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Catégorie : Bourses
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Bibliothèque

 
 
 
 
Bibliothèque publique à Almere (Pays-Bas).

Une bibliothèque (du grec ancien βιϐλιοθήκη : biblio, « livre » ; thêkê, « dépôt ») est le lieu où est conservée et lue une collection organisée de livres. Il existe des bibliothèques privées — y compris de riches bibliothèques ouvertes au public — et des bibliothèques publiques. Les bibliothèques proposent souvent d'autres documents (journaux, périodiques, enregistrements sonores, enregistrements vidéo, cartes et plans, partitions) ainsi que des accès à internet et sont parfois appelées médiathèques.

La majorité des bibliothèques (municipales, universitaires) permettent gratuitement la consultation sur place ainsi que le prêt de documents. D'autres, comme la Bibliothèque publique d'information et la bibliothèque nationale de France notamment, n'autorisent que la consultation sur place. Elles peuvent alors être divisées en salles de lectures, ouvertes au public, et en magasins bibliothécaires, fermés, pour le stockage de livres moins consultés. D'autres espaces, ouverts ou non au public, peuvent s'ajouter.

En 2010, avec plus de 144,5 millions de documents, dont 21,8 millions de livres, la plus grande bibliothèque du monde est la bibliothèque du Congrès à Washington D.C.. Néanmoins, la collection cumulée de livres des deux bibliothèques nationales russes atteint 32,5 millions de volumes et la collection de la British Library 150 millions d'articles. D'après l'Organisation des Nations unies pour l'éducation, la science et la culture1 la plus vieille bibliothèque du monde encore en activité est la bibliothèque Al Quaraouiyine de Fès au Maroc, elle renferme quatre mille manuscrits d'une valeur inestimable ayant appartenu à des scientifiques universels comme le géographe Al Idrissi, le botaniste Al-Ghassani, ou encore le médecin Avenzoar2.

Histoire

Antiquité

Les bibliothèques apparaissent avec le besoin d'organiser la conservation et le travail des textes. Ces lieux dépendent des pouvoirs religieux et politiques, en proportion variable selon les civilisations. À Ninive, les archéologues ont retrouvé dans une partie du palais des rois d'Assyrie, vingt-deux mille tablettes d'argile, correspondant sans doute à la bibliothèque et aux archives du palais. En Égypte, les « maisons de vie », situées à proximité des temples, abritaient des bibliothèques où officiaient des bibliothécaires-enseignants dont les cours étaient réputés, y compris hors du pays. En Grèce, la tradition attribue l'ouverture de la première bibliothèque à Athènes aux Pisistratides, quoique cette assertion ait été remise en cause3.

La plus célèbre bibliothèque antique est celle d'Alexandrie, en Égypte, créée au IIIe siècle av. J.-C. Les rois hellénistiques ayant du mal à légitimer leur pouvoir aux yeux des Égyptiens autochtones, ils se devaient de mener une politique d'évergétisme, afin d'apparaître comme bienfaiteurs. Ils constituaient et entretenaient de grandes bibliothèques ouvertes au public, dans des complexes culturels (musée, gymnase). Le coût de ces équipements était très élevé car, outre le prix d'achat ou de copie des livres et du papyrus, que l'on ne trouvait qu'en Égypte, il fallait recopier les ouvrages régulièrement puisqu'ils s'abîmaient rapidement. Les rois entretenaient également des esclaves lecteurs pour faciliter le travail des usagers de la bibliothèque. Athènes et Pergame possédaient aussi de grandes bibliothèques, comptant plusieurs centaines de milliers de volumen. Des bibliothèques un peu plus modestes existaient à Rhodes et à Antioche.

À Rome, certaines maisons privées pouvaient comporter une bibliothèque à côté du triclinium. Celle du grammairien Tyrannion aurait contenu 30 000 volumes, tandis que celle du médecin Serenus Sammonicus en aurait contenu 60 0004. Celle de Pison à Herculanum, située dans la villa des Papyrus en est un autre exemple. Il existait aussi des bibliothèques ouvertes au public, souvent gérées de manière privée ou, en tout cas, fondées sur des initiatives individuelles. Ces créations étaient largement justifiées par des objectifs de prestige politique. Par exemple, Lucullus en avait installé une dans ses jardins, Jules César voulait en ouvrir une pour les mêmes raisons et son projet fut repris par son allié Asinius Pollio, qui installa une bibliothèque publique sur le mont Aventin, à côté du Temple de la Liberté en 39 avant notre ère5. Peu après, l'empereur Auguste en fonda deux autres. Rome comptait ainsi trois grandes bibliothèques au début du premier millénaire. Sous l'Empire, ce nombre s'accroît à vingt-huit bibliothèques en 377. Si certaines étaient des établissements autonomes, des bibliothèques étaient souvent intégrées aux thermes. Dans d'autres grandes villes de l'Empire, il existait aussi des bibliothèques. Le grand architecte Vitruve, qui s'était intéressé à la construction de ce genre d'édifice, recommandait qu'il soit orienté vers l'est afin de capter la lumière du matin et de réduire l'humidité susceptible d'endommager les livres6.

En Chine, la diffusion des textes prend de l'importance durant les Royaumes combattants (IVe – IIIe siècle av. J.-C.), un moment d'effervescence intellectuelle comparable à la Grèce classique. Les cours seigneuriales entretenaient des lettrés, mais apparaissent aussi des écoles compilant leurs classiques. Qin Shi Huang unifia l'empire (-221), fonda la bibliothèque impériale, selon une méthode de tri plutôt autoritaire puisqu'il brûla certains livres et les lettrés qui s'en réclamaient (confucianisme). La dynastie Han perpétua l'institution pendant quatre siècles, le confucianisme devint idéologie officielle, sans pour autant réprimer les autres écoles. Dans l'histoire des idées chinoises, elle joua un rôle aussi essentiel que la bibliothèque d'Alexandrie pour la transmission de la philosophie occidentale. La catégorie de taoïsme par exemple, est due à un bibliographe Han, aussi imprécise et pourtant féconde que le titre de métaphysique donné à un livre d'Aristote.

Moyen Âge

 
Manuscrit ancien dans la bibliothèque Al-Hamoni de Chinguetti (Mauritanie).

La tradition de la Rome antique n'a pas totalement disparu au Haut Moyen Âge. Elle se prolonge sans aucune interruption dans l'Empire romain d'Orient. La ville de Constantinople est dotée d'une bibliothèque par Constantin Ier. Cependant, la querelle iconoclaste provoque une dispersion des livres (730-840). En Occident, Cassiodore crée en 550 une importante bibliothèque à Vivarium en Calabre. Toutefois, au Moyen Âge, ce sont essentiellement les monastères qui entretiennent et enrichissent les bibliothèques, au sein desquelles sont conservés les textes utiles à la liturgie et à la prière ; mais aussi des textes non religieux, ou d'autres cultures (grecque, arabe, byzantine, etc.). C'est une volonté de préserver, de traduire le savoir sous toutes ses formes, comme le Coran, des œuvres païennes issues de l'Antiquité, des écrits scientifiques, philosophiques, d'agricultures, de batailles, de médecine (réactualisée par les savants arabes du Moyen Âge), sur les plantes, etc., qui animent alors les érudits des monastères. On peut citer les moines bénédictins (issus de toutes les couches de la société) consacrant souvent leur temps de travail à des scriptoria (singulier : scriptorium), ateliers de copie des livres alors rares et précieux en Occident. Les scriptoria étaient généralement couplés à une bibliothèque. La plus importante d'Occident, celle du monastère du Mont-Cassin, comptait deux à trois mille volumes. Il faut citer aussi celles de Saint-Gall ou de Cîteaux.

Dès leur création au XIIe siècle, les universités prennent le relais et complètent l'action des monastères. Les universités qui se créent peu à peu dans toute l'Europe ont souvent leurs propres bibliothèques. Il convient d'y ajouter les nombreux collèges, qui sont aussi des lieux d'études et ont des bibliothèques. Les rois créent à leur tour leurs propres bibliothèques, qui prennent parfois une grande ampleur, comme celles de Saint Louis ou de Charles V. Certaines d'entre elles sont à l'origine des bibliothèques actuelles, comme la Bibliothèque vaticane, fondée par Sixte IV. D'importantes bibliothèques se créent également dans le monde islamique, avec le développement de la culture islamique au VIIIe siècle, permettant en particulier la diffusion de la culture grecque, traduite en langue arabe, ainsi que celle de la culture arabe anté-islamique7. La bibliothèque Al Quaraouiyine à Fès au Maroc est souvent citée comme la plus ancienne bibliothèque au monde encore en activité8. Récemment rénovée, elle comporte vingt mille manuscrits dont 3 800 très précieux remontant au VIIIe siècle9,10.

Au Moyen Âge, le mot « librairie » (issu du latin impérial) est utilisé en français dans le sens de bibliothèque, qui perdurera jusqu'à la Renaissance (ex : la « librairie de Montaigne »).

Renaissance et époque moderne

 
Page de garde d'un catalogue.

Le développement de l'Humanisme à partir du XIVe siècle entraîne, avec l'intérêt particulier porté à l'« utilité publique », l'ouverture de bibliothèques publiques et le développement de bibliothèques privées. L'invention de l'imprimerie modifie, à partir du XVIe siècle, le contenu de ces bibliothèques. À la fin du XIVe siècle à Florence, Niccolò Niccoli lègue sa bibliothèque privée pour qu'elle soit ouverte au public. L'organisation de cette bibliothèque est confiée à Cosme l'Ancien et la première bibliothèque publique est ouverte dans le couvent dominicain de San Marco. Parallèlement, tout au long des XVe et XVIe siècles, Cosme puis Laurent de Médicis et leurs descendants, au premier rang desquels Cosme Ier de Médicis, enrichissent une bibliothèque privée, où les manuscrits tiennent encore le premier rang, qu'ils font aménager par Michel-Ange, pour l'ouvrir finalement au public en 1571 : c’est la bibliothèque Laurentienne (biblioteca Mediceo Laurenziana), qui existe encore aujourd'hui. Cosme l'Ancien voulait y concentrer les productions de la pensée humaine et les rendre accessibles aux gens lettrés.

En Hongrie, la Bibliotheca Corviniana était, à la Renaissance, la plus grande collection de livres d'Europe après celle du Vatican11.

En France, François Ier institue le dépôt légal, obligation pour les imprimeurs libraires de déposer un exemplaire de chacune de leurs publications à la bibliothèque du roi. Les bibliothèques s'ouvrent progressivement au public à partir de la fin du XVIe siècleSalins en 1593), très timidement au début, assez largement au XVIIIe siècle. Les grandes bibliothèques comme la bibliothèque du roi connaissent une réputation prestigieuse et deviennent un lieu de visite obligée pour les voyageurs de marque, en particulier au nord de l'Italie. En Angleterre au XVIIe siècle (par exemple la Bibliotheca Smithiana12), en Europe centrale au XVIIIe siècle, des libraires ouvrent en annexe à leur boutique une bibliothèque de prêt13. Plusieurs bibliothèques privées, données ou léguées par leurs propriétaires, deviennent des bibliothèques publiques, comme la bibliothèque Inguimbertine de Carpentras.

Le modèle européen de bibliothèque se déplace dans les colonies, en particulier dans les futurs États-Unis, où de nombreuses bibliothèques universitaires actuelles sont issues des établissements d'enseignement fondés dès le XVIIe siècle sur le modèle de ceux du Vieux Continent. À Florence, la collection léguée par Antonio Magliabechi en 1714 à la ville (trente mille volumes) constituent le début de ce qui deviendra ensuite la Bibliothèque nationale centrale de Florence (BNCF), devenue publique dès 1737. François II de Toscane décide d'y faire déposer aussi un exemplaire de tout ce qui s'imprime à Florence (1737) puis dans toute la Toscane (1743). Elle reçoit toujours une partie du dépôt légal italien.

Époque contemporaine

 
Salle de lecture de la Bibliothèque de l'université de Graz (Autriche, XIXe siècle).

Le développement des bibliothèques de tous types s'accélère entre la fin du XVIIIe et le XXIe siècle. Le transfert de collections privées au public se poursuit. En France, ce transfert se fait en grande partie à la suite de la confiscation des biens du clergé, des aristocrates et des institutions d'Ancien Régime dissoutes (y compris les académies) par la Révolution française14, dont les bibliothèques sont réunies, dans chaque département, dans un seul dépôt. Ces dépôts sont confiés aux villes en 180314 et constituent le noyau de base d'une partie des bibliothèques municipales au XIXe siècle. Toutefois, les villes vont parfois très tardivement s'occuper de ces bibliothèques et leur donner accès. Lorsqu'on finit par nommer un bibliothécaire (non payé), en général la bibliothèque est logée dans l'hôtel de ville, même si certaines villes construisent un bâtiment spécifique (Amiens, 1823). Les cabinets de lecture privés se développent, et proposent soit la consultation sur place soit une forme de location de livres ou de journaux. Les abonnements sont assez chers, ce qui en réserve l'emploi à la bourgeoisie. Mais parallèlement, et pendant tout le XIXe siècle, on voit de nombreuses créations ou tentatives de création de bibliothèques populaires : ligues catholiques et protestantes, mouvements ouvriers. Déterminant fut le rôle d'Alexandre Vattemare (1796-1864), fondateur du premier système d'échanges culturels internationaux et promoteur des bibliothèques publiques15. Le développement des études supérieures entraîne celui des bibliothèques universitaires, en particulier en Allemagne qui y consacre de grands efforts ; la France suit, mais avec un retard important.

Les bibliothèques connaissent un développement significatif au XXe siècle, sous l'impulsion de l'Américain Melvil Dewey, suivi par Paul Otlet et Henri La Fontaine, et du Français Eugène Morel. Il se traduit notamment par une amélioration des catalogues et des classifications, par un mouvement de normalisation de description, mais aussi par une volonté de renforcer l'accueil et le service auprès du public. Aux États-Unis, les bibliothécaires instaurent ainsi, dès qu'ils le peuvent, l'accès direct aux documents. Cette politique d'accès libre s'exporte en France dès la fin de la Première Guerre mondiale grâce à l'action de bibliothécaires américains dans les régions dévastées, mais se répand lentement : dans les années 1980, la plupart des documents des bibliothèques universitaires françaises sont encore en communication indirecte. Dans le même esprit, les bibliothèques diversifient peu à peu leurs activités, avec des expositions, des lectures (heure du conte), des conférences et colloques, des animations diverses. Toujours sous l'impulsion de Melvil Dewey et Eugène Morel se développe, dès la fin du XIXe siècle, une formation professionnelle des bibliothécaires, couplée avec une meilleure coopération entre bibliothèques. Ces deux phénomènes favorisent l'émergence d'une profession autonome de mieux en mieux formée, ce qui ne supprime toutefois pas le bénévolat. Le développement des bibliothèques publiques s'amplifie à partir des années 1970, en relation avec l'augmentation de la part de la population poursuivant des études supérieures, la politique culturelle de l'État et des collectivités territoriales et les possibilités offertes par l'informatique. En effet, dès les débuts de cette nouvelle technique dans les années 1950, les ingénieurs ont eu l'idée de l'adapter aux bibliothèques. Toutefois, les phases d'expérimentation ont duré assez longtemps, de sorte que l'informatisation effective ne date souvent que des années 1980, et ne s'est imposée que lentement. Désormais, la plupart des bibliothèques des pays développés sont informatisées, mais ce n'est pas le cas général ; en revanche, de nombreuses bibliothèques en sont à la réinformatisation. Après une période pendant laquelle le modèle de construction était celui d'un bâtiment accueillant à la fois la bibliothèque et le musée, comme à Grenoble, le XXe siècle voit la construction de bâtiments spécifiques, comme la bibliothèque Carnegie à Reims, parfois de grande taille comme la bibliothèque de La Part-Dieu, à Lyon, au milieu des années 1970.

Types

 
 
Bibliothèque à Miatlevo (ru) (Oblast de Kalouga, Russie).
Fort-de-France La bibliothèque Schoelcher
 
La bibliothèque Schoelcher à Fort-de-France dans les années 1920-1930.

Les bibliothèques présentent une grande diversité. Ce sont tantôt des établissements à part entière, tantôt des services faisant partie d'un autre établissement. Certaines sont très largement ouvertes, d'autres accessibles à un public restreint. Certaines bibliothèques sont gérées par les pouvoirs publics, d'autres par des organismes de droit privé. Cependant, le critère principal dans la typologie des bibliothèques est celui de leur fonction. Dans chaque pays, les bibliothèques nationales recueillent et conservent les documents qui font l'objet du dépôt légal ; elles conservent souvent aussi d'autres documents. Elles assurent généralement le rôle d'agence bibliographique nationale, en assurant la description de la production imprimée nationale et la diffusion de bibliographies nationales. Certains pays peuvent avoir plusieurs bibliothèques nationales.

Centre de Ressources des Langues à l'université Toulouse.
 
Centre de Ressources des Langues - Université Toulouse Jean Jaurès

Il existe également des bibliothèques régionales dans certains pays. De statut varié (certaines sont aussi universitaires), elles assurent la conservation à long terme d'un grand nombre de documents. Elles peuvent servir de « bibliothèques de recours » pour la population de la région et participer à des réseaux de coopération (de) avec les plus petites bibliothèques. Tel est le cas des bibliothèques cantonales en Suisse (RERO ou SLSP) ou des bibliothèques de Land en Allemagne, ou des bibliothèques régionales en République tchèque.

Le terme de bibliothèque publique, calqué sur l'anglais public library, est rendu aussi en français sous la forme « bibliothèque de lecture publique ». Ces bibliothèques sont destinées à l'ensemble de la population locale pour lui permettre de s'informer et de se divertir. Elles sont souvent gérées par les collectivités locales, mais peuvent fonctionner sous forme d'associations ou concédées au secteur privé ; elles peuvent aussi être gérées par l'État. Stricto sensu, on peut compter les bibliothèques universitaires dans les bibliothèques publiques, car elles sont elles aussi ouvertes à tous les publics. L'utilisation du terme « bibliothèque publique » est donc fluctuante. Ainsi les bibliothèques de comités d'entreprise sont des bibliothèques de lecture publique à statut privé. Les bibliothèques d'enseignement et de recherche apportent leur appui aux activités pédagogiques et scientifiques qui se déroulent dans l'établissement dont elles font partie. Il s'agit d'une part de bibliothèques d'école (telles que la Bibliothèque des sciences expérimentales de l'École normale supérieure de Paris), de collège, suivant les noms employés dans les différents pays, ainsi que des bibliothèques universitaires.

