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Catégorie : 14 Merveille Du Monde
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Grotte de Lascaux

 
Grotte de Lascaux *
Image illustrative de l’article Grotte de Lascaux
Aurochs représentés dans la grotte de Lascaux. Lascaux 2.
Coordonnées 45° 03′ 13″ nord, 1° 10′ 12″ est
Pays France
Type calcaire
Critères [2]
Zone géographique Europe et Amérique du Nord **
Géolocalisation sur la carte : Dordogne
(Voir situation sur carte : Dordogne)
localisation
 
 
* Descriptif officiel UNESCO
** Classification UNESCO

La grotte de Lascaux, située sur la commune de Montignac-Lascaux, dans le département français de la Dordogne en région Nouvelle-Aquitaine, dans la vallée de la Vézère, est l'une des plus importantes grottes ornées du Paléolithique supérieur par le nombre et la qualité esthétique de ses œuvres. Elle est parfois surnommée « la chapelle Sixtine de l'art pariétal », selon une expression attribuée à Henri Breuil1,2,Note 1, qui la nomme également « Versailles de la Préhistoire »1 ou « Altamira française »3.

Les peintures et les gravures qu'elle renferme n’ont pas pu faire l’objet de datations directes précises : leur âge est estimé entre environ 19 000 et 17 000 ans à partir de datations et d’études réalisées sur les objets découverts dans la grotte. La plupart des préhistoriens les attribuent au Magdalénien ancien, sauf quelques-uns qui penchent plutôt pour le Solutréen qui le précède, voire pour le Gravettien4. Une étude de 2019 révèle que des mesures effectuées sur de nombreux fragments d'os éparpillés dans la grotte indiqueraient que ceux-ci dateraient de 21 000 à 21 500 ans cal AP, ce qui correspond à la transition du Badegoulien au Magdalénien.

Géographie et contexte géologique

La grotte est située dans le Périgord noir dans la vallée de la Vézère plus précisément dans la commune de Montignac-Lascaux (Dordogne), à une quarantaine de kilomètres au sud-est de Périgueux et à 25 kilomètres de Sarlat-la-Canéda.

Elle s'ouvre sur la rive gauche de la Vézère, dans une colline calcaire au sein de l'étage coniacien (Crétacé supérieur). Contrairement à de nombreuses autres grottes de la région, la grotte de Lascaux est relativement « sèche ». En effet, une couche de marne imperméable l’isole de toute infiltration d’eau, empêchant toute nouvelle formation de concrétion de calcite.

Historique

Voir notamment les ouvrages d'Henri Breuil5, de Norbert Aujoulat6, et le Dictionnaire de Lascaux de Brigitte et Gilles Delluc.

Lascaux avant la découverte de la grotte

Avant la découverte de la grotte, Lascaux (ou « Las Coutz », « La Coux », nom féminin dérivé de l’occitan cous ou cos, qui désigne un endroit pierreux) était le nom d'une seigneurie dont la présence est attestée au début du XVe siècle. Ce petit domaine noble comprenait un logis seigneurial, une métairie, un moulin, un colombier, des terres en labour, des vignes et la colline qui renfermait la grotte. Une description du domaine datée de 1667 indique le couvert paysager de la colline, constitué de vignes, de taillis, de châtaigniers, de genévriers et de bruyères. Le domaine noble changea de mains au fil des siècles, passant de la famille de Lascaux à celle du Cheylard, puis aux de Reilhac, aux Labrousse de Lascaux, puis finalement aux La Rochefoucauld-Montbel, propriétaires du domaine au moment de la découverte de la grotte7.

Découverte

Différentes versions de l’invention de la grotte de Lascaux ont été rapportées. Elles sont parfois contradictoires et souvent relatées de façon fantaisiste : découverte fortuite par un chien ou en jouant au ballon, exploration volontaire de la cavité déjà connue8,1. Celle-ci a été effectuée en deux temps, les 8 et .

Selon la version la plus fréquemment racontée, le , Marcel Ravidat9 découvre l'entrée de la cavité lors d'une promenade sur la commune de Montignac en Dordogne. Au cours de cette promenade, son chien Robòt9 poursuit un lapin qui se réfugie dans un trou10 situé à l'endroit où un arbre avait été déraciné : un orifice d'environ 20 cm de diamètre s'ouvre au fond de ce trou, impossible à explorer sans un travail de désobstruction11. En jetant des pierres pour essayer de faire sortir le lapin, Marcel Ravidat constate que le trou communique avec une vaste cavité. Comme cela se situe à 500 mètres du château de Lascaux, il pense qu'il s'agit de la sortie d'un souterrain12.

Quatre jours plus tard, le jeudi (le jeudi est le jour de repos hebdomadaire, mais la rentrée scolaire s'effectue au à cette époque), Marcel Ravidat, muni d'un matériel de fortune (lampe à huile, coutelas) pour s'éclairer et élargir l'orifice découvert précédemment, revient sur les lieux accompagné cette fois de Georges Agniel, Simon Coencas13, Jacques Marsal14. Les jeunes gens pénètrent ainsi une première fois dans la grotte et y découvrent les premières peintures. Après des visites quotidiennes et une première exploration du Puits, Jacques Marsal dévoile leur découverte à ses parents, qui s'étonnent de le voir revenir couvert de poussière. Ils avertissent Léon Laval, leur ancien instituteur à la retraite, le 16 septembre12 qui pense à une plaisanterie et préfère ne pas s'aventurer dans le trou mal dégagé15. Léon Laval ne croit pas au départ à cette découverte mais il va dépêcher un de ses anciens élèves, George Estreguil qui lui va faire des dessins de la grotte16. C’est à la vue de ces dessins que Léon Laval se dit : « Ils ne me racontent pas d’histoires ». Maurice Thaon qui réside dans un hôtel à Montignac entend parler de cette découverte, descend alors dans la cavité où il prend quelques croquis d'animaux. Il part en Corrèze (à Brive17 ou Cublac18) rencontrer le préhistorien Henri Breuil, réfugié dans la région pour fuir l'occupant, pour lui relater la découverte et lui présenter les croquis15. L'abbé Breuil est alors le premier spécialiste à visiter Lascaux, le , en compagnie du chanoine Jean Bouyssonie et du docteur André Cheynier, bientôt suivis des préhistoriens Denis Peyrony et Henri Begouën19.

Études et relevés

Henri Breuil est le premier à authentifier la grotte et à la décrire sommairement20. Il entreprend quelques relevés dès la fin de l'année 1940 et passe plusieurs semaines sur place pour étudier les œuvres qu’il attribue au Périgordien (voir Datation).

Après plusieurs années passées en Espagne, au Portugal et en Afrique du Sud, il revient en 1949 et entreprend une rapide fouille avec Séverin Blanc et Maurice Bourgon au pied de la scène du puits où il espère trouver une sépulture. Il y met au jour des pointes de sagaies décorées en bois de renne.

De 1952 à 1963, à la demande de Breuil, les relevés des gravures sont réalisés sur 120 m2 de calques par André Glory qui comptabilise 1 433 représentations (aujourd’hui, 1 900 sont répertoriées).

Par la suite, les représentations pariétales et leur environnement sont également étudiées par Annette Laming-Emperaire, André Leroi-Gourhan (et toute son équipe pluridisciplinaire, dont Brigitte et Gilles Delluc et Denis Vialou) de 1975 à nos jours et, de 1989 à 1999, par Norbert Aujoulat6.

Protections

La grotte est classée au titre des monuments historiques l'année même de sa découverte, par arrêté du 27 décembre 1940. Les parcelles de terrain où se trouve la grotte ou voisines de celle-ci sont classées au titres des monuments historiques par trois arrêtés successifs du , puis du et du 21.

En octobre 1979, elle est inscrite par l'Unesco au patrimoine mondial de l'humanité parmi différents sites préhistoriques et grottes ornées de la vallée de la Vézère.

Exploitation touristique et problèmes de conservation

Lors de la découverte, Henri Breuil demande aux jeunes découvreurs de garder la grotte jour et nuit pour y éviter toute dégradation. Ils installent à cet effet un campement de toile près de l'entrée mais cela ne les empêche pas de faire payer l'entrée de la grotte deux francs. Les premiers visiteurs n'hésitent pas à gratter la peinture ou graver leurs initiales sur les parois. Le propriétaire de la grotte, le comte de La Rochefoucauld-Montbel, fait poser une porte dès la fin de l'hiver puis entreprend en 1947 de lourds travaux d’aménagement destinés à la rendre accessible au public : l’entrée de la cavité entièrement obstruée fait l’objet d’importants terrassements qui modifient le niveau et la nature des sols. Les travaux dans la zone du porche détruisent le cône d’éboulis protecteur qui jouait le rôle de tampon thermique et hygrothermique ; une porte monumentale en bronze fermant un sas maçonné ainsi que des escaliers en pierre pour descendre dans la Salle des Taureaux sont installés ; le niveau des sols est abaissé pour dessiner un cheminement de visite et un éclairage électrique installé pour accompagner le parcours. Les travaux sont confiés à Yves-Marie Froidevaux, architecte en chef des monuments historiques. Le site est ouvert au public le 14 juillet 194822.

L'instituteur Léon Laval, devenu délégué des monuments historiques, est le premier conservateur de la grotte de Lascaux jusqu'en 194823.

L'engouement du public est tel qu'un million de personnes visitent la grotte entre 1948 et 196324.

Malgré l'installation de cette porte pour limiter le danger de déséquilibre atmosphérique et la présence d'appareils de climatisation, le problème du conditionnement de l'air n'a pu être résolu22.

Acidification des parois, « maladie verte » et « maladie blanche »

Dès 1955, les premiers indices d'altération sont constatés. Ils sont dus à un excès de dioxyde de carbone induit par la respiration des visiteurs, qui provoque une acidification de la vapeur d'eau expirée corrodant les parois. En 1957 est mis en place un premier système destiné à régénérer l'air ambiant et à stabiliser la température et l'hygrométrie. Les visites continuent pourtant à se succéder au rythme effréné de plus de 1 000 touristes par jour, dégageant environ 2 500 litres de dioxyde de carbone et 50 kg de vapeur d’eau dans une cavité dont le volume est relativement faible, de l’ordre de 1 500 m38. André Glory, qui effectue des relevés durant cette période, doit travailler la nuit pour ne pas perturber le rythme des visites.

En 1960, la « maladie verte » fait son apparition : les émanations de dioxyde de carbone liées aux visites, une température trop élevée et les éclairages artificiels permettent la dissémination de colonies d'algues sur les parois. L’enrichissement de l’atmosphère en dioxyde de carbone génère la « maladie blanche », un voile de calcite qui se dépose sur les parois et sur certaines œuvres. En 1963, les micro-organismes continuent à proliférer malgré la mise en place de filtres à l'ozone. Le 17 avril 1963, André Malraux, alors ministre chargé des Affaires culturelles, décide d'interdire l'accès de Lascaux au grand public25.

En 1965, Paul-Marie Guyon, physicien au CNRS, invente un dispositif d'assistance climatique pour rétablir l'écosystème originel. Pierre Vidal, ingénieur spécialiste du milieu souterrain au laboratoire de recherche des monuments historiques, fait installer ce nouvel ensemble du système de régulation thermique et hygrométrique afin de recréer les conditions de circulation des masses d'air qui avaient permis la conservation de Lascaux durant des millénaires. Le principe de ce système statique de refroidissement consiste à utiliser la convection naturelle pour condenser la vapeur d'eau à un endroit déterminé26.

Au début des années 1970, la réalisation d'un fac-similé d'une partie de la grotte est mise en œuvre. Elle est ouverte au public en 1983 (cf. infra Lascaux 2).

Les moisissures blanches

En 2000, le matériel de gestion du climat de la cavité est remplacé. Au printemps 2001, des agents chargés de la surveillance du site, signalent l'apparition de moisissures dans le sas d'entrée de la grotte. Le sol se couvre en effet d'un champignon extrêmement résistant, Fusarium solani. Ce phénomène coïncide avec l'installation du nouveau système de régulation hygrothermique qui a été mal conçu. Les souches de Fusarium solani présentes dans la grotte sont résistantes au formaldéhyde employé depuis des décennies pour la désinfection des pieds des visiteurs. Le champignon s'est propagé aux peintures, bientôt recouvertes d'un duvet blanc de mycélium. Le champignon vit en symbiose avec une bactérie nommée Pseudomonas fluorescens, qui dégrade le fongicide employé jusque-là. Celui-ci doit dès lors être combiné à un antibiotique.

En 2002, le ministère de la Culture met sur pied un Comité scientifique international de la grotte de Lascaux, qui doit gérer le problème.

De juillet 2001 à décembre 2003, des traitements d’urgence appliqués dans la grotte sont destinés à ralentir le développement rapide des moisissures observées (compresses imbibées de fongicides et d’antibiotiques ; épandage de chaux vive sur les sols ; pulvérisations de produits biocides)27.

En 2006, la contamination est à peu près maîtrisée, mais toutes les deux semaines une équipe revêtue de combinaisons spéciales est chargée de débarrasser à la main les parois des filaments de mycélium qui réapparaissent malgré tout28,29,30.

Quinze années de fréquentation touristique intense ont donc perturbé l'équilibre fragile qui avait permis la conservation miraculeuse de Lascaux et ont failli entraîner sa disparition.

Les taches noires

Après une première apparition sur la voûte et le sas d'entrée fin 2001, des taches noires dues à deux champignons, Ochroconis lascauxensis et Ochroconis anomala se nourrissant des composés organiques des traitements antifongiques précédents, ont fait leur apparition en juillet 2007 dans certaines parties plus confinées de la grotte, le Passage, la Nef et l'Abside. Un traitement biocide a été effectué en janvier 2008 et a été suivi d'un repos complet de la grotte pendant 3 mois. Le 11 avril 2008, le comité scientifique international a indiqué que les soins apportés étaient encourageants dans neuf des onze zones tests. Cependant, dans les deux dernières zones tests, le développement des taches noires continue31. Ce phénomène peut s'expliquer du fait que très peu d'informations sont connues sur le champignon Ochroconis lascauxensis, car son existence n'a été découverte que lors de son apparition dans la grotte (d'où son nom).

D'après la conservatrice en chef du site, les mouvements de l'air se sont profondément modifiés depuis les années 1980 dans la partie tachée de la grotte. L'air circulait auparavant alors qu'il semble immobile aujourd'hui32.

Le ministère de la Culture a annoncé le 10 juillet 2008 que le comité du patrimoine mondial de l'Unesco n'avait pas jugé opportun d'inscrire la grotte sur la liste du patrimoine mondial en péril33. En réalité, le comité en question, réuni à Québec le 5 juillet, parle d'un sursis d'un an. Pendant cette période, la France devra répondre aux questions de l'Unesco concernant « la gestion de la crise et la conservation du site ». Il s'agirait notamment d'assurer des études d'impact avant toute intervention sur les peintures et les gravures dans la grotte, d'inviter une mission extérieure et indépendante mandatée par l'Unesco pour examiner Lascaux, mais aussi les autres sites préhistoriques et grottes ornées de la vallée de la Vézère, et enfin, de fournir un rapport de conservation avant le 1er février 2009. En l'absence de progrès substantiels, la grotte pourrait se voir inscrite sur la liste du patrimoine en danger en juillet 200934.

Le ministre de la Culture, Christine Albanel, s'est rendu sur place le 25 juillet 2008 pour visiter brièvement la grotte. Soulignant l'importance de la régulation de l'air dans la grotte, elle a annoncé le changement du système de climatisation installé en 2000. Elle a par ailleurs envisagé l'élargissement du Comité scientifique à d'autres experts, notamment étrangers35.

Le 26 novembre 2008, Christine Albanel a confirmé36 que les taches noires subsistaient dans la partie droite de la grotte. Elle annonce un symposium. Celui-ci, intitulé « Lascaux et la conservation en milieu souterrain », s’est tenu à Paris les 26 et 27 février 2009 sous la présidence de Jean Clottes. Réunissant près de trois cents participants provenant de dix-sept pays, il avait pour but de confronter les recherches et travaux menés dans la grotte de Lascaux depuis 2001 avec les expériences conduites dans les autres pays du monde sur la question de la conservation en milieu souterrainNote 2. Les actes en sont parus en 2011, dans un volume qui regroupe les études présentées lors des séances ainsi que la transcription intégrale des débats. Soixante-quatorze spécialistes de domaines aussi variés que la biologie, la biochimie, la botanique, l'hydrologie, la climatologie, la géologie, la mécanique des fluides, l'archéologie, l'anthropologie, la restauration et la conservation, issus de nombreux pays (France, États-Unis, Portugal, Espagne, Japon, Australie, Allemagne, Afrique du Sud, Nouvelle-Zélande...), ont été associés à sa rédaction37.

Le 21 janvier 2010, le ministre de la Culture Frédéric Mitterrand confie au paléoanthropologue Yves Coppens la présidence du conseil scientifique chargé de la conservation de la grotte38.

En 2016, selon Muriel Mauriac, la conservatrice de la grotte, la prolifération des champignons est stoppée. Seuls quelques scientifiques sont autorisés à pénétrer dans la grotte et la présence humaine est limitée à 200 heures par an39.

Description de la grotte

La grotte est bien décrite par André Leroi-Gourhan40.

La grotte de Lascaux est relativement petite : l'ensemble des galeries n'excède pas 235 mètres41 pour un dénivelé d'environ 30 mètres. Le sol, en pente, possède une dénivellation inférieure de 13 mètres à l'extrémité du Diverticule axial, et inférieure de 19 mètres au bas du Puits41. La partie décorée correspond à un réseau supérieur, le réseau inférieur étant difficilement pénétrable du fait de la présence de dioxyde de carbone.

L’entrée actuelle correspond à l’entrée préhistorique, même si elle a été aménagée et équipée d’un système de sas. L’entrée d’origine devait être un peu plus éloignée, mais son plafond s’est écroulé anciennement jusqu’à former le talus par lequel les inventeurs ont accédé à la grotte.

Pour faciliter les descriptions, la grotte est traditionnellement subdivisée en un certain nombre de zones correspondant à des salles ou des couloirs. Leurs noms imagés sont dus en partie à Henri Breuil et font souvent référence à l’architecture religieuse :

"Photographie d'une lampe à graisse de Lascaux."
 
Le brûloir de Lascaux, en grès rose. Magdalénien ancien ou Solutréen ?

Les découvertes archéologiques

La plupart des vestiges archéologiques découverts à Lascaux ont été recueillis par André Glory, lors de l’aménagement des sas d’entrée et des salles, ou lors de la seule vraie fouille effectuée dans la cavité, située dans le Puits. Ces vestiges comprennent de l’industrie lithique (403 pièces), de l’industrie osseuse (une soixantaine de pièces), de la parure (16 coquilles), de la faune (une centaine de restes), de nombreux charbons, des macrorestes végétaux et de nombreux fragments de colorants. Ces objets (un millier environ), réputés perdus en 1966 à la mort d'André Glory, ont été retrouvés en 1999 par Brigitte et Gilles Delluc et publiés en 2008 au CNRS (Gallia-Préhistoire).

Dans la Nef, la Vache se trouve sur un entablement où ont été découverts des lampes, des colorants ainsi que des restes alimentaires. Dans l’Abside, un nombre important d'objets ont été abandonnés (pointes de sagaies, grattoirs, burins et lampes). De nombreux vestiges ont également été découverts dans le Puits : pointes de sagaies, restes de colorants, coquillages percés et lampes, dont un exemplaire en grès rose entièrement façonné et dont le manche est orné d’un signe barbelé.

L’étude au microscope électronique des colorants découverts lors des fouilles ou prélevés directement sur certaines œuvres a montré leur grande diversité, sept pigments différents au moins ayant été utilisés : du dioxyde de manganèse, de l’oxyde de fer noir et du carbone (pour le noir), de l’hématite (pour le rouge), de la goethite et de l’argile (pour le jaune), de la calcite (pour le blanc)42. Tous ont été employés purs, sans adjonction de charge minérale et sans modification thermique43.

Les figurations pariétales

 
Si de nombreuses peintures à hauteur d'homme ont été exécutées de plain-pied, d'autres ont une position élevée, ce qui suscite de nombreuses interrogations relatives à l'accès des artistes à ces parois couvertes de calcite immaculée. De nombreuses figures et signes de la grotte se rencontrent en effet dans l'intrados des voûtes au-dessus de la corniche des galeries au profil transversal en trou de serrure. Si l'escalade, l'utilisation d'échafaudages ou de mât de perroquet « ne sont pas à exclure dans des cas biens précis, mais qui restent rares », la réalisation de beaucoup de ces œuvres reste en partie déterminée par la morphologie du support qui impose un changement de technique d'application des colorants (soufflé44 ; tamponnage ; utilisation de touffes de poils ou de fibres végétales, ancêtres du pinceau). « C'est une forme d'assujettissement aux conditions naturelles et formelles rencontrées45 ».

Il s’agit bien ici d’une scène dont les différents éléments sont en relation les uns avec les autres, et non d’une juxtaposition d’animaux ou de signes sur une même paroi, comme c’est le plus souvent le cas dans l’art paléolithique. Pour A. Leroi-Gourhan, cette scène renvoie probablement à un épisode mythologique dont la signification est difficile à établir40.

Procédés artistiques

Parmi les procédés artistiques utilisés par les artistes de Lascaux, on peut citer :

Interprétations

Différentes interprétations de l'art préhistorique dans la grotte de Lascaux ont été proposées.

La grotte de Lascaux a livré de très nombreux restes osseux et outils de silex : ce sont ceux des peintres et graveurs. Elle n’a jamais été un lieu d’habitation et sa fréquentation semble essentiellement liée à ses œuvres pariétales.

La faune figurée sur les parois de Lascaux est celle que l’on retrouve dans la majorité des grottes ornées de l’aire franco-cantabrique : cheval, aurochs, bison, cerf et bouquetins dominent largement suivis d’animaux plus rares et souvent dangereux, comme l’ours, le rhinocéros et les grands félins. Les espèces représentées ne correspondent pas aux espèces chassées et consommées : un seul renne gravé a été identifié alors que ces animaux représentent la grande majorité des restes osseux mis au jour (plus de 88 %)46. Un art dicté par une magie de la chasse tel qu’on le concevait aux débuts du XXe siècle peut donc être écarté.

Si elles sont extrêmement réalistes en ce qui concerne les morphologies et les attitudes des animaux, les œuvres de Lascaux ne visent toutefois pas une représentation exhaustive et naturaliste de la réalité : la flore, les reliefs et même le sol sont absents des parois de la grotte, comme c’est pratiquement toujours le cas d’ailleurs dans l’art paléolithique.

Il est indéniable que certains éléments figurés, certaines associations de signes, ont une valeur symbolique. C’est probablement le cas pour les trois paires de ponctuations que l’on retrouve au fond du Diverticule des félins et dans le Puits, aux limites des zones ornées. C’est sans doute le cas également pour les signes barbelés, les « blasons » ou les alignements de points présents sur différentes parois de la grotte.

La grotte de Lascaux est considérée par A. Leroi-Gourhan et par la quasi-totalité des préhistoriens comme un sanctuaire, une sorte de monument à caractère religieux47.

D'autres interprétations ont été avancées. D'après l'archéoastronome Chantal Jègues-Wolkiewiez48, la grotte aurait été un centre d'observation du ciel, puis un temple orné dédié aux constellations célestes. Ainsi, la lumière du soleil se couchant au solstice d'été aurait illuminé la première salle des Taureaux (avant qu'un éboulement n'obstrue l'accès vers la rotonde) dont les peintures représenteraient une carte des constellations zodiacales telles qu'on pouvait les observer il y a 10 000 ans49,50. Cette interprétation a été accueillie avec scepticisme par la communauté scientifique51,52.

Thérèse Guiot-Houdart a étudié l'organisation de la composition, le placement, les dimensions et l'orientation des figures, la disposition des taches de couleurs, la technique du dessin, etc.53. Cette analyse détaillée des peintures met en évidence l’existence d’un canevas narratif destiné à expliquer les processus de la fécondité. Ce canevas, agencé en quinze scènes ou chapitres, servit de trame en tout premier lieu aux peintures de Lascaux, puis à d’innommables récits transmis et diffusés de l'Inde à l’Irlande, dont elle donne cinq exemples qui suivent fidèlement ce schéma nécessairement immuable, puisque dicté par les lois de la physiologie. 54,55.

Selon Jean Clottes et David Lewis-Williams, la grotte de Lascaux aurait pu être liée à un culte chamanique. Ainsi, divers traits sans signification, incluant les huit flèches plantées dans l'un des félins du Diverticule, auraient été autant d'incisions exécutées à travers la paroi pour laisser passer les animaux et les pouvoirs surnaturels56. Cette théorie est largement contestée aussi bien par la plupart des préhistoriens et que par les spécialistes du chamanisme : « J. Clottes et D. Lewis-William ont largement outrepassé les limites de la démarche scientifique en proposant une explication unique, unilatérale de la religion des origines »57.

Enfin, les hommes préhistoriques auraient pu attribuer à leurs œuvres un semblant de vie. En se basant sur un relevé exhaustif des parois, Julien d'Huy et Jean-Loïc Le Quellec ont constaté que les animaux dangereux - félins, aurochs, bisons - semblaient davantage « fléchés » que les animaux moins dangereux - chevaux, cerfs, bouquetins. Selon eux, il pourrait s'agir d'une magie de la destruction ou d'une crainte de l'animation des images, les flèches servant alors à empêcher les animaux de s'animer58. La croyance en la possible animation des images est corroborée par la disposition de celles-ci à l’intérieur de la grotte. Ainsi, les bisons, les aurochs et les bouquetins n’ont pas été représentés côte à côte. En revanche, on peut mettre en évidence des systèmes bisons-chevaux-lions et aurochs-chevaux-cerfs-ours59. Julien d’Huy explique cette répartition par les affinités qu’entretiennent les espèces entre elles et par le biotope qu’elles occupent respectivement60.

Datation

La datation de Lascaux est l’objet d'un long débat : selon les auteurs, son art pariétal est situé entre le Gravettien et le Magdalénien.

Pour Henri Breuil, sur la base de comparaisons stylistiques, les œuvres pariétales de Lascaux seraient périgordiennes (gravettien)61.

Mais en 1951, Lascaux est l’un des tout premiers sites paléolithiques à bénéficier de datations absolues par la méthode du carbone 14, réalisées par W.F. Libby lui-même. Cette méthode a été mise en œuvre sur des charbons de bois provenant de lampes découvertes dans le Puits. Le premier résultat obtenu (autour de 15 500 ans BP) place la fréquentation de Lascaux dans le Magdalénien. Un âge magdalénien fut confirmé par des datations ultérieures, réalisées sur des charbons provenant des fouilles d'André Glory dans le Passage et dans le Puits. Ces datations (17 190 ± 140 et 16 000 ± 500 ans BP) se situent autour du Magdalénien ancien62.

Pourtant, André Leroi-Gourhan, par comparaisons stylistiques avec les sites du Fourneau du Diable (Dordogne) et du Roc-de-Sers (Charente), bien datés, conclut pour sa part que les œuvres de Lascaux se placent au Solutréen.

Puis, deux nouvelles dates sont obtenues en 1998, et en 20024. La première date, de 18 600 ± 190 ans BP, est obtenue par la méthode du carbone 14 en SMA sur un fragment de baguette en bois de renne provenant du Puits (ou des déblais de l'Abside)63. La seconde date, obtenue à partir d'un fragment de sagaie, est plus ancienne : 18 930 ± 230 ans BP64. Les solutréens sont-ils simplement passés ponctuellement dans la grotte ou ont-ils réalisé tout ou partie des œuvres ? Un seul niveau archéologique est connu et les vestiges recueillis (objets de silex, d'os et de bois de renne) dans ce niveau, étudiés dans Lascaux inconnu (1979) et par A. Glory (2008), correspondent typologiquement au Magdalénien II.

La datation directe par le carbone 14 de peintures ou de dessins pariétaux a été possible dans certaines grottes ornées, à condition toutefois que ces œuvres aient été réalisées avec du charbon de bois. Ce n’est pas le cas à Lascaux, où la couleur noire a été obtenue en utilisant des oxydes de manganèse. Des pigments tombés au pied des parois ont été mis au jour dans le niveau archéologique : ils ont permis de confirmer la contemporanéité des œuvres avec certains vestiges (lamelles de silex, pointes de sagaie, aiguilles en os, lampes à suif).

Selon Norbert Aujoulat6, il existe des arguments stylistiques et thématiques qui permettraient de rapprocher Lascaux du Solutréen plutôt que du Magdalénien : présence de signes géométriques ; représentation des aurochs avec la corne avant en courbe simple et la corne arrière sinueuse ; humain affronté à un grand bovidé (le gisement solutréen du Roc-de-Sers a livré l'image d'un homme faisant face à un bœuf musqué). En fait, l'art du début du Magdalénien est la continuation, sans hiatus, de celui du Solutréen et le style graphique (style III de A. Leroi-Gourhan) est le même. Norbert Aujoulat propose donc de placer l'art de Lascaux à la charnière du Solutréen supérieur et du Badegoulien4.

Plus récemment, J. Jaubert et E. Lebrun ont émis l'hypothèse d'un rattachement d'une partie du dispositif pariétal de Lascaux au Gravettien, sur la base d'arguments stylistiques et techniques65,66.

Le programme de recherche archéologique « Lasco » lance une nouvelle campagne de datation. Plusieurs fragments d’os de renne retrouvés dans différents endroits de la grotte sont datés. Les résultats, publiés en 2019, indiquent que l'occupation correspondante daterait de 21 000 à 21 500 ans cal AP, ce qui correspond à la transition du Badegoulien au Magdalénien67,68.

Les fac-similés

La première reproduction de Lascaux a été une reproduction photographique, qui était présentée au Musée d'Archéologie nationale à Saint-Germain-en-Laye69.

Lascaux 2

La grotte a été fermée au grand public en raison de la multiplication des erreurs de conservation (saccage des sols et contamination de la grotte en 1957-1958 ; nouvelle contamination autour de 2000 et antibio-résistance). Un relevé stéréo-photogrammétrique de la totalité des zones ornées a été réalisé à la fin des années 1960 par l'Institut géographique national. La troisième dimension est recréée par un lecteur qui repasse sur les courbes de niveau, un ciseau de sculpteur (projet confié aux sculpteurs Bernard Augst et Pierre Weber) reproduisant ces mouvements22.

La société propriétaire de Lascaux, fondée par la famille de La Rochefoucauld, se lança dans la réalisation d'une réplique d'une partie représentative de la grotte (Diverticule axial et Salle des Taureaux), avec une autorisation d'exploitation de 30 ans. Le projet trop coûteux fut en partie financé par la vente de l'original à l'État en 1972. Il fut suspendu en 1980 puis repris par le conseil général de la Dordogne22.

Une double coque en béton dont l'intérieur reproduit fidèlement la grotte originale fut réalisée à partir des relevés de l'IGN. Sur une armature métallique furent posées plusieurs couches de grillage à mailles suffisamment fines pour retenir le béton projeté. La paroi est reconstituée par un procédé de fibro-ciment (trois épaisseurs d'un béton spécial à base de chaux, sable et poudre de marbre). Les œuvres pariétales furent ensuite reproduites avec des pigments naturels par une équipe conduite par l'artiste peintre Monique Peytral70,71. L'ensemble était précédé par deux sas muséographiques conçus par Brigitte et Gilles Delluc et Arlette Leroi-Gourhan[réf. nécessaire].

Situé à 200 mètres de l'original, le fac-similé, nommé « Lascaux 2 », a ouvert ses portes le 18 juillet 1983. Quelques autres reproductions de peintures (frise des cerfs, bisons adossés et vache noire de la Nef, scène du Puits) sont exposées dans le parc du Thot, à quelques kilomètres de Montignac. À l'été 1982, Ces reproductions ont été exposées dans la cour du Roemer- und Pelizaeus-Museum à Hildesheim72.

Il a été annoncé en août 2008 que, faute d'entretien depuis 1996, le site de Lascaux 2 devra fermer de trois à quatre mois par an, pendant six ou sept ans, afin de procéder à la restauration progressive des fresques et des parois encrassées par la poussière liée au passage des visiteurs (270 000 par an)73. Selon Monique Peytral, peintre à qui l'on doit ce fac-similé, le chantier de restauration qui est entamé en novembre 2009 doit s'achever en 201474.

En 2011, c'est le site touristique le plus fréquenté de Dordogne avec 250 000 visiteurs75.

Lascaux révélé : Lascaux 3

Conception

Le concept Lascaux révélé, également nommé « Lascaux III » est une reproduction partielle de la grotte originelle qui a été dévoilée au public en octobre 2012, et est conçue pour être itinérante.

En 2003, le conseil général de la Dordogne commande au plasticien Renaud Sanson76, et à son atelier, la réalisation de fac-similés de scènes figurant dans la nef de Lascaux, galerie non représentée dans Lascaux II.

De juillet à décembre 2008, dans les ateliers de Montignac qui ont vu leur création, l'exposition Lascaux révélé a présenté ces nouveaux fac-similés au public de la Dordogne77. Ceux-ci, réalisés en cinq ans, sont répartis en huit panneaux78. L'exposition est ensuite transférée vers le parc animalier du Thot, situé sur la commune voisine de Thonac, et présentée au public en juillet 200979. Lors de cette mise en place, les fac-similés créés en 1984 et 1991, précédemment exposés au parc du Thot (les bisons, la vache noire et la scène du Puits), ont été déplacés – et à cette occasion endommagés –, exposés aux intempéries pendant l'été 2009 puis finalement, empilés dans un hangar80.

L'exposition a été conçue pour voyager à travers le monde entier pendant plusieurs années en tant qu'ambassadeur de la Dordogne et de sa Vallée de l'Homme. En effet, les coques des fac-similés, de faible poids (moins de 10 kg/m2), sont constituées de panneaux démontables dont les jointures sont invisibles et qui ont été conçus pour être aisément transportés76. La totalité ou une partie des panneaux doivent faire l'objet d'une exposition itinérante sous le nom de Lascaux, l'exposition internationale81. L'agence de scénographie Du&Ma est choisie en mars 2011 pour assurer la maîtrise d'œuvre de ce projet.

Expositions

Après une première étape en France qui a rassemblé 100 000 visiteurs à Bordeaux, à Cap Sciences, du 13 octobre 2012 au 6 janvier 201382, l'exposition traverse l'Atlantique et fait escale au Field Museum de Chicago de mars à septembre 2013 (325 000 visiteurs), avant de rejoindre Houston (200 000 visiteurs d'octobre 2013 à mars 201483), puis Montréal d'avril à septembre 201484,85.

En novembre 2014, l'exposition revient en Europe et s'installe à Bruxelles86. Du 20 mai au 30 août 2015 elle est présentée à Paris, à la porte de Versailles87, où le nombre de visiteurs (60 000) s'est avéré être très en deçà des prévisions88, puis à Genève d'octobre 2015 à janvier 201689, où l'exposition est vue par 80 000 personnes90.

À partir de 2016, plusieurs escales asiatiques sont prévues88. D'avril à septembre 201691, à Gwangmyeong, en Corée du Sud, l'exposition se tient à l'intérieur d'un bâtiment créé spécialement par l'architecte français Jean Nouvel, au cœur d'un nouveau parc de loisirs récemment ouvert au public90 et attire 300 000 visiteurs pour 180 000 entrées payantes92. D'octobre 2016 à février 2017, Tokyo l'a accueillie dans les locaux du Musée national de la nature et des sciences93. Cette exposition s'accompagne de la présentation de 150 pièces originales du Périgord préhistorique, prêtées exceptionnellement par trois musées français, le Musée national de Préhistoire des Eyzies-de-Tayac, le Musée d'Archéologie nationale de Saint-Germain-en-Laye et le Muséum national d'histoire naturelle de Paris93. Elle a été vue par 265 000 personnes, dont l'empereur Akihito et l'impératrice Michiko94. Deux autres étapes japonaises sont ensuite prévues en 2017 au musée d'art et d'histoire de Tōhoku à Tagajō de mars à mai, puis au musée national de Kyūshū à Fukuoka de juillet à septembre93,94. Elle s'expose ensuite en Chine de septembre 2017 à février 2018 au musée de la science et de la technologie de Shanghai94 où 200 000 visiteurs l'ont déjà vue95.

En 2018, financée en partie par le mécénat de plusieurs entreprises françaises, l'exposition fait étape en Afrique du Sud, à Johannesbourg, du au 96.

En 2019, l'exposition fait halte de mi-avril jusqu'en septembre au parc olympique de Munich, en Allemagne97.

Début 2020, elle a fait étape en Italie au musée archéologique national de Naples où l'exposition n'a duré que deux mois (février et mars) pour cause de pandémie de Covid-1998 et sa visite marocaine, prévue initialement de à à l'Institut français de Casablanca99, reste en suspens98.

Entre-temps, à l'été 2020, l'exposition est de retour à Montignac pour y être modifiée et allégée, compte tenu du bilan qui fait ressortir un déficit, accentué en 2020 par la pandémie de Covid-1998. L'ajout de panneaux concernant notamment la « salle des Taureaux » et le « Diverticule axial », parties les plus connues de la grotte originale, ne serait plus d'actualité et il est plutôt envisagé d'ajouter des visites en 3D par casques de réalité virtuelle98.

De à , cette nouvelle version avec casques de réalité virtuelle s'installe en Italie à Trente, au « Muse », son musée des sciences100.

Lascaux Expériences (Lascaux 3D)

L'exposition internationale itinérante, allégée et ne comportant plus qu'un seul fac-similé, celui de la scène du Puits, prend le nom de « Lascaux Expériences »101,102. Des casques de réalité virtuelle permettront aux visiteurs une immersion à l'intérieur la grotte de Lascaux, dans son intégralité102. La première étape est prévue en Belgique, de à , au Préhistomuseum proche de Liège102.

Lascaux 4

 
Entrée du site de construction en août 2014.

Un centre international de l'art pariétal présentant, entre autres, un fac-similé intégral de toutes les parties ornées de la grotte de Lascaux (salle des taureaux, diverticule axial, passage, puits, abside et nef103) voit le jour à proximité du site original fin 2016. Un concours d'architectes a été lancé pour ce projet aussi appelé Lascaux 4. Le 18 octobre 2012, parmi 163 offres parvenues, le comité de pilotage a retenu comme équipe définitive le cabinet norvégien Snøhetta104.

Le , la ministre de la Culture Aurélie Filippetti, insiste sur la nécessité de réaliser des économies dans un contexte de crise, pour annoncer l'abandon de nombreux projets lancés par ses prédécesseurs, dont le projet Lascaux 4 : « Lascaux 4, autrement dit le Centre d'art pariétal, 50 millions d'euros pour un projet non prioritaire, nous l'arrêtons... »105. La part de l'État dans ce projet ne représente qu'un tiers, le reste demeurant réparti à parts égales entre la région et le département106. Le jour même, Bernard Cazeau, président du conseil général de la Dordogne, indique que le projet continuera en faisant appel au mécénat et aux fonds européens pour pallier la défection de l'État106. Le mois suivant, après rencontre avec les instances politiques régionale et départementale, la ministre indique qu'à partir de 2014, un crédit de quatre millions d'euros serait néanmoins débloqué107.

 
Le site de construction de Lascaux 4 en septembre 2015.

Les travaux, sous maîtrise d'ouvrage du conseil général de la Dordogne, débutent au printemps 2014 et s'achèvent mi 2016 ; l'ouverture au public est initialement prévue en juillet 201689. Parmi les mécènes figurent le Crédit agricole avec 700 000 euros, la fondation EDF (500 000 euros) et le groupe Maïsadour (300 000 euros)108.

 
Lascaux 4, mars 2017, peu de temps après l'ouverture du site.

Concernant la construction du site, le groupe NGE a lui aussi participé au projet. Ses filiales Lagarrigue, Siorat, GTS et Sud Fondations ont contribué à la construction du célèbre projet Lascaux IV109, notamment sur les travaux géotechniques, de sécurisation, d’équipement de la route et de génie civil. La réplique de la grotte fait partie de l’immense Centre international de l’Art pariétal de Montignac. Construit semi-enterré, le Centre d’art pariétal a pour objectif de sanctuariser la colline de Lascaux afin de préserver l’état d’origine de la grotte. Ainsi, le bâtiment semi-enterré ne dépasse pas la hauteur de huit mètres sur une longueur de 150 mètres. La rénovation du site a coûté au total 57 millions d’euros. L’ensemble de cette somme a été financé par l’État français, l’Europe, le département de la Dordogne110 et la région (Aquitaine puis Nouvelle-Aquitaine). 

En septembre 2015, Germinal Peiro, le président du conseil départemental de la Dordogne, précise que contrairement aux prévisions initiales, Lascaux 4 n'ouvrira que fin 2016. Ce report est dû à des problèmes techniques successifs : découverte d'une source lors des travaux de terrassement, puis liquidation judiciaire de l'entreprise de charpentes métalliques chargée de la couverture du site, cette même société étant ensuite reprise sous forme de Scop pour l'achèvement des travaux111.

En janvier 2016, l'Atelier des fac-similés du Périgord, comprenant trente-quatre personnes (« peintres, plasticiens, restaurateurs d'art,décorateurs, sculpteurs, résineurs, serruriers, infographistes et [...] informaticiens ») a réalisé en deux ans et demi trente-six panneaux représentant 900 m2 de surfaces ornées78. La reproduction totale et à l'échelle de la grotte peinte est faite dans des blocs de polystyrène réalisés par fraisage numérique et assemblés en parois, leur relief est ensuite affiné et modelé à la main par des modeleurs et sculpteurs avec un enduit à base de pâte à papier, à l'aide de photos projetées sur la coque. Puis un moule en élastomère est coulé dessus et un contre-moule en résine appliqué sur le moule. Après la fabrication millimétrée de la structure métallique-support, la coque résine reconstitue la paroi grâce au « voile de pierre » (mélange d'acrylique et de poudre) qui reproduit fidèlement l’épiderme minéral de la roche sur lequel sont appliquées les patines colorées et les peintures pariétales112. Les premiers panneaux en résine sont transportés sur le site définitif en février et mars 2016113.

L'ouverture de Lascaux 4 au public est effective le conformément aux prévisions de 2015113, après une inauguration anticipée le 10 décembre en présence du président de la République François Hollande, de la ministre de la Culture Audrey Azoulay et de Simon Coencas (89 ans)114, dernier survivant du groupe ayant pénétré dans la grotte le .

Une visite virtuelle à partir de prises de vue panoramiques permet de se faire une idée de la réalisation115.

À la mi-juillet 2019, deux ans et demi après l'ouverture, Lascaux 4 a reçu un million de visiteurs116. Lors des deux mois les plus chargés, juillet et août qui représentent 60 % de son chiffre d'affaires annuel, le site emploie 128 personnes, soit le double de l'effectif permanent116. Fin 2021, malgré la fermeture pendant douze mois imposée à la suite de la pandémie de Covid-19, Lascaux 4 a accueilli deux millions de visiteurs, dont 82 % de Français117.

La grotte de Lascaux 1/1, le jumeau virtuel

La Direction régionale des Affaires culturelles de Nouvelle-Aquitaine, Dassault Systèmes et la Cité de l'architecture et du patrimoine proposent depuis juillet 2021 une nouvelle expérimentation de réalité virtuelle à l'échelle 1/1, à Paris118.

L'expérience « La grotte de Lascaux 1/1 », jumeau virtuel de la grotte originale, permet d'arpenter pour la première fois physiquement et en groupe l'intégralité de la grotte dans les conditions de l'équipe de conservation. Munis de sacs à dos et de casques de réalité virtuelle, les visiteurs sont accompagnés d'un guide conférencier pendant 45 minutes119. Les utilisateurs co-localisés se déplacent librement dans l'espace, et par le biais de leurs avatars, peuvent interagir entre eux120.

Représentation dans les arts

Numismatique

La grotte de Lascaux a été représentée sur une pièce de monnaie de 10 euros dédiée à la région française de l'Aquitaine en 2011121. Les euros des régions ont été émis par la Monnaie de Paris, avec chaque année un thème différent, dont les monuments en 2011.

Valeur facialeAversReversGraveurDiamètrePoidsÉpaisseurMétauxTrancheMillésimeTirage
10 La place de la Bourse de Bordeaux, un pin des Landes et les peintures pariétales de la grotte de Lascaux. Les inscriptions « RF » et « AQUITAINE ». La valeur faciale de 10 euros entourée de deux branches, l'une de chêne, l'autre de laurier, évoquant le sigle de l'euro ; l'inscription « Liberté Égalité Fraternité », tout autour, le tout encadré par un assemblage de traits représentant l'Hexagone. Joaquin Jimenez 29 mm 10 g 1.60 mm Argent 500 Lisse 2011 150 000 exemplaires

Philatélie

Le , l'administration postale française a émis un timbre-poste d'une valeur de 1,00 franc de la « grotte préhistorique de Lascaux »122 représentant « les vaches du Diverticule axial »123.

Un autre timbre d'une valeur de 0,88 euro représentant « un des grands taureaux de la Rotonde suivi par un cheval » est mis en vente le (en avant-première les 26 et 27 avril à Lascaux 4)123. Créé par Elsa Catelin, il est nominé pour le prix du plus beau timbre de l'année 2019124.

Notes et références

Notes

  1. Des traces sur les parois de ce Diverticule suggèrent la possibilité d'escalade (série de petites vires d'appui) ou de l'utilisation d'échafaudages avec des madriers en chêne (vires servant de support de solives, trous de boulin dont la fonction est étayée par la présence au sol d'éclats de bois et de pièces assez volumineuses pour évoquer des charpentes légères). Dans d'autres galeries plus larges de la grotte, les artistes ont pu utiliser des troncs sommairement ébranchés faisant office de mât de perroquet. Cf Brigitte et Gilles Delluc, « L’accès aux parois », Gallia Préhistoire. Suppléments,‎ supplément 12, 1979, p. 177 et 181 (lire en ligne [archive]), Brigitte et Gilles Delluc, Dictionnaire de Lascaux, Éditions Sud Ouest, , p. 15.

Références

  1. Hervé Chassain, « Décès de Georges Agniel : Lascaux orpheline », Sud Ouest,‎ (ISSN 0299-0288, lire en ligne [archive], consulté le )

Voir aussi

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Bibliographie

Bandes dessinées :

Filmographie

DVD :

Articles connexes

Liens externes

Allégorie de la caverne

 
 
La Grotte de Platon, attribué à Michiel Coxcie, milieu du XVIe siècle. Huile sur bois de peuplier. Musée de la Chartreuse, Douai. exposé temporairement à Beaubourg en octobre 2016 pour Magritte, la trahison des images
 
La Grotte de Platon, attribué à Michiel Coxcie, milieu du XVIe siècle. Huile sur bois de peuplier. Musée de la Chartreuse, Douai.

L’allégorie de la caverne est une allégorie exposée par Platon dans la République. Elle expose en termes imagés les conditions d'accession de l'homme à la connaissance du Bien, au sens métaphysique du terme, ainsi que la non moins difficile transmission de cette connaissance.

L'allégorie met en scène des hommes enchaînés et immobilisés dans une caverne. Ils tournent le dos à l'entrée et voient non pas des objets, mais les ombres des objets qui sont projetées contre le mur. Ils croient voir la vérité, alors qu'ils n'en voient qu'une apparence.

Présentation générale

Contenu

L'allégorie de la caverne est un des récits les plus célèbres de l’œuvre de Platon, avec le mythe d'Er et la légende de l'anneau de Gygès. L'allégorie de la caverne est évoquée dans le Livre VII de La République1. L'allégorie de la caverne est introduite par Socrate afin de faire comprendre à ses interlocuteurs la nature de l'Idée de Bien et, malgré sa portée ontologique et épistémologique, elle est inséparable du contexte politique et éthique de La République.

L'allégorie fonctionne sur une opposition entre la demeure souterraine (sans lumière) et le « monde d'en haut », celui où la lumière naturelle brille. Le premier lieu est celui de l'enfermement, de l'ignorance et des apparences, quand le deuxième est celui de la liberté, du savoir, du réel.

L'allégorie de la caverne est parfois appelée mythe de la caverne. Cela est toutefois une appellation impropre2. Il s'agit plutôt d'une expérience de pensée3.

Inspiration

Selon toute vraisemblance, Platon s'est inspiré de mythes et récits antérieurs pour créer l'allégorie de la caverne. Il semblerait que les principaux éléments de cette allégorie faisaient partie des enseignements pythagoriciens (tout comme le mythe d'Er le Pamphylien). Platon emprunte plusieurs éléments aux traditions orphiques et pythagoriciennes4.

En ce qui concerne les conceptions qu'il exprime dans le Timée ; la tradition propagée par Diogène Laërce5 voudrait que Platon ait acheté ses livres à l'un des derniers philosophes de l'école pythagoricienne décimée, le philosophe Philolaos de Crotone6. En effet, Pythagore a suivi les enseignements de Phérécyde de Syros, qui enseignait dans une caverne7. Pythagore « aurait vécu dans une grotte, où se réunissaient vingt-huit disciples : elle évoque la caverne de son maître Phérécyde. (…) ». Porphyre rappelle que, pour les pythagoriciens, la grotte symbolise le monde réel7. Selon les différentes hypothèses examinées par Robert Baccou, auteