituelle des obus conventionnels. Cela fournit également au char une arme utile contre les cibles aériennes lentes évoluant à basse altitude comme des hélicoptères. Les États-Unis ont abandonné ce concept, retirant le M551 et le M60A2 de leurs forces, en faveur des hélicoptères et de l'avion pour les rôles antichar, mais les pays de la Communauté des États indépendants continuent à utiliser des systèmes de canon-missile dans leurs chars de combat.

Protection

 
Exercice d'évacuation d'un char M-3 Lee en 1943.

La protection d'un char est la combinaison de sa capacité à prévenir la détection pour éviter d'être frappé par le feu ennemi, et de la capacité de son blindage à résister aux effets du feu ennemi et à les encaisser afin de protéger l'équipage et d'accomplir la mission.

Éviter la détection

Dans les secteurs boisés, des chars immobiles peuvent être bien camouflés, rendant la détection et l'attaque aérienne difficiles. En revanche, dans une aire ouverte, il est très difficile de cacher un char. Dans les deux cas, un char en mouvement peut être beaucoup plus facilement détecté, grâce à la chaleur et au bruit dégagés par son moteur. Les traces des chenilles des chars peuvent être repérées depuis un aéronef, et dans le désert, leurs mouvements peuvent créer des nuages de poussière très importants, eux aussi facilement repérables par l'ennemi.

La puissance élevée des moteurs de chars modernes (typiquement au-dessus de 750 kW, soit 1 000 ch) fait qu'ils produisent une signature thermique distincte. La masse exceptionnellement compacte du métal de la coque du tank concentre la chaleur d'une façon très contrastée par rapport aux autres objets dans la campagne. Il est ainsi relativement facile de repérer un char en mouvement par de bons outils de balayage infrarouges terrestres ou aériens. Une des raisons du combat de nuit pendant la guerre du Golfe était que les chars comme le M1 Abrams voient presque quatre fois mieux les infrarouges que les T-72 employés par l'armée irakienne. Un autre facteur dans la guerre du Golfe était que, de nuit, même camouflés et ne se déplaçant pas, les tanks irakiens se refroidissaient moins vite que leur environnement, facilitant la détection thermique.

Un char immobile, mais récemment arrêté après une période d'activité, conserve une signature thermique considérable. Ainsi, même si le char lui-même est caché (par exemple derrière une colline), il est encore possible qu'un opérateur habile le détecte par la colonne d'air chaud qu'il génère au-dessus de lui. Ce risque peut être légèrement réduit par l'utilisation de couvertures thermiques qui diminuent le rayonnement de la chaleur pendant que le moteur se refroidit doucement. Certains filets de camouflage sont composés d'un mélange de matériaux disposant de propriétés thermiques différentes.

Les chars sont propulsés par des moteurs diesel ou des turbines d'une puissance comparable à une locomotive diesel. Donc, de l'extérieur, un char diesel dégage la même odeur et fait le même bruit qu'une locomotive diesel. Le grondement profond peut être entendu à grande distance par temps calme, et l'odeur du diesel, forte, peut être emportée très loin par le vent. Quand un char immobile garde son moteur allumé, le sol tremble autour de lui, mais quand il se déplace, les vibrations sont encore plus grandes. Les signatures acoustiques et sismiques des moteurs polycarburants sont comparables. La signature acoustique d'un moteur à turbine est beaucoup plus grande : son gémissement aigu peut beaucoup plus facilement être distingué d'autres bruits de fond, quelle que soit sa distance.

Blindage

Le char de combat est le véhicule le mieux blindé dans les armées modernes. Son blindage est conçu pour protéger le véhicule et son équipage d'une grande variété de menaces. Généralement, la protection contre les pénétrateurs à énergie cinétique (balles, missiles, obus…) tirés par les autres chars est considérée comme la plus importante. Les chars sont également vulnérables aux missiles guidés antichars, aux mines antichars, aux grosses bombes, et aux tirs d'artillerie, qui peuvent les neutraliser ou même les détruire. Les chars sont particulièrement vulnérables aux menaces aériennes.

 
Le châssis (en rouge) est appelé également "caisse".

Le poids dû à la quantité de blindage nécessaire pour le protéger contre toutes les menaces imaginables sous tous les angles serait trop grand pour être réaliste ; concevoir un char est donc toujours affaire de compromis entre le blindage et le poids. Dans ce domaine, on finance et on suit de très près la recherche sur les nouveaux alliages et matériaux.

La plupart des véhicules de combat blindés sont faits de plaques d'acier, dans certains cas d'aluminium, durcies, en anglais : hardened steel plate. L'efficacité relative du blindage est exprimée par comparaison à une tôle de blindage homogène obtenue par laminage.

La plupart des véhicules blindés sont mieux protégés à l'avant, et l'équipage essaie toujours de maintenir l'engin dirigé vers la direction la plus probable de l'ennemi. Le blindage le plus épais et le plus incliné est sur le glacis, à l'avant de la tourelle. Les côtés sont moins blindés, et l'arrière, le ventre et le toit sont les moins protégés.

Avant la Seconde Guerre mondiale, plusieurs concepteurs de chars ont essayé d'incliner les plaques de blindage sur les chars expérimentaux. Lorsque celles-ci sont inclinées, l'efficacité du blindage augmente considérablement, en augmentant leur épaisseur perpendiculaire aux trajectoires des projectiles, et en accroissant la chance que ces projectiles ricochent. Le premier char d'assaut à blindage incliné produit à grande échelle qui put y parvenir de façon satisfaisante fut le fameux char moyen T-34. Son blindage frontal de 45 mm est incliné à 60° par rapport à la verticale (ou 30° par rapport à l'horizontale). Cette incidence double l'épaisseur effective du blindage qui passe de 45 mm à 90 mm. L'inclinaison réduit le volume interne et permet d'économiser de l'acier, ce qui permet de produire plus de chars et d'alléger leur poids pour qu'ils gagnent en mobilité. Les équipages allemands étaient horrifiés en constatant parfois que les projectiles tirés horizontalement sur les T-34 ricochaient.[source?]

Pendant la Seconde Guerre mondiale, les roquettes tirées depuis les avions ont gagné une réputation d'arme anti-char redoutable, particulièrement après le débarquement de Normandie (voir l'Opération Neptune) ; les analystes d'après-guerre rapportent que de nombreuses cibles ont été manquées, mais de peu. Les obus anti-blindage perforants tirés à partir d'avions, comme ceux du Hurribomber (40 mm) ou Stuka (37 mm), pouvaient aussi être efficaces. Un simple cocktail Molotov sur le capot du moteur pouvait également neutraliser la plupart des chars.

Aujourd'hui, les chars sont particulièrement vulnérables aux missiles « à attaque par le dessus » et aux attaques aériennes, ainsi qu'aux mines spécialisées. Même les armes antichars légères d'infanterie (telles que les lance-roquettes) peuvent immobiliser un char en endommageant sa suspension ou ses chenilles. Beaucoup de véhicules militaires ont donc des jupes latérales pour protéger la suspension.

Les munitions à charge creuse, mises en œuvre la première fois dans des armes comme le bazooka, étaient une nouvelle menace durant la Seconde Guerre mondiale. Ces armes portent une ogive avec une charge explosive, qui focalise la force de l'explosion sur un flux étroit et pénétrant. Les blindages constitués de minces plaques espacées ou de mailles en acier, les jupes en caoutchouc, ainsi que les tuiles de blindage réactives (provoquant une explosion à la surface du char) se sont avérés aptes à réduire considérablement la puissance pénétrante des charges creuses en dispersant leurs jet de gaz. Les tuiles de blindage réactives, ou blindage actif, sont un concept développé par l'armée israélienne depuis près de deux décennies, consistant en un ensemble de caissons de la taille d'une boîte à chaussures contenant des charges explosives neutralisant l'effet d'un projectile ennemi en explosant à son contact.

Les obus à tête d'écrasement (HESH ou HEP) utilisent des explosifs souples, qui se collent au blindage du véhicule ennemi et créent des éclats dangereux à l'intérieur même du char quand la charge éclate. Celles-ci peuvent tuer l'équipage sans pénétrer ni endommager le blindage, neutralisant de cette façon le tank. En guise de défense, certains véhicules ont une couche anti-éclats (en anglais : anti-spall) fixée à l'intérieur.

Depuis la fin des années 1970, les chars de combat occidentaux sont équipés d'un blindage Chobham de conception britannique offrant à la fois une protection contre les projectiles à charges creuses et les obus-flèches.

Les premières applications industrielles de la nanotechnologie dans le domaine du blindage font que des nanotubes de carbone composites à matrice métallique sont utilisés, entre autres, par le char japonais Type 10 fabriqué depuis 2010.

Le char Merkava israélien pousse l'idée des systèmes de haute protection à l'extrême, en utilisant le moteur et ses réservoirs de carburant en tant que protection secondaire.

Quand le blindage est détruit, la capacité de l'équipage à s'échapper de l'engin devient primordiale[incompréhensible], une basique question de survie. La trappe d'évasion, par exemple, au fond de la coque comme dans le T-34 ou sur le côté, comme dans le Churchill, constituent des faiblesses potentielles mais nécessaires dans un blindage.

Défense passive

La plupart des véhicules blindés ont des lance-grenades fumigènes qui peuvent rapidement déployer un écran de fumée afin de se dissimuler et d'effectuer une retraite lorsqu'ils sont victimes d'une embuscade ou d'une attaque directe et que la situation l'exige. L'écran de fumée est très rarement utilisé offensivement, cela aveuglerait l'attaquant lui-même et donnerait à l'ennemi une première indication de l'origine de l'attaque. Les grenades fumigènes modernes permettent d'occulter les systèmes optiques fonctionnant dans le spectre infrarouge aussi bien que dans le spectre visible de la lumière.

Certaines grenades fumigènes sont conçues pour créer un nuage très dense capable de bloquer les lasers des indicateurs de cible ennemis et réduire également la visibilité, ce qui diminue la précision des tirs ennemis, particulièrement en ce qui concerne les armes à faible vitesse, telles que les missiles antichar, car ceux-ci exigent un maintien du char visé en visuel pour l'opérateur pendant une période relativement longue. Sur beaucoup de chars, comme le char français Leclerc, les lance-grenades fumigènes sont également conçus pour lancer des grenades lacrymogènes et des grenades antipersonnel à fragmentation. Beaucoup de chars israéliens ont des petits mortiers qui peuvent être actionnés à partir de l'intérieur du char, augmentant le potentiel antipersonnel et permettant d'attaquer des objectifs situés derrière des obstacles. Il y a eu des tentatives pour équiper des chars avec des lanceurs de grenades bi-fonction fumée/fragmentation pouvant être rechargés de l'intérieur.

Avant l'arrivée de systèmes d'imagerie thermique, la grenade fumigène basique des véhicules de combat était une grenade à phosphore blanc qui créait un écran de fumée très rapidement avec un effet incendiaire très utile contre l'infanterie.

Certains chars disposent également de générateurs fixes de fumée qui peuvent produire de la fumée en continu. Généralement, ces générateurs de fumée fonctionnent en injectant du fioul dans l'échappement où il ne brûle que partiellement, créant un écran de fumée dense.

Les chars modernes sont équipés de plus en plus de systèmes défensifs passifs comme des dispositifs de détection de faisceau laser, qui activent une alarme si le char « est balayé » par un télémètre ou un indicateur laser.

D'autres défenses passives incluent les dispositifs de détection d'ondes, qui avertissent si le char est visé par les systèmes radar qui sont utilisés généralement pour guider les armes antichars, telles que les radars à longueur d'onde très courte, comme les radars millimétriques.

Contre-mesures

Les contre-mesures passives, comme le système russe Shtora, essayent de brouiller les systèmes de guidages des missiles.

Le blindage réactif explosif (explosive reactive armour ou ERA) est un autre principal type de protection contre les armes antichars à fort potentiel explosif. Les différentes parties du blindage explosent pour absorber la force explosive globale en un point contrôlé du blindage global du char. Un blindage réactif est attaché à l'extérieur du char à l'aide de tuiles remplaçables.

Les systèmes de protection actifs (active protection system ou APS) vont encore plus loin que les blindages réactifs. Un APS utilise un radar (ou autres technologies de détection) pour réagir dynamiquement aux projectiles hostiles : quand le système en détecte un, il décide des mesures à prendre, comme le lancement d'un contre-projectile explosif pour arrêter ou perturber la course du projectile à quelques mètres du char seulement.

Exposition de l'équipage

Lorsque le char se déplace, le commandant de char et le conducteur à l'avant, s'ils sortent la tête par leur écoutille, sont relativement exposés aux tirs ennemis. Cela dit, cette disposition reste la plus sûre pour le char en terrain peu hostile car elle donne à l'équipage la meilleure visibilité sur le terrain afin de juger de la dangerosité du milieu. Lorsque le char engage un combat avec des forces susceptibles de le mettre en péril, les écoutilles sont verrouillées et l'équipage se sert des équipements optiques.

Mobilité

 
Les chenilles du char lui permettent de se mouvoir avec aisance sur terrains accidentés.

Les caractéristiques de la mobilité

Il y a trois aspects essentiels à considérer concernant la mobilité d'un char d'assaut :

La mobilité est ce que les concepteurs de chars appellent l'agilité. La mobilité d'un char est classée par catégorie :

Les types de terrain

Un char d'assaut est conçu pour être très mobile et aborder la plupart des types de terrain. Ses larges chenilles répartissent le poids de l'engin sur une grande surface, ayant pour résultat une pression au sol qui est parfois inférieure à celle d'un pied humain.

Les types de terrain qui posent problèmes sont habituellement la terre extrêmement molle, comme dans les marais, ou les terrains comportant de grands rochers. Dans les terrains « normaux », un char est conçu pour se déplacer entre 30 et 50 km/h. Sa vitesse sur route peut aller jusqu'aux alentours de 70 km/h.

Performances sur route

Sur le papier, ainsi que pendant n'importe quel essai de quelques heures, n'importe quel char offre des performances en tout-terrain bien supérieures à tous les engins sans chenilles qui existent.

Mais sur route, les chars sont lents et la vitesse de pointe affichée sur les tableaux de performances ne peut absolument pas être envisagée comme une vitesse de croisière, mais plutôt comme une vitesse maximale de déplacement en combat.

 
Char M1 américain à Francfort en Allemagne.

En effet, avec ses chenilles et sa masse élevée, un char circulant à vitesse élevée détruirait la fragile route qu'il emprunte, celle-ci n'étant bien évidemment pas conçue pour cela. Par ailleurs, le risque de casse du moteur serait bien trop grand si cette vitesse était maintenue pendant une journée (par exemple, pour se rendre rapidement sur un champ de bataille). Il en est de même pour la vitesse tout-terrain, à l'exception possible des plaines et des déserts arénacés (déserts de sable).

De plus, un char sur chenilles effectuant un virage produit un gros effort de torsion sur le terrain et, en cas de virage trop sec, le sol est arraché. On observe ce même problème sur les engins de chantiers excavateurs montés sur chenille, d'autant plus qu'ils sont souvent amenés à effectuer des rotations sur place. Une des solutions mise en place est l'emploi de chenilles en caoutchouc qui amortissent l'effort de torsion. Cette solution est également utilisée sur les chars pour effectuer des manœuvres, comme le défilé du à Paris.

Mobilité en combat

 
Transport ferroviaire de chars de la garde nationale des États-Unis.

Puisqu'un char immobilisé est une cible facile pour les mortiers, l'artillerie, et les unités spécialisées dans la lutte antichar, la vitesse est normalement gardée à un minimum, et tous les moyens sont utilisés pour déplacer des chars sur d'autres transporteurs (camions, trains, etc.). Les chars finissent immanquablement sur des trains dans tous les pays disposant d'une infrastructure ferroviaire suffisante, car ce moyen reste le meilleur pour un déplacement de telles masses sur une grande distance. Bien planifier le chargement et le déchargement des trains est un travail crucial, et les ponts ferroviaires et routiers sont les cibles principales des forces ennemies souhaitant ralentir une avancée de chars. Pour des manœuvres plus ponctuelles, des camions porte-chars sont utilisés.

Quand ils se déplacent dans un pays ou une région sans infrastructures ferroviaires et avec peu de bonnes routes, la vitesse journalière moyenne de progression d'une unité de chars est comparable à celle d'un homme à cheval ou à bicyclette. Des haltes fréquentes doivent être prévues pour les entretiens préventifs et vérifications afin d'éviter des pannes pendant le combat.

Une autre facette de la mobilité est de faire arriver le char sur le théâtre des opérations. Les chars, particulièrement les chars de bataille, sont extrêmement lourds, ce qui les rend très difficile, voire impossible, à transporter par avion. L'utilisation du transport maritime et terrestre se fait au prix de la vitesse, ce qui fait que le char lourd n'est pas un moyen souvent utilisé par les forces rapides d'intervention.

Certains engins blindés utilisent des roues au lieu des chenilles afin d'augmenter la vitesse sur route et diminuer les efforts d'entretien. Ces véhicules souffrent bien sûr d'un manque de mobilité sur les terrains accidentés, mais sont considérés par les stratèges comme étant plus adaptés aux forces d'interventions rapides grâce à leur coût réduit et à leur mobilité stratégique accrue.

Mobilité dans l'eau

 
Le char russe T-90 en démonstration avec un schnorchel.

Pour la plupart des chars, le passage dans un cours d'eau se limite à traverser un gué. La profondeur traversable d'un gué est limitée à la hauteur au-dessus du sol de l'entrée d'air du moteur et, à un moindre degré, à la position du conducteur. La profondeur traversable d'un gué typique pour un char est de 90 à 120 centimètres.

Passages profonds

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Deux Leopard 2 de la Heer faisant une démonstration avec un schnorchel.

Cependant, avec une préparation appropriée, quelques chars peuvent traverser un cours d'eau considérablement plus profond. Certains chars, comme les Léopard I et Léopard II ouest-allemand ou le T-90 russe peuvent traverser un gué à une profondeur de plusieurs mètres, une fois équipés d'une prise d'air adéquate appelée schnorchel. Cette prise d'air est en fait constituée d'une série d'anneaux qui peuvent être empilés pour créer un long tube. Ce tube est alors adapté à la trappe du commandant et sert à fournir l'air et une sortie de secours possible pour l'équipage. La taille du tube est limitée à environ trois mètres.

Chars amphibies

 
Sherman DD (Duplex Drive, surnommé Donald Duck11), un char amphibie avec sa jupe de flottaison escamotable, en 1944. Une fois érigée, cette dernière lui permettait de se mouvoir dans l'eau.

Certains chars légers tels que le PT-76 sont amphibies. Ils sont propulsés dans l'eau généralement par des hydrojets ou par leurs chenilles. Souvent, une tôle orientée vers le bas, la palette, est mise en place pour détourner l'eau qui passerait au-dessus du char, réduisant de ce fait le risque pour le véhicule d'être inondé par la trappe du conducteur.

Durant la Seconde Guerre mondiale, le char moyen Sherman M4 a été rendu amphibie avec l'ajout d'une toile caoutchoutée pour obtenir de la flottabilité. Il progressait grâce à des propulseurs entraînés par le moteur principal. Le Sherman DD (Duplex Drive) a été utilisé pendant le jour J pour fournir un appui durant les combats rapprochés sur les plages, lors des premières vagues du débarquement. Le Sherman DD ne pouvait tirer dans l'eau car son écran de flottabilité montait plus haut que le canon, et pour cause d'instabilité excessive. Un grand nombre de ces DD ont coulé une fois mis à l'eau et ont été détruits durant l'opération. En raison du climat capricieux de la Manche, certains ont été lâchés trop loin de la plage. À cause du courant, certains chars ont tourné dans le sens du courant permettant aux vagues de passer par-dessus et de remplir le char. Néanmoins, ceux qui ont touché terre ont fourni un appui essentiel dans les premières heures critiques du débarquement.

Motorisation

Le moteur principal du char lui assure la puissance nécessaire pour se déplacer et pour de nombreuses autres utilisations, telles que faire pivoter la tourelle ou tout simplement fournir le courant électrique et l'énergie hydraulique. Les chars de la Première Guerre mondiale utilisaient habituellement des moteurs à essence, à l'exception du char américain Holt (en) qui était propulsé par un moteur à essence et un moteur électrique. Durant la Seconde Guerre mondiale, il n'y avait pas vraiment de règles. Tous les types de moteurs coexistaient. Beaucoup de moteurs de chars étaient des moteurs d'avion adaptés. À partir de la guerre froide, les chars se sont presque tous orientés vers les moteurs Diesel, avec des versions polycarburants améliorées toujours d'actualité. Vers la fin des années 1970, les turbomoteurs ont commencé à apparaître.

Le poids et le type des moteurs, sans oublier la transmission et la boîte de vitesses, déterminent en grande partie la rapidité et la mobilité du char. De plus, le terrain limite fortement la vitesse maximale de tous les chars par les contraintes qu'il exerce sur la suspension et sur l'équipage.

Concernant le moteur, un char Abrams est actuellement capable de développer 1 500 chevaux, soit 21,6 chevaux par tonne ; un coefficient compris entre 20 et 25 signifie que le char possède un bon rapport poids-puissance. Un char trop lourd ou trop peu puissant possède un coefficient inférieur à 20 chevaux/tonne. Au début, les moteurs fonctionnaient à l'essence, ce qui favorisait les incendies.

Comparaison de la puissance de la motorisation d'un char :

VéhiculePuissance de sortiePuissance/poids
Toyota Camry 2,4 L 158 ch (118 kW) 106 ch/tonne
Lamborghini Murciélago 6,5 L 632 ch (471 kW) 383 ch/tonne
Formule 1 3 L 950 ch (710 kW) 2 100 ch/tonne
Leopard 2, M1 Abrams 1 500 ch (1 100 kW) 21,6 à 24,5 ch/tonne
Rame à turbine à gaz 2 581 ch (1 925 kW) 11,5 ch/tonne

Moteurs Diesel « multi-carburants »

Tous les chars modernes fonctionnent grâce à une turbine à gaz ou un moteur Diesel (le gazole étant moins inflammable et plus économique que l'essence. Quelques chars soviétiques ont même employé la fumée opaque d'un moteur Diesel mal réglé comme technique de camouflage. Ils pouvaient ainsi effectuer une combustion incomplète du carburant pour créer une fumée opaque en vue de créer une couverture. Les réservoirs de carburant de secours sont généralement placés à l'arrière du char. Sur quelques modèles, comme le Merkava israélien, ces réservoirs sont placés autour du secteur de l'équipage pour fournir une protection additionnelle. Le carburant de secours a souvent été stocké dans des jerricans auxiliaires à l'extérieur de l'engin, ou par d'autres moyens tels qu'une petite remorque qu'il est possible de détacher avant un engagement.

Les moteurs modernes des chars sont polycarburants, ils peuvent utiliser du gazole, de l'essence ou des carburants semblables[Quoi ?].

Les chars du Pacte de Varsovie étaient équipés de systèmes de pompage compatibles avec les citernes de fioul domestique des habitations d'Allemagne de l'Ouest de façon à pouvoir y refaire le plein.

Turbines à gaz

 
Coupe longitudinale d'un turbomoteur - Principaux organes.

Des turbomoteurs sont utilisées comme groupe auxiliaire de puissance sur certains chars de combat, et sont la source de propulsion principale sur les chars T-80 soviétique et Abrams M1 américains. Elles sont comparativement plus légères et plus petites que des moteurs Diesel pour un même niveau de puissance prolongée (le T-80 a même été surnommé le char volant à cause de sa vitesse).

Toutefois elles sont beaucoup moins économes en carburant, particulièrement à bas régime moteur, exigeant de plus grands réservoirs de carburant pour atteindre les mêmes niveaux d'autonomie en combat. Différents modèles du char M1 Abrams ont réglé ce problème avec des batteries ou des générateurs secondaires pour actionner ses systèmes lorsqu'il est en mode stationnaire, économisant ainsi du carburant en réduisant la nécessité de faire tourner au ralenti la turbine principale. Les chars T-80 sont généralement équipés de grands réservoirs de carburant extérieurs destinés à accroître leur autonomie. La Russie a remplacé la production du T-80 avec le moins puissant char T-90 (basé sur le T-72), alors que l'Ukraine a développé le T-80 UD et le T-84 à moteur Diesel avec une puissance très proche des turbines à gaz.

En raison de son moindre rendement, la signature thermique d'une turbine à gaz est plus élevée que celle d'un moteur Diesel à puissance égale. Par contre un char avec une turbomoteur est généralement plus silencieux que ceux propulsés par des moteurs à pistons. Le M1A2 a été surnommé la « Mort Chuchotante » (« Whispering Death ») à cause de son faible niveau de bruit12.

Une turbine est théoriquement plus fiable et plus facile à entretenir qu'un moteur à pistons, puisqu'elle a une construction plus simple avec peu de pièces mobiles. Dans la pratique, cependant, ses pièces éprouvent une usure plus importante en raison de leur vitesse de fonctionnement plus élevée. Les aubes de la turbine sont, en outre, très sensibles à la poussière et au sable fin de sorte que, dans des opérations se déroulant dans le désert, des filtres spéciaux doivent être soigneusement montés et changés plusieurs fois par jour. Un filtre mal monté, ou une seule balle ou morceau d'éclat peuvent rendre le filtre inutile, ce qui est fortement préjudiciable pour le moteur. Les moteurs à piston ont, eux aussi, également besoin de filtres bien entretenus, mais ils sont moins mis en danger si le filtre a un accroc.

Comme la plupart des moteurs Diesel modernes utilisés dans les chars, les turbines à gaz sont aussi des moteurs polycarburants.

Commande, contrôle et communications

Commander et coordonner l'organisation des chars sur le champ de bataille a toujours été sujet à des problèmes particuliers. Le bruit du moteur, la poussière, la fumée, le blindage, les aléas du terrains et le besoin d'être opérationnel « ouvert » comme « fermé » compliquent sévèrement la communication.

Communications internes

Chaque action d'un char, mouvement ou tir, est ordonnée par le chef de char. Dans quelques vieux chars, le commandant devait charger ou tirer avec le canon principal, parfois les deux, réduisant grandement ses capacités de commandement. Dans beaucoup de petits véhicules de combat blindés, même tard dans le vingtième siècle, le commandant transmettrait ses ordres au conducteur par des tapes sur ses épaules ou son dos. Aujourd'hui la plupart sont équipés d'intercom, permettant à tous les membres de l'équipage de s'exprimer audiblement. Quelques chars sont même équipés d'un intercom externe sur l'arrière, pour permettre à l'infanterie d'appui de parler à l'équipage.

Communications tactiques

Lors des premières utilisations des tanks, les communications entre membres d'une unité blindée étaient faites via des signaux manuels ou via des sémaphores. Parfois, dans certaines situations, les membres de l'équipage sortaient et marchaient jusqu'à un autre char. Durant la Première Guerre mondiale, des rapports d'opérations étaient acheminés par des pigeons-voyageurs passés à travers les interstices de vision. Fusées éclairantes, fumées, mouvements et tirs sont autant de moyens de communiquer pour les unités les plus expérimentées pour se coordonner.

Entre les années 1930 et 1950, la plupart des pays disposant d'unités blindées les équipèrent de radios, mais les signaux visuels sont toujours utilisés pour réduire la saturation des canaux. Un char moderne est généralement équipé de radios permettant à son équipage de communiquer sur le réseau du bataillon ou de la compagnie, mais parfois de gérer un niveau plus important de communication pour s'accorder avec les autres branches du service13. Le commandement de la compagnie ou du bataillon est généralement équipé d'une radio supplémentaire. Les communications sur un réseau chargé sont sujettes à des règles de langage formalisé appelées en anglais « radio voice procedures ».

La plupart des chars sont manœuvrés par le commandant, d'autres membres d'équipage observent le champ de bataille via la trappe du toit, l'objectif étant d'avoir une meilleure perception du danger possible. Quand des tirs retentissent, ou lorsque le climat devient dangereux, les membres de l'équipage ferment la trappe réduisant considérablement leurs capacités de trouver les cibles et de détecter le danger.

Depuis les années 1960, les chefs de char ont progressivement sophistiqué leurs équipements pour détecter des cibles. Dans un char moderne, le chef a sa propre vision panoramique (avec vision de nuit ou infra-rouge), lui permettant de désigner une ou plusieurs nouvelles cibles alors même que le tireur en vise une autre. Des systèmes plus avancés permettent même au commandant de prendre le contrôle de la tourelle et de tirer avec le canon principal en cas d'urgence.

Vulnérabilité

 
Char lourd Tigre I mis hors de combat en Italie, juin 1944.

Malgré sa puissance et son aspect impressionnant sur le champ de bataille, le char n'est nullement invulnérable. La peur de l'efficacité des chars a même mené au développement massif de tactiques et d'armes antichars redoutablement efficaces. C'est aussi une machine lourde, chère et capricieuse.

À l'infanterie

 
Tir d'un AT-4.

En dépit de la puissance de feu d'un char et de son action de choc à longue portée contre l'infanterie inexpérimentée, les chars sans soutien sont vulnérables à l'infanterie lorsqu'ils combattent des positions de défense en milieu non ouvert ou urbain. Les armes du char ne peuvent pas couvrir tout l'environnement à courte distance, et la suspension et les parties arrière et supérieure de blindage, relativement minces, sont vulnérables aux attaques de près ou à partir des étages supérieurs des bâtiments d'une ville.

Les chars fonctionnent généralement avec l'appui étroitement coordonné d'infanterie pour les protéger contre l'infanterie ennemie.

Les armes antichars d'infanterie incluent des armes rustiques, comme les bombes à l'essence (cocktail Molotov et autres), les fusils antichar, les grenades antichar, les bombes collantes et diverses armes portables modernes, les lance-roquettes et les missiles antichar.

À l'artillerie

Depuis la Seconde Guerre mondiale, les chars sont suffisamment blindés pour être protégés contre des fragments d'obus d'artillerie. Cependant, les batteries d'artillerie disposent habituellement en réserve de quelques munitions antichars pour leurs défense contre des chars. En cas de tir direct, elles peuvent se révéler d'une redoutable efficacité, comme l'a montré le canon de 88 mm de la Seconde Guerre mondiale.

Depuis les années 1970, plusieurs types de munitions d'artillerie ont été développés en vue de détruire les véhicules blindés. Ceux-ci incluent les projectiles guidés par un faisceau laser dirigé sur la cible. Il existe également les bombes à sous-munitions, qui saturent un secteur avec des projectiles explosifs pouvant endommager le blindage supérieur ou créer un champ de mines, et même des sous-munitions automatisées qui peuvent identifier et attaquer les chars se trouvant à portée.

Dans l'arsenal de certains pays, on trouve aussi, à mi-chemin entre artillerie et armes d'infanterie, des fusil antichars ou des canons spécialisés (type SPG-9).

Aux mines

 
Deux mines anti-char en Irak.

Les champs de mines antichars sont des armes d'interdiction de secteur en anglais : area-denial, aidant à défendre un secteur, ou à canaliser les mouvements ennemis vers des zones où ils seront détruits. Des champs de mines non défendus ou des mines plantées sur les routes sont également employés pour retarder les mouvements des compagnies de blindés et agissent comme arme de gêne, mais elles ne sont pas considérées par les militaires comme une arme fortement efficace – bien que leur effet sur le moral soit important.

Les mines au sol endommageant les suspensions relativement fragiles d'un véhicule et le blindage inférieur plus fin, beaucoup de véhicules blindés sont conçus pour réduire leurs effets13. Dans la plupart des cas, une mine antichar l'immobilise seulement et la plupart des chars peuvent être équipés de dispositifs anti-mines (charrues, rouleaux, ou fléaux anti-mines). Il y a également des mines qui emploient des ogives HEAT pour attaquer sur le côté. Les guérilleros qui n'ont pas de mines antichars à leur disposition peuvent en improviser pour le harcèlement des forces blindées. Mais ces engins explosifs improvisés, mêmes les plus lourds, ne seront capables de détruire réellement un char moderne que dans le cas où il se place juste au-dessus.

À l'aviation

 
Char Type 69 irakien en flammes, 2 avril 2003.

Depuis la Seconde Guerre mondiale, les avions d'attaque au sol se sont montrés capables de détruire les chars à l'aide de mitrailleuses lourdes (en visant la couche de blindage plus mince au-dessus du char), de canons et de roquettes. Aujourd'hui, de tels avions emploient également des missiles guidés ou des bombes guidées. Dans la plupart des cas, seuls les avions de soutien à basse altitude sont efficaces contre les chars. À haute altitude, et même aujourd'hui, il est très difficile de détecter un char une fois camouflé et il est facile de contrecarrer l'avion ennemi en utilisant des leurres. Les bombes, même celles dotées d'un guidage de précision sont seulement efficaces contre les chars stationnaires. Durant les opérations alliées au Kosovo, seuls treize chars serbes furent détruits en dépit d'attaques aériennes massives.

Depuis les années 1960, une autre menace est l'hélicoptère d'attaque, exploitant sa mobilité élevée et l'utilisation du terrain pour sa protection, équipé de contrôle et de guidage de tir et portant de puissants missiles sophistiqués. Un hélicoptère peut effectuer une attaque surprise par derrière, le temps où il s'expose dépendant du type de missile utilisé. Un hélicoptère, attaquant à l'aide d'un missile filoguidé ou à guidage laser, doit s'exposer jusqu'à ce que le missile frappe la cible, ce qui le rend très vulnérable à la réponse ennemie. Les hélicoptères attaquant avec des missiles de type auto-guidés peuvent retourner à leur couverture après lancement.

La plupart des chars modernes sont capables de répliquer à des cibles aériennes lentes avec leur canon principal et beaucoup sont dotés de méthodes de contre-mesures défensives telles que les systèmes de détection laser (qui avertissent l'équipage de l'utilisation d'un laser ciblant le char), les générateurs de fumée bloquant les IR (rayonnement infrarouge) et même, dans certains cas, des systèmes brouilleurs de missiles. En revanche les mitrailleuses anti-aériennes classiques, souvent montées sur les chars de la Seconde Guerre mondiale, ont été abandonnées en raison de la vitesse des attaques des avions modernes. Des systèmes actifs de destruction des missiles sont à l'étude et en test.

Logistique lourde

 
Camion transporteur de char avec un T-72 biélorusse.

Les chars ont des besoins logistiques très lourds. Ils exigent de grandes quantités de carburant, munitions, entretien, et pièces de rechange pour continuer à fonctionner, même lorsqu'ils ne sont pas engagés au combat.

Les forces blindées ne peuvent pas combattre efficacement si toutes leurs exigences ne sont pas remplies en raison de défaillances dans l'approvisionnement, d'une pauvre planification ou de l'action de l'ennemi. Historiquement, beaucoup d'offensives blindées ont échoué de cette façon, comme l'offensive des Ardennes de l'armée allemande pendant la Seconde Guerre mondiale.

Pour plus de précisions sur les aspects logistiques, voir plus haut : les aspects de la mobilité

Environnement

 
Deux chars de combat Leopard 1 de l'armée norvégienne dans la neige.

Climat

Les chars peuvent également être neutralisés par le temps : les batteries des démarreurs et les lubrifiants, et même les moteurs peuvent ne pas démarrer dans le froid extrême. Pendant la Seconde Guerre mondiale dans l'hiver russe, il a souvent fallu laisser tourner les moteurs des chars à l'arrêt pour prévenir des problèmes de démarrage (pour éviter la congélation de l’huile moteur et du fioul)b. Les moteurs et l'équipage peuvent également souffrir de surchauffe par temps chaud (les chars sont tous équipés de climatisation depuis les années 1980), ou la poussière peut obstruer les conduits.

Terrain

Les chars sont également dans une position défavorable dans les terrains boisés et les environnements urbains, qui annulent l'avantage du tir à longue portée, limitent la capacité de l'équipage à détecter des menaces potentielles, et même la capacité de rotation de la tourelle. Certains de ces problèmes sont maintenant pris en considération par des modifications spéciales notamment pour le combat urbain (notons que les combats urbains créent des risques additionnels pour presque tous les types d'unités) avec une survie des chars qui s'est considérablement améliorée (particulièrement contre les armes improvisées et portatives) tout simplement en vertu de leur puissant blindage.

Recherche et développement

 
Concept de char léger américain à l'étude dans les années 2000.

La recherche actuelle cherche à rendre les chars plus légers et mobiles14, mais aussi plus discrets en adaptant des technologies de camouflage développées à l'origine pour l'aviation. La recherche est également continue dans les systèmes de blindage et de nouvelles unités de propulsion.

Une tendance claire est le nombre croissant de systèmes électriques et de communication13, tels que les détecteurs thermiques et des radios à longue portée plus puissantes. On peut également constater que les chars deviennent de plus en plus automatiques, notamment pour le chargement des munitions.

 

Notes et références

Notes

  1. Face à l'hiver russe, les équipages de Panzers allemands utilisèrent parfois de grandes plaques de métal aux bords recourbés, qu'ils plaçaient sous les moteurs, remplissaient de carburant avant d'y mettre le feu pour tenter de les dégeler.

Références

  1. Guerric Poncet, « Le Pentagone imagine le blindé du futur » [archive], sur Le Point, (consulté le )

Annexes

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Il existe une catégorie consacrée à ce sujet : Char de combat.
 

Bibliographie

Articles connexes

Liens externes