Des bibliothèques libres16 comme en Savoie disséminent la mise à disposition libre de livres dans la ville. Un réseau international, appelé Bookcrossing, s'est même développé autour de cette idée d'abandonner des livres dans les espaces publics. D'ailleurs, du mobilier urbain, à l'instar de cabines téléphoniques17, a même été transformé pour abriter ces bibliothèques libres.

Les bibliothèques spécialisées, comme leur nom l'indique, développent des collections dans une discipline ou autour d'un thème18. Il existe ainsi des bibliothèques musicales, médicales, juridiques. Cette dénomination inclut parfois (surtout en anglais, special collections) les bibliothèques ou services de bibliothèques conservant les collections patrimoniales.

Ces différents types de bibliothèques ne sont pas toujours cloisonnés et une même bibliothèque peut avoir plusieurs fonctions :

En 2018, le Catalogue collectif de France19 recense 5 045 bibliothèques publiques de tous types en France métropolitaine et 96 en outre-mer.

Les bibliothèques scolaires, qui offrent des services dans des établissements d'enseignements, constituent également un autre type de bibliothèque.

Les bibliothèques des comités d’entreprise qui offrent des services aux employés de l’entreprise privés et à leurs familles20.

Les bibliothèques de prisons qui sont considérés comme un "vecteur de revalorisation personnelle et d’insertion scolaire, professionnelle et sociale"21.

Autres types de bibliothèques (France) qui sont issus des initiatives citoyennes ou associatives. On trouve: Le réseau Culture et bibliothèques pour tous, le réseau Bibliothèques sans frontières et enfin les microbibliothèques22.

Activités

Les activités des bibliothèques s'articulent essentiellement autour des collections et du public.

Activités liées aux collections

Ces activités sont les plus traditionnelles :

Activités liées au public

Ces activités se sont fortement développées depuis la fin des années 1970 :

Internet et livre numérique

 
BLI:B, bibliothèque néerlandophone Forest, avenue Van Volxem 364, 1190 Forest.
 
BLI:B, bibliothèque néerlandophone Forest, avenue Van Volxem 364, 1190 Forest.

La majorité des bibliothèques ont maintenant leur propre portail Internet, ou au moins une page d'accès accordée par leur administration de tutelle, avec leur catalogue en ligne, consultable à distance. Pour les plus importantes, leur catalogue est intégré au portail, de même que leur bibliothèque numérique et des outils comme des bibliographies, des listes de nouveautés, des expositions virtuelles, ainsi que l'accès pour chaque lecteur à l'état de son abonnement (documents empruntés et date limitée de retour).

Dans la plupart des pays, le développement de l'Internet a fait stagner le taux d'inscription en bibliothèque et les prêts sont généralement en baisse. Mais la lecture sur Internet augmente, notamment pour les livres anciens tombés dans le domaine public, scannés et mis en ligne par Google ou d'autres opérateurs. Les salles de lecture et les postes multimédias restent pourtant très convoités. En France, les usagers non inscrits sont en nette augmentation et viennent plus longtemps, mais il est difficile de savoir si c'est le signe d'un déclin ou d'un nouveau départ pour les bibliothèques et leur rôle de recueil et diffusion de la connaissance25.

Pour prendre en compte les nouveaux modes de consommation du livre, dont le principal est la lecture numérique, la France, sous l'égide du ministère de la Culture, a décidé de lancer le Prêt numérique en bibliothèque (PNB). Ce projet a vu le jour en 2011 et il est désormais accessible dans les bibliothèques de certaines villes depuis septembre 2014, après une phase de test mi-201426.

Les bibliothèques, grâce à leur système de prêt numérique, permettent aux communautés éloignées l'accès aux livres. Toutefois, quelques bibliothèques limitent l'inscription de leur usager à un territoire délimité27.

Au Québec, il existe plusieurs institutions qui offrent le prêt numérique. Notamment, la Bibliothèque et Archives nationales du Québec, la bibliothèque de Québec et les bibliothèques de la Ville de Montréal. Pour la plupart, le système d'emprunt se fait par l'entremise l'application PretNumérique28.

Aux États-Unis, les bibliothèques voient leurs moyens financiers se réduire en raison des nouvelles technologies et du désengagement des États : « Depuis quelques décennies, les dirigeants politiques, guidés par la logique du marché, prétendent qu’elles seraient devenues obsolètes : mieux vaudrait selon eux investir dans les nouvelles technologies. Dans la plupart des régions, les bibliothèques manquent donc cruellement de ressources et sont abritées dans des bâtiments vétustes. Malgré une fréquentation en hausse, elles ont dû réduire leurs horaires et rogner sur les jours d’ouverture. Le nombre de postes de bibliothécaire n’a cessé de diminuer, tout comme les budgets alloués à l’achat de livres, journaux et films »29.

Bibliothécaire

 

Traditionnellement, les personnes chargées de gérer la bibliothèque et d'assurer les services au public sont appelées « bibliothécaires ». Toutefois, le titre de bibliothécaire est réservé dans de nombreux pays au personnel d'encadrement justifiant de diplômes universitaires de second cycle en sciences de l'information. En France, le terme de bibliothécaire reste employé de manière générique pour désigner toutes les personnes assurant les activités de bibliothèque, quels que soient leur statut réel et leur profession.

Dimension sociologique de la bibliothèque

Dès l’Antiquité, lors de son élaboration, la bibliothèque est conçue selon une perspective de stockage et conservation du savoir, dans une optique de protection du pouvoir (à l'image de la grande bibliothèque d'Alexandrie). Elle est alors réservée aux érudits, avec la pratique de la lecture silencieuse et du travail de recherche.

Les missions des bibliothèques sont nombreuses, et ces premières sont notamment des missions culturelles.

La conservation et la diffusion-communication de la culture sont les tâches essentielles des bibliothèques.

Les bibliothèques, dans leurs missions culturelles se sentent donc impliquées dans toutes les missions qui sont liées au livre, à la lecture, et à la culture : de la conservation du patrimoine à la constitution des fonds et au développement des collections mais aussi de la promotion et de la diffusion de la création culturelle, et surtout leur mise à disposition des lecteurs. Donc il s'agit pour elles de diffuser la mémoire et l'actualité de la pensée, la création littéraire et artistique, l'innovation scientifique et technique30

Les bibliothèques répondent à plusieurs besoins quotidiens, qu'il s'agisse d'information (tout n'est pas sur internet) ou de création (on n'a jamais autant publié qu'aujourd'hui), mais aussi d'égalité car par leurs missions culturelles il faut souligner que ces bibliothèques publiques ne ciblent pas certains publics mais s'adressent à tous31.

Dans les années 1960 - 1970, la France s'empare d'une conception libérale avec la perspective d'accueillir le public. Cette conception tient ses origines du modèle anglo-saxon de la Public Library dans le courant du XIXe siècle. C'est un objectif de démocratisation, d'ouverture de la bibliothèque à toute la population. Néanmoins, de nombreux sociologues de l’éducation l'ayant analysée comme facteur de reproduction sociale (exemple de Pierre Bourdieu32,33), analysent la bibliothèque selon le même principe34. Ils constatent que malgré une volonté d'ouverture au public (via la gratuité de l'entrée), cet espace institutionnel demeure fortement marqué par la domination de la culture scolaire et savante35. Elle agit comme un véritable lieu de domination symbolique, son accès est rendu difficile selon la distance de l'usager par rapport à la culture légitime. Serge Paugam, dans son ouvrage Des pauvres à la bibliothèque36, observe la fréquentation de la bibliothèque par la classe populaire et les étudiants, et y analyse les pratiques de ce "nouveau" public. Il démontre les difficultés de ce public populaire à s'approprier les codes et prescriptions en recherche d'information, compare l'entrée à la bibliothèque à l'entrée dans le monde de la classe dominante. La construction des Idea Stores vient de ce constat et tente d'y trouver une solution.

Les chercheuses en sciences de l'information et de la communication Valentine Mazurier et Anne Lehmans observent la construction d'une altérité, d'une diversité dans les espaces documentaires que sont les bibliothèques et les centres de documentation et d'information37. Dans ces derniers, elles décrivent l'écart entre les pratiques de recherche d'information privées et les pratiques scolaires.

Missions et influence des bibliothèques

Comme est énoncé dans le manifeste de l’UNESCO [archive] qui a été adopté à Paris le 29 novembre 1994 sur les bibliothèques publiques les quatre missions sont : l’information, l’alphabétisation, l’éducation et culture. Selon ce manifeste, ces quatre missions principales peuvent être remplies par les actions suivantes :

« créer et renforcer l'habitude de lire chez les enfants dès leur plus jeune âge ;

soutenir à la fois l'auto-formation ainsi que l'enseignement conventionnel à tous les niveaux ;

fournir à chaque personne les moyens d'évoluer de manière créative ;

stimuler l'imagination et la créativité des enfants et des jeunes ;

développer le sens du patrimoine culturel, le goût des arts, des réalisations et des innovations scientifiques ;

assurer l'accès aux différentes formes d'expression culturelle des arts du spectacle ;

développer le dialogue interculturel et favoriser la diversité culturelle ;

soutenir la tradition orale ;

assurer l'accès des citoyens aux informations de toutes catégories issues des collectivités locales ;

fournir aux entreprises locales, aux associations et aux groupes d'intérêt les services d'information adéquats ;

faciliter le développement des compétences de base pour utiliser l'information et l'informatique ;

soutenir les activités et les programmes d'alphabétisation en faveur de toutes les classes d'âge, y participer, et mettre en œuvre de telles activités, si nécessaire. »38

Dans son ouvrage Exigeons de meilleures bibliothèques, le professeur en bibliothéconomie R. David Lankes a précisé le rôle que doivent remplir selon lui les bibliothèques. Il résume les principaux leviers d'action comme suit :

Grandes bibliothèques

 
 
 
 

Les plus grandes bibliothèques dans le monde comprenant plus de dix millions de volumes (en 2009) sont40 :

Lors d'une conférence de l'UNESCO en 1964, il fut agréé internationalement qu'un livre est défini comme une publication imprimée non périodique d'au moins quarante-neuf pages59. Au même titre que les bibliothèques nationales chargées du dépôt légal, allemande, italienne, voire française, et surtout canadienne, implantées sur plusieurs sites, la Bibliothèque nationale russe additionne en réalité les collections de la Bibliothèque d'État de Russie à Moscou et de la Bibliothèque nationale russe à Saint-Pétersbourg, soit 78,4 millions de documents et une collection cumulée de 32,5 millions de volumes, qui en fait alors la première au monde. Certains chiffres doivent être nuancés, dès lors que certaines bibliothèques, notamment en Europe de l'Est, comptent également chaque tome annuel de périodiques comme un volume, mais pour les deux bibliothèques nationales russes, ceux-ci sont bien distingués des volumes de livres et brochures dans le décompte des collections46.

Le périmètre des collections n'est pas non plus identique entre les bibliothèques : la British Library conserve ainsi les collections nationales de timbres (huit millions) et de brevets industriels (cinquante-huit millions) qui dans d'autres pays sont conservées par d'autres institutions. Depuis quelques années, ces établissements, mais aussi des moteurs de recherche sur internet développent une pratique de numérisation de livres ainsi que des sites Web qui conduiront bientôt à relativiser l'importance de ces données, en prenant en compte les services offerts par ces bibliothèques aux utilisateurs éloignés.

La British Library of Political and Economic Science, qui est la bibliothèque de la London School of Economics, constitue la plus grande bibliothèque des sciences sociales au monde avec plus de quatre millions de volumes imprimés.

 
Salle de lecture du British Museum.

Bibliothèques imaginaires

 
La bibliothèque du Nautilus (Jules Verne).

En littérature

Des bibliothèques, réelles ou non, apparaissent dans de nombreuses œuvres de fiction60. De nombreux écrivains ont développé le thème d'une bibliothèque idéale, donc imaginaire. Le poète et nouvelliste argentin Jorge Luis Borges en est l'un des exemples les plus illustres61. Toutefois certaines bibliothèques imaginaires sont constituées de livres réellement écrits, tandis que d’autres, qualifiées de Biblia abiblia par Max Beerbohm62, renferment des ouvrages n’ayant jamais existé63.

On peut citer également les bibliothèques disparues, mais utilisées dans les œuvres de fiction :

En manga

En jeu vidéo

En série télévisée

Notes et références

  1. Hypnoweb, « Bibliothèque Bodléienne | A Discovery of Witches » [archive], sur witches.hypnoweb.net (consulté le )

Annexes

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Il existe une catégorie consacrée à ce sujet : Bibliothèque.
 

Bibliographie

Première approche

Ouvrages plus spécialisés

Articles connexes

Liens externes

Médiathèque

 
 
 
La médiathèque de Roanne

Une médiathèque est un établissement, généralement public, qui conserve et donne accès à différents types de médias, permettant la consultation sur place et l'emprunt à domicile. La caractéristique première d'une médiathèque est sa variété de supports. Son fonctionnement est semblable à celui d'une bibliothèque mais elle se diversifie par les différents matériaux mis à la disposition du public pour s'informer. Il est donc possible d'y consulter des vidéos ou bien encore des documentaires.

Certaines municipalités lui préfèrent l'appellation de « bibliothèque multimédia » sur le modèle anglo-saxon de « multimedia library ».

Historique

Le concept de médiathèque s'est développé dans les années 1980, quand les contenus audiovisuels (documents sonores et enregistrements vidéo) ont été considérés comme des témoignages culturels au même titre que l'écrit.

Le terme de médiathèque a été retenu pour mieux refléter la diversité des œuvres et des ressources collectées et présentées au public, notamment sous forme de disques microsillon , cassettes audio pour la musique, cassettes vidéo (Betacam et VHS) pour le cinéma.

Dans les années 1980 et 1990, les médiathèques ont naturellement accueilli les supports numériques (CD audio, DVD vidéo) qui sont venus compléter les supports traditionnels (imprimés, microfilms, disques vinyle, etc.).

Quelques médiathèques françaises et étrangères

 
 
La médiathèque de Sendai au Japon.

En France, on peut citer, à titre d'exemple, les médiathèques suivantes :

À l'étranger, citons la médiathèque de Sendai, au Japon

Voir aussi

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Bibliographie

Articles connexes

Liens externes

Discothèque

 
 
 
Vue de la piste de danse du Side Show en 2013, une discothèque située au Cap (Afrique du Sud).

Une discothèque — appelée aussi boîte de nuit (abrégé en boîte) ou nightclub (abrégé en club) — est un établissement de loisirs musical et dansant privé, généralement nocturne et réservé aux personnes majeures.

Apparue dans les années 1960 et donnant naissance à de multiples subcultures, la discothèque se distingue généralement du simple débit de boissons par la présence en plus d'un bar d'une piste de danse et d'une cabine réservée au DJ permettant de mixer un set en direct un ou plusieurs styles de musique par le biais d'un puissant système de sonorisation, en lien avec une scénographie multimédia (audiovisuelle et lumière).

Une discothèque peut également faire office de salle de concert. Lieu privé, elle dispose d'un service de sécurité qui en filtre l'accès.

La plupart des discothèques répondent à des genres musicaux spécifiques et ciblent certaines communautés, ou en dédient certains soirs à un thème musical particulier.

Étymologie en français

Le mot « discothèque » est attesté en français dès 1928, et signifie à cette époque un espace ou un meuble situé dans la maison où l'on range des disques microsillons. L'établissement ou le local où l'on peut danser s'appelle un « dancing » dès les années 1920. Dans les années 1950, le mot discothèque englobe à la fois le meuble, mais aussi une boutique où l'on peut écouter des disques avant de les acheter, ainsi qu'un établissement de prêts de disques, un local au sein d'une station de radio où sont rangés les disques, et, enfin, une boîte de nuit (1958). Cette dernière occurrence tend à s'imposer à partir des années 1970, en concurrence avec les anglicismes dancing et nightclub1.

Histoire

Prémices

 
Toulouse-Lautrec, Au Bal du Moulin de la Galette (1889), Art Institute of Chicago.
 
Situé dans les sous-sols du Grunewald Hotel à La Nouvelle Orléans, ouvert en 1912, The Cave est considéré comme le premier nightclub américain.
 
« Paris la nuit, dans un dancing de Montmartre », gravure de Manuel Orazi, 1927.

En Europe, avant 1914, les lieux nocturnes réservés à la musique dansante sont codifiés à la fois par les mœurs, les usages, les coutumes et la législation. La séparation entre les sexes est telle qu'une femme ne peut entrer non accompagnée dans un cabaret, un music-hall ou un café concert. On y sert de la nourriture, on y est placé, il y a une scène réservée aux musiciens et aux artistes performeurs pour les attractions, et enfin une piste de danse située entre les tables. L'entrée donne droit à un jeton. Ces lieux étaient très surveillés par des informateurs de police (vol, recel, prostitution, trafic de stupéfiants, etc.)2. L'une des plus anciennes salles de cette époque encore en activité est la Scala (Paris), ouverte en 1874.

Aux États-Unis, entre 1900 et 1920, les ouvriers américains se réunissaient dans les honky tonks ou les juke joints pour danser sur la musique qui était jouée soit au piano ou par un jukebox. Le Webster Hall situé à Manhattan, toujours actif, est ouvert en 1886, d'abord comme lieu de socialisation, où sont organisés des soirées dansantes à thème, des bals de débutantes, des rencontres sportives et des réunions politiques. Pendant la prohibition américaine, les speakeasies, tels le 21 Club, situés au sous-sol d'établissements respectables, constituaient des lieux de plaisirs clandestins particulièrement prisés. Avec l'abrogation de la prohibition en février 1933, ils évoluèrent en dancings, par exemple à New York, le Stork Club (1921), El Morocco (1931) ou encore le Copacabana (1940), accueillant des big bands. À Harlem, le Cotton Club et le Connie's Inn étaient des lieux très connus avec leur clientèle composée principalement de blancs.

Dans le Paris de l'entre-deux-guerres, la mode est d'abord aux dancings, irrigués par la musique américaine jazz Nouvelle-Orléans et charleston, et argentine, grâce à la vogue du tango. Des lieux ouvrent, appelés « boîtes de nuit », proposant restauration, concert et piste de danse, tels que Le Bœuf sur le toit, Le Grand Écart, d'autres évoluent comme Maxim's qui possède un premier étage dansant3. Dans les années 1930, la mode revient aux bals-guinguettes, le plus célèbre reste le Balajo, situé rue de Lappe, mais on trouve aussi la Java, le dancing de La Coupole, plus corseté, ou encore Le Palace, ancien cinéma reconverti en music-hall à revues, déclinant des thèmes où la clientèle devait venir déguisé4. Après guerre, les caveaux parisiens s'ouvrent au jazz dansant, celui de la Huchette est le plus ancien. Le terme « boîte de nuit » est utilisé dès les années 1930 par la presse parisienne.

Pour Peter Shapiro, auteur de Turn The Beat Around, les origines du clubbing contemporain remontent aux soirées clandestines organisées par la Swingjugend berlinoise et les Zazous parisiens dans les années 1941-1944 : « L’idée fondamentale de la discothèque, c’est un deejay jouant une suite spécifique de disques (et pas seulement ce qui est populaire) face à un public ciblé, ce qui était justement le cas chez ces jeunes gens, épris de jazz et de musique noire, habillés de façon capricieuse et exubérante, et qui se rassemblaient de façon clandestine pour écouter, autour d’un gramophone, les plus beaux vinyles swing qu’ils étaient parvenus à sauver de la barbarie nazie »5.

Le disc jockey arrive en boîte

En 1953, alors qu'elle travaillait au Whisky à Gogo à Paris, Régine décide de peindre les lumières de toutes les couleurs, de les animer à la main, et de remplacer le juke-box par un double tourne-disque pouvant diffuser la musique de façon ininterrompue, et surtout sous son contrôle. Régine a une prédilection pour le cha-cha-cha6. Le premier club officiel de l’histoire méconnue de la discothèque est en effet le Whisky à Gogo de Paris, fondé par Paul Pacini en 1947, suivi par Chez Castel, qui parviennent alors à réunir une faune interlope, entre célébrités, créatures inverties, fêtards sans le sou et figures de la nuit7.

De 1956 à 1962, Lucien Leibovitz, sans doute l’un des premiers disc jockey ou « disquaire », mot employé à cette époque, est résident au Whisky à Gogo situé à Cannes également ouvert par Pacini : « Lucien était ce que l’on nommait alors un « opérateur ». Le disc-jockey n’avait pas de statut. Il était habillé en blouse blanche avec un éclair sur la pochette marqué « opérateur » et son rôle était de passer des disques dans le club, qui était le premier night-club en France à utiliser le disque en remplacement d’un orchestre. Déjà, à cette époque, il disposait de deux platines [équipées d'un inverseur] et faisait des enchaînements entre les morceaux, si possible en gardant le même rythme »7.

Dans les années 1950 et même quelques années après, la plupart des bars et des clubs privés utilisaient des juke-boxs ou faisaient chanter en direct des groupes de musique. En Angleterre, dès 1946, des bals itinérants circulent à travers le pays et font danser les gens à partir de disques, de platines et de haut-parleurs.

Explosion de la culture jeune

 
Le Mayfair Ballroom and Concert Hall ouvert en 1961 à Newcastle-upon-Tyne.

La génération qui a 20 ans en 1960, vivant dans les centres urbains ou dans les périphéries, et qui a accès à la télévision et à la radio, va revendiquer son droit à des loisirs émancipateurs : le tournant s'observe lors des concerts, où, face à la scène sur laquelle joue des groupes de rock, le jeune public, au lieu de rester sagement assis, se lève, gesticule, crie, entre en transe. La télévision montre ces images, et les médias qualifie cette jeunesse de yéyés, puis deux nouvelles danses apparaîssent, le twist et le jerk, premières formes de danse en solitaire, qui s'imposent au cours de la décennie suivante. En attendant, à New York, l’arrivée et le succès du twist accompagne l’émergence de la scène club qui, peu à peu, remplace les clubs jazz de la ville, comme principaux lieux de danse8. En janvier 1965, la chaîne nationale américaine NBC lance Hullabaloo, une émission programmée l'après-midi, qui met en scène dans son générique des jeunes filles de toutes origines gesticulant et, pendant les lives, des filles postées sur des estrades, pratiquant le gogo dancing. La chaîne nationale française avec Âge tendre et tête de bois et la chaîne britannique BBC avec Top of the Pops, ouvrent également leurs antennes à des groupes de musiciens entourés de jeunes gens dansant9.

À Paris, les salles de concert s'adaptent à ce besoin de liberté : en 1961, le Golf-Drouot, un ancien mini-golf en salle, se reconvertit en salle de concert avec piste de danse centrale. Le 30 septembre 1965, James Arch ouvre le Bus Palladium à Paris, une discothèque rock ouverte à tous10.

En juin 1966, ouvre à Saint-Tropez, le Voom Voom club, grâce de nouveau à Pacini, qui fait appel pour une scénographie son et lumière novatrice à Nicolas Schöffer, prend en résidence des disc-jockeys, et accueille des groupes de rock, surtout britanniques9.

Ailleurs qu'en France, vers 1963, à Londres, Mark Birley (en), frère du mannequin féminin Maxime de la Falaise, ouvre une discothèque réservée uniquement à ses membres, le Annabel's (en) sur Berkeley Square11. Le twist a par ailleurs été important en Europe car il a aidé le rock’n’roll à pénétrer le grand public, quelque temps après avoir été adopté par la jet set, notamment dans les clubs sélect et prétentieux de Paris ou de Rome8. Une autre discothèque populaire ouvre à Munich en 1967, le Blow Up, ciblant une clientèle jeune désireuse de danser, lieu moins sélect qui fait bientôt fureur dans tout le pays12. À Paris, la première véritable discothèque populaire ouvre en 1969, boulevard de Bonne-Nouvelle, c'est Le Memphis, anciennement le Miami dancing, c'est un espace ouvert à tous, qui n'a rien à voir avec un club privé ou une salle de concert, on y vient pour danser jusqu'à 5 heures du matin13. Cependant, la première génération rock 'n' roll préférait les bars et tavernes à la fois rustiques et rudimentaires aux discothèques, et ces dernières n'atteignirent pas de popularité flagrante avant les années 1970 et l'émergence du disco.

La fièvre des années 1970

 
Jeunes gens dans une discothèque d'Allemagne de l'Est (1977), par Eugen Nosko (Deutsche Fotothek).

Pendant une courte période, au tout début des années 1970, par les échanges entre les communautés venues de Jamaïque et celles implantées à New York, les principaux éléments modernes de la « culture dance » ont été inventés : le djing, le scratching, le remix, le dub, le maxi single8. La disco émerge de ce terreau, c'est au départ une subculture, très liée aux communautés gay, hispaniques, afroaméricaines, italoaméricaine, etc., lesquelles vont se rencontrer sur le dancefloor, sans craindre d'être conspuées14. De son côté, DJ Kool Herc organise le 11 août 1973 en tant que MC une jam session dans une salle de loisirs sur Sedgwick Avenue en plein Bronx : breaking, scratching, break dancing, rapping, c'est le début historique de la culture hip-hop15. La disco est née à Manhattan à une époque où la ville est ruinée, presque à l'abandon, avec des DJ comme David Mancuso et ses soirées « Love Saves The Day » à The Loft, Nicky Siano (en) à The Gallery, Frankie Knuckles au Continental Baths (en). D'autres DJ comme Francis Grasso invente le calage tempo, Michael Cappello et Steve D’Acquisto exécutent des mixes de plusieurs dizaines de minutes. En 1974, Mancuso, Grasso, Knuckles, et une trentaine de DJ de l'East Coast décident de constituer un music pool (en) : il s'agit d'un accord avec les studios et éditeurs de musique, qui leur envoient des morceaux en priorité. En retour, ces DJ s'engagent à faire graver leurs mixes, tandis que les stations radios prennent le relais. Venu du Bronx, Knuckles mixe également au Loft, où il ramène son ami Larry Levan. La disco se démocratise intensément, et touche bientôt toutes les communautés. La Fièvre du samedi soir (1977), et son double-album du même nom (Saturday Night Fever) symbolise un phénomène devenu planétaire et en même temps le début de son déclin16.

En Europe, les boîtes de nuit se multiplient. En 1973, à Ibiza, largement colonisé par les communautés hippies marquées par le psychédélisme, une ferme est transformée en superclub par un entrepreneur espagnol, Ricardo Urgell : le Pacha Club devient le premier d'une longue série. Le Chalet du lac de Saint-Mandé devient la plus grosse discothèque de France en 1975, décorée par Philippe Starck. 1976-1977 représente un tournant pour les superclubs et ce qui préfigure la house music et le son garage : ouverture du Paradise Garage et du Studio 54 à New York, du Warehouse à Chicago (où officient Knuckles et Ron Hardy), du Palace à Paris, de la Main bleue à Montreuil animée au départ par les communautés afro-antillaises. La dance music, élaboré par les DJ, devient un véritable business. Le rythme s'accélère sous l'impulsion de machines de plus en plus performantes. Les morceaux se nourrissent alors de multiples influences grâce au sampling : soul, funk, rythmes latino, rock, musique électronique16...

Années 1980 - 1990

C’est l’époque pendant laquelle le disco s’en est retourné vers l’underground. Le disco a notamment fusionné avec le punk rock, autre grand paria de la même époque, grâce à des groupes comme New Order, Talking Heads ou Gang Of Four. Et puis, comme la mode du disco était définitivement révolue, le genre a pu muter sous différentes formes, comme la house ou la techno, sans être enfermé dans des règles de genre trop restrictives8. L'ouverture du club The Haçienda à Manchester en 1982 symbolise cette première tentative de fusion, en même temps qu'elle est une réponse de l'Europe à New York et aux superclubs américains17.

Dans les années 1990, le clubbing ne connaît plus de frontières et devient la proie d'entreprises multinationales : Ministry of Sound (Londres) ouvre différents lieux, d'abord à Sydney puis Berlin, déclinant sa formule. À Paris, ouvre Le Queen sur les Champs-Élysées ; à Tokyo, ouvre le Juliana's (en) ; à Liverpool, le Cream ; ou encore à Ibiza, le Pacha 2. Le Bunker de Berlin devient l'un des temples de la techno hardcore.

En France, la première free party teknival se tient à Beauvais en 1993.

Évolutions depuis les années 2000

 
 
Les gens dansent au Lola Club à Tampere, Finlande en 2020

Dans les années 1980, la France comptait officiellement 400018 à 6 000 discothèques, puis environ 2 500 vingt ans plus tard, période durant laquelle se produit toujours une forte chute19. Depuis 2004, il est estimé approximativement un nombre de 30 à 50 fermetures annuelles par Ludovic Rambaud, un temps rédacteur en chef de DJ Mag19. Rien qu'entre 2008 et 2010, 800 discothèques françaises disparaissent20. À la fin des années 2010, la France compte officiellement 1 500 discothèques ou boite de nuit20. En parallèle, quelques lieux hybrides sont apparus, mélangeant bar ou restaurant avec une ambiance musicale marquée19. Plusieurs paramètres sont accusés de ces fermetures tels l'apparition d'internet avec sa simple diffusion de musique, la baisse du pouvoir d'achat, l'interdiction de fumer ou simplement un changement dans les comportements des jeunes19.

Suivant les types de musiques jouées, la clientèle est très différente. La clientèle techno ou house peut par exemple se rendre en discothèque que pour y écouter un genre musical précis ou un artiste précis ou DJ particulier. Ces derniers se produisant rarement dans d'autres lieux (tels que salles de concert), la discothèque devient donc dans ce cas là l'équivalent d'une salle de concert où l'on va autant pour danser que pour écouter des morceaux de musique spécifiques et qui ne se diffusent pas dans les circuits traditionnels et populaires.

À partir de 2020, la pandémie de covid-19 entraine la fermeture temporaire des discothèques dans la plupart des pays du monde21.

Caractéristiques d'une discothèque

 
Performance artistique en discothèque avec des costumes de l'artiste Beo Beyond (années 2010).

Une discothèque est un lieu où l'on peut danser, écouter de la musique, rencontrer des gens, consommer des boissons (souvent alcoolisées) et parfois des snacks. L'état d'ivresse, l'agressivité manifeste et la consommation de substances psychotropes y sont en principe interdits. Un service de sécurité assure l'intendance (voir ci-dessous). On y trouve des sanitaires, parfois surveillées par un personnel qui peut être rémunéré par le client en échange de services. La discothèque peut disposer de salons privées, d'un carré VIP réservé à des invités ou clients privilégiés. Depuis que l'interdiction de fumer du tabac par combustion s'est généralisée, on y trouve un fumoir. En termes d'animations, interviennent parfois des danseurs et danseuses professionnels ou d'autres formes d'expressions artistiques. Par exemple, des soirées sexy show ou chippendales sont parfois organisées dans certaines discothèques, dont l'origine est la pratique du gogo dancing. Des élections de miss ou boy, des soirées à thème (mousse, déguisée, etc.), des DJ prestigieux ou des groupes de musiciens peuvent y être invités pour des performances ou sessions en direct. Certains établissements prévoient un code vestimentaire, d'autre non. Une certaine clientèle adopte un code vestimentaire assez radical appelé le clubwear. L'accès au lieu se fait alors à la discrétion du physionomiste.

Fonctions officielles et officieuses

Une discothèque, tout comme le dancing et le bal d'autrefois, outre sa fonction première qui reste distractive (danser et boire en musique), constitue un lieu de socialisation, de rencontre entre les personnes, au-delà des genres, origines et milieux sociaux. C'est encore un lieu de séduction et de rencontres amoureuses, mais beaucoup moins qu'avant.

Par exemple, les slows ou « quart d'heure américain » ont aujourd'hui totalement disparu de la plupart des discothèques. En 1969, Je t'aime… moi non plus, chanté par Jane Birkin et le compositeur Serge Gainsbourg, s'était classé au sommet des hit-parades occidentaux22,23.

Depuis le début des années 2000, l'essor d'internet et des sites de rencontres en ligne, ainsi que la généralisation du téléphone portable, contribuent sans doute à reléguer cette fonction de socialisation amoureuse au second plan.

Sécurité en discothèque

En France, une discothèque est classée comme établissement recevant du public, répondant au type P. Elles sont de fait, d'un point de vue juridique, soumises aux lois relatives à la sécurité du 7 juillet 1983. Les discothèques sont alors contrôlées pour leur niveau de sécurité tous les deux ou trois ans, en fonction de leur capacité d'accueil.

Le videur

La discothèque est un lieu propice aux échauffourées : les boissons, les possibles rivalités amoureuses ou entre bandes, les trafics possibles, la foule, l'atmosphère festive favorisent la survenance de bousculades voire de violences. Un membre important du personnel de discothèque est le videur (également assimilé aux fonctions de portier ou physionomiste) dont la fonction est d'assurer la tranquillité et la bonne réputation de l'établissement. Sa fonction consiste à empêcher d'entrer (par exemple si le nombre maximal de personnes autorisées à l'intérieur est atteint) ou à obliger à sortir les individus indésirables, soit par leur comportement, soit par leur réputation ou leur apparence (les discothèques pouvant imposer une certaine tenue : on parle de « tenue correcte exigée »). Quand la persuasion ne suffit pas, le videur doit employer des moyens plus radicaux faisant appel à ses capacités physiques et de combativité, tout en privilégiant la discrétion. Le personnel de sécurité est aussi formé en principe à venir en aide aux clients victimes de malaise. Un défibrillateur doit être présent à l'intérieur des locaux, ainsi que des extincteurs, accessibles et en état de fonctionnement.

Incidents et drames

L'histoire des lieux dansants, très ancienne, est jalonnée de drames, en particulier d'incendies.

L'une des premières catastrophes moderne lié au concept de discothèque, reste en France, l'incendie du dancing « le 5-7 » à Saint-Laurent-du-Pont, en Isère, survenu la nuit de la Toussaint 1970, qui fait 146 morts, des jeunes âgés de 16 à 25 ans. L'établissement avait été mis en service peu de temps auparavant et ne répondait pas aux normes de sécurité. Il flamba en quelques minutes, et les jeunes victimes restèrent pour la plupart coincées derrière les tourniquets d'entrée qui empêchaient la resquille, ainsi que derrière les portes de secours qui avaient été verrouillées. Ce drame provoque une énorme émotion en France et à l'étranger. Des centaines de discothèques sont fermées et de nouvelles règles très strictes sont imposées en matière de sécurité aux établissements recevant du public. Un mémorial se dresse aujourd'hui à l'endroit du drame. Derrière la stèle où sont inscrits les noms des victimes, les restes des deux tourniquets autrefois situés à l'entrée avant le drame sont exposés à la demande des familles touchées par cette catastrophe.

Pandémie de Covid-19

En France et dans d'autres pays, au cours de la pandémie de covid-19 en 2020 et 2021, les discothèques sont considérés comme des lieux propices à la contamination et pour cette raison, ce sont les établissements qui sont fermés pendant la plus longue période, devant les restaurants et les bars24.

Piqûre sauvage

Le phénomène des piqûres sauvages (également appelé agression à la piqûre, agression à la seringue ou encore piqûres en boîtes de nuit) est un phénomène initialement signalé au Royaume-Uni et en Irlande où des personnes, généralement des jeunes femmes, ont été victimes d'une injection subreptice de produits non identifiés, supposément des sédatifs, généralement dans un environnement bondé tel que la piste de danse d'une boîte de nuit25,26. Certaines victimes ont présenté des symptômes tels qu'une sédation et une amnésie typiques des drogues du viol27. Aucun résultat toxicologique vérifié n'a été publié montrant la présence d'agents incapacitants connus chez les victimes présumées. La prévalence de cas réels est inconnue et a été controversée, certains experts exprimant des doutes quant à la facilité avec laquelle de telles injections pourraient être effectuées sans que cela soit immédiatement évident pour la victime28,29.

Géographie des discothèques

Cette liste permet de retrouver par pays des discothèques disparues ou encore actives.

Allemagne

Belgique

Canada

Espagne

États-Unis

France

En 2020, la France compte entre 1500 discothèques ou boîtes de nuit18, contre 4000 quarante ans plus tôt30.

Israël

Italie

Pays-Bas

Royaume-Uni

Suisse

Notes et références

  1. Amandine Hirou, « Les lieux oubliés (1/5) : A Mimizan, que sont devenues les folles nuits du Roxy ? » [archive], sur L'Express, (consulté le ).

Annexes

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Bibliographie

Vidéographie

Articles connexes

Liens externes

Théâtre

 
 
 
Le théâtre de Taormina, vision que donne Gustav Klimt du théâtre grec antique (le théâtre de Taormine).
 
En attendant Godot, texte de Samuel Beckett, mise en scène de Otomar Krejča. Festival d'Avignon, 1978. Rufus (Estragon) et Georges Wilson (Vladimir). Photographie de Fernand Michaud.

Le théâtre (Écouter) est à la fois l'art de la représentation d'un drame ou d'une comédie, un genre littéraire particulier, et l'édifice dans lequel se déroulent les spectacles de théâtre1. On parle aussi de genre dramatique.

Le mot en grec ancien : θέατρον, « theatron », désignait également auparavant la scène ou le plateau, c'est-à-dire toute la partie cachée au public par le rideau2.

Au sens figuré, « théâtre » désigne un lieu où se déroule une action importante (par exemple, un théâtre d'opérations militaires).

Aujourd'hui, à l'heure des arts dits pluridisciplinaires, la définition de l'art du théâtre est de plus en plus large (jusqu'à se confondre avec l'expression spectacle vivant), si bien que certains grands metteurs en scène n'hésitent pas à dire que pour qu'il y ait théâtre, il suffit d'avoir un lieu, un temps, un acte et un public3.

Il s'agit de spectacles dans lesquels des comédiens, mis dans les circonstances et les situations créées par un texte et la vision d'un metteur en scène/réalisateur, incarnent des personnages pour un regard extérieur (le public), dans un temps et un espace limités. Les dialogues écrits sont appelés pièces de théâtre, mais il peut y avoir également du théâtre sans texte écrit ou même sans aucune parole. Il existe aussi des œuvres de théâtre musical, le genre étant particulièrement représenté dans les célèbres quartiers de Broadway aux États-Unis ou du West End à Londres, mais aussi de plus en plus autour des Grands boulevards à Paris4.

Dans la création contemporaine, les frontières entre les différents arts de la scène (théâtre, mime, cirque, danse...) sont de plus en plus ténues, si bien que certains professionnels n'hésitent pas à remplacer le mot théâtre par les mots spectacle pluridisciplinaire ou spectacle vivant, mettant ainsi l'accent sur le métissage des disciplines.

Histoire

 
Théâtre grec à Taormina, Sicile.

Dès les débuts de l'humanité, le « théâtre » désignait l'acteur qui racontait, qui revivait une expérience de chasse, de conflit, pour la partager avec son groupe. Dans la civilisation occidentale on considère les cortèges en l'honneur du dieu grec Dionysos comme les premières représentations théâtrales, bien avant le VIe siècle av. J.-C.5. C'est en effet d'abord à l'époque grecque antique qu'apparaît le Theatron (θέατρον, qui vient de θεάομαι : regarder, contempler). Le terme désigne alors l'hémicycle destiné aux spectateurs. Un théâtre est donc à l'origine un lieu d'où le public observe un spectacle. À la Renaissance, la signification s'étend non seulement à l'ensemble de l'édifice de spectacle, scène comprise, mais également à l'art dramatique. Ce n'est qu'après la période du théâtre classique que le terme devient par antonomase le texte qu'il soit lu ou joué.

Le théâtre est né en Grèce, où des concours tragiques existent depuis le VIe siècle av. J.-C. Il est apparu à Rome à la fin du IIIe siècle av. J.-C. Les représentations font partie des « jeux » (ludi), fêtes officielles de la cité. À Rome, on édifie d'abord des théâtres en bois, où seuls les spectateurs des premiers rangs sont assis, puis des théâtres en pierre : théâtre de Pompée en 55 av. J.-C., de Balbus en 13 av. J.-C., de Marcellus en 12 ou 11 av. J.-C. En Campanie, par exemple à Pompéi, on construit des théâtres en pierre dès le IIIe siècle. À l'époque impériale, chaque ville romaine a son théâtre, comme Ostie en Italie, Orange en Gaule ou Sabratha en Afrique.

Dans le théâtre romain, plus anciennement dans le théâtre grec, les acteurs portaient un masque : cet accessoire leur permettait d'être mieux vus des spectateurs assis sur les gradins parfois éloignés et d'en être mieux entendus, leur voix étant amplifiée comme par des porte-voix. Il y avait des masques tragiques (un visage triste) ou comiques (un visage fendu d'un large rire) ainsi que des masques doubles (un côté tragique, un côté comique) ; les acteurs qui se servaient de ces derniers devaient jouer de profil. L'acteur, exclusivement masculin, porte aussi des vêtements aux rembourrages voyants et cloturaux ainsi qu'une coiffure très haute, censés évoquer le gigantisme des dieux et des héros qu'il incarne.

Au Moyen Âge, des troupes itinérantes jouent des pièces de genre dites des « Miracles », des "Mystères" et des « drames liturgiques », d'abord dans les églises puis dans leurs porches, sur leurs parvis et sur les places publiques. Elles ont pour vocation de raconter la vie des Saints mais sont très longues, alors pour maintenir le spectateur éveillé on y glissait en intermède quelques petites farces.

Aujourd'hui, le théâtre amateur tend à se développer partout en province.

Les genres

Un genre théâtral est le résultat d'une création comique correspondant à une forme particulière : le spectateur, connaissant un genre donné, sait à quoi s'attendre, et selon la présentation de l'œuvre (tragédie, comédie…), il a une vision stéréotypique de l'œuvre.

Le genre est donc, avant tout, une convention qui donne un cadre, une forme précise. C'est un premier échange implicite entre l'artiste et le spectateur. Il inclut diverses formes théâtrales dont la farce, la comédie, la pantomime, la tragédie, le drame romantique, le drame bourgeois, la tragédie lyrique, le vaudeville, le mélodrame, les mystères médiévaux, le théâtre de marionnettes, le théâtre forum, le théâtre d'improvisation, le théâtre en plein air, le théâtre de rue, le théâtre expérimental, le théâtre installation performance, la danse-théâtre (ou théâtre-danse), le web-théâtre avec les expérimentations d'e-toile, le café-théâtre d'improvisation, le théâtre de l'absurde, le conte, la revue.

Le théâtre de société, théâtre amateur joué dans les demeures privées de riches propriétaires, par, et pour, des proches de ces derniers, est une forme théâtrale qui s'est développée plus particulièrement à partir du XVIIIe siècle. Notamment en Suisse romande sous l'influence de Voltaire, installé près de Genève, et de Germaine de Staël, au château de Coppet. Des témoignages exceptionnels (costumes et décors) ont été conservés au château d'Hauteville6.

Molière disait, traduisant ainsi une devise de Santeul : le but de la comédie est de corriger les mœurs (castigat ridendo mores), ce qui vaut aussi pour la tragédie. Ces deux formes théâtrales ont en effet une portée édifiante.

Depuis quelques années est apparu un genre nouveau : le théâtre témoignage. Les premiers spectacles abordaient la question des drames vécus par les personnes ayant subi des licenciements économiques (Les yeux rouges pour les employés de Lip ; 501 blues pour ceux de Levis). Puis sont apparus des spectacles témoignant des horreurs des génocides de la fin du XXe siècle : Olivier Py et son Requiem pour Srebrenica, ou encore Jacques Delcuvellerie avec Rwanda 94.

Les auteurs célèbres

Auteurs ayant eu le plus d'influence et d'audience dans le domaine du théâtre de façon permanente depuis leur vie.

Théâtre antique

Théâtre baroque

Théâtre classique

Théâtre du XVIIIe siècle

Théâtre romantique

Vaudeville

Voir aussi les listes détaillées Dramaturges par ordre alphabétique et Dramaturges par ordre chronologique.

Il n'y a pas d'autrices ou d'auteurs pour le théâtre contemporain à cause de la proximité temporelle : nous n'avons pas le recul nécessaire, à notre époque, pour déterminer les auteurs qui seront confirmés comme des auteurs célèbres.

Scène

Disposition et vocabulaire

Mise en scène

Dans un immense atelier, quelqu'un dessine avec soin une colonne au milieu des pots de peinture.
 
Atelier de construction d'une scène de théâtre.

La scène 1 de l'acte 1 est nommée « l'intersigne » ou scène d’exposition.[réf. souhaitée]

Le théâtre prend sa conception actuelle au début du XXe siècle, grâce à des pionniers et des pédagogues comme Constantin Stanislavski et Bertolt Brecht (pour l'enseignement du théâtre et la place du comédien), Vsevolod Meyerhold (entraînement physique), Edward Gordon Craig (laboratoire expérimental et importance de la marionnette), Adolphe Appia (espace théâtral en trois dimensions), Jacques Copeau (honnêteté, sincérité, simplicité avec le Théâtre du Vieux-Colombier), ou Antonin Artaud (la souffrance d'exister avec le Théâtre de la cruauté)7.

Le metteur en scène au théâtre prend une réelle dimension à la fin du XIXe siècle. Il acquiert la place de « maître du plateau ». Ce bouleversement est notamment provoqué par Constantin Stanislavski, auteur et metteur en scène russe né en 1863 à Moscou, qui va, à 35 ans, créer avec Vladimir Nemirovitch-Dantchenko le Théâtre d'art de Moscou. Il y crée8 des spectacles de Tchekhov notamment (Les Trois Sœurs, 1900) et y enseigne une nouvelle pratique du théâtre basée sur le travail corporel, le travail physique et le refus du jeu conventionnel. Ce « système » (nom donné, par les contemporains, à sa façon de travailler), également intitulé « La Méthode (théâtre) », qu'il décrit dans son livre, La Formation de l'acteur, influence ses successeurs, dont Valère Novarina, Claude Régy ou encore Jean Vilar qui, dans la préface du roman, expose qu'« il n'est pas de comédien authentique qui n'ait, un jour ou l'autre, emprunté, sciemment ou non, quelques-uns des sentiers » du livre de Stanislavski.

En constituant leurs écoles, Constantin Stanislavski ou Vsevold Meyerhold, en particulier, veulent mettre fin au mythe du talent et de l'inspiration. Le théâtre se construit, selon eux, sur des bases scientifiques. Si l'on devient acteur, si l'on devient actrice, c'est grâce à une pédagogie et une pratique rigoureuses - ils ne seront pas d'accord sur ce qu'est cette pédagogie et cette pratique, mais c'est un autre question7.

Pour la préparation d’une production et les représentations, le metteur en scène peut faire appel à plusieurs autres personnes, notamment :

Le jeu, l'acteur

Métier d'acteur

L'acteur de théâtre ne joue généralement qu'un seul rôle à la fois, clairement défini et cohérent. L'acteur sait qu'il n'est pas réellement le personnage, même s'il doit s'identifier à lui. Les rôles de théâtre ne sont donc pas constituants. Cependant, afin de rendre celui-ci fort et cohérent, un acteur peut s'investir dans son rôle avec sa personnalité et son vécu. Le fait de créer un passé au personnage à l'aide d'événements déjà vécus par l'acteur est théorisé par Constantin Stanislavski comme le « revivre » et l'exploration de la mémoire affective. Il n'empêche que certains sont accusés de jouer tous leurs personnages de la même manière, de cabotiner. Ce problème du paradoxe sur le comédien est exposé par Diderot. Contrairement à Stanislavski, Diderot croit que le meilleur comédien est celui qui garde une distance entre son personnage et lui et qui ne joue pas la pièce en allant puiser dans ses propres émotions. La vision du jeu théâtral de Diderot le rapproche donc de Brecht et de sa théorie de la distanciation.

Les humains, vivant en société, deviennent nécessairement des acteurs sociaux, qui changent de rôle constamment (au travail, en famille, entre amis, etc.). Cela renvoie à la notion de Theatrum mundi qui soutient que la vie est un spectacle, que le monde est une scène, que les êtres humains sont des comédiens et que Dieu est l'auteur et le metteur en scène de cette grande pièce de théâtre9.

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Acteurs célèbres

 
L'actrice Rachel Félix dite Mademoiselle Rachel, par William Etty, portrait entre 1841 et 1845, York Art Gallery.
 
Portrait de Jean-Baptiste Poquelin, dit Molière.

Dynasties d'artistes de théâtre

Le public en France

À rebours de la plupart des autres spectacles, où l'on admet, et quelquefois recherche, une certaine décontraction des individus composant le public, il s'est construit au XXe siècle une discipline de spectacle acceptée de tous. Par exemple, au XIXe siècle, il était très courant que le public siffle un spectacle de théâtre ou se mette à se disputer ; ce n'est plus le cas aujourd'hui. Aujourd'hui prime le respect du travail présenté, et la recherche d'une communion entre les personnes présentes10.

Cette exigence n'est pas toujours bien vécue lorsque le spectacle n'est pas intéressant : le spectateur se mettant à remuer, à tousser, quitter la salle, etc, toutes attitudes qui ne sont pas considérées comme correctes ; en cas de spectacle ennuyeux, seulement deux attitudes sont admises : dormir sur son siège, ou partir à l'entracte. Ces règles sont si bien acceptées qu'il est exceptionnel, de nos jours, de voir des spectateurs siffler, manifester bruyamment un désaccord, encore moins envahir la scène. Pour préserver le travail des acteurs et actrices, pour ceux qui prennent plaisir au spectacle, il est même exceptionnel de les voir applaudir à contre-temps, c'est-à-dire avant la fin. Le public recherche avant tout un plaisir partagé par toute la salle, des bruits d'émotions, un pari, que les émotions de chacun viendront conforter les émotions de tous et non les contredire10.

La salle est importante pour déterminer comment faire collectif. Le public français est réflexif, c'est-à-dire qu'un individu donné comprend intuitivement comment fait le public où il est pour faire public. Pour cet individu, cela a des conséquences importantes sur sa sensation d'être à l'aise ou pas, quel que soit le spectacle présenté. Chaque théâtre « suggère » comment se comporter. Par exemple, à la Comédie-Française, « il faut » parler doucement et se tenir à certaines règles vestimentaires ; au Théâtre national de Chaillot, « il faut » être plus libre. Le théâtre n'est pas seulement un rapport à une œuvre, mais il est aussi une façon d'être ensemble, il est aussi la manifestation d'une solidarité sociale10.

Théories sur le théâtre

 

Pourquoi, s'ils jouent déjà naturellement des rôles, les humains se sont-ils mis à jouer du théâtre ? De façon générale, comme le rappelle Aristote dans La Poétique, les gens réagissent différemment dans la vie, et face à une œuvre d'art. Un cadavre en décomposition horrifie, mais une nature morte ravit. Il y a donc un pouvoir propre à la représentation (mimésis), au jeu, qui permet d'appréhender avec plaisir ce qui autrement pose problème.

Le théâtre est donc joué pour faire face aux mystères et conflits qui inquiètent.

Les gens de théâtre cherchent ainsi à créer un miroir social, un reflet plus ou moins caricatural de la société, qui permet de mieux la comprendre, et de mieux dénoncer ses failles : ce rôle politique était particulièrement évident dans la Grèce antique, avec la comédie ancienne. Mais cette citation du Hamlet de Shakespeare peut aussi être mentionnée : « for any thing so overdone is from the purpose of playing, whose end, both at the first and now, was and is, to hold, as 'twere, the mirror up to nature ». Le théâtre est aussi un miroir tendu à la nature : le spectateur, comme l'acteur, vient chercher une réponse, se construire une identité.

Le théâtre peut avoir un effet cathartique, servant d'exutoire aux passions qui ne sont pas autorisées par la société. Le théâtre peut aussi être un divertissement, sans autre objectif que de changer les idées à ses spectateurs, par l'utilisation du comique notamment.

Augusto Boal, qui aborda une manière de faire du théâtre résolument politique, c'est-à-dire qu'il faisait jouer à des gens des situations conflictuelles en changeant la position des personnages : par exemple, le directeur qui avait licencié tel salarié jouait le rôle du salarié. Cela permettait selon lui de régler certains conflits. C'est l'origine de ce qu'on a appelé le théâtre forum, et en Belgique le théâtre-action.

Peter Bu propose une définition générale du théâtre permettant d'inclure toutes ses formes.

Institutions

Festivals

Le festival le plus renommé en France est le Festival d'Avignon. Le plus grand festival européen, et peut-être mondial est le festival international d'Édimbourg. Il existe de nombreux festivals, notamment en période estivale. Certains se concentrent sur un genre particulier (Aurillac pour le théâtre de rue, ou celui de Charleville-Mézières pour le théâtre de marionnettes, Mimos de Périgueux pour le théâtre gestuel, par exemple) ou bien restent « généralistes » en tentant la plupart du temps de programmer un spectacle avec une tête d'affiche pour attirer le public.

Formation en France

Une majorité des comédiens en activité a suivi une formation, que ce soit par le conservatoire national supérieur d'art dramatique, un Conservatoire de musique, danse et art dramatique ou un cours privé11.

Théâtre et internet

 

Internet est considéré par certains comme un concurrent du théâtre voire un adversaire qui encourage le goût de la dématérialisation de relations, contraire à la proximité humaine propre au théâtre. Certains ont considéré les sites de théâtre sur Internet comme « des officines responsables de la régression du théâtre »12.

D'autres personnes estiment qu'Internet apporte beaucoup au théâtre : une popularisation par la diffusion d'opinions sur les pièces, une démocratisation par la pression à la baisse des tarifs initiée par les billetteries en ligne et un accès facilité à l’information (programmation, réservation).

Ainsi, en septembre 2006, la Comédie-Française a ouvert ses portes aux acteurs du web, que ce soit pour publier sur le Web des avis sur les pièces, ou pour proposer des tarifs réduits aux spectateurs.

Le Théâtre des Osses, compagnie suisse fondée en 1978 et devenue Centre dramatique fribourgeois en 2003 ouvre un site d'archives13.

Notes et références

Annexes

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Articles connexes

Récompenses

Bibliographie

Liens externes

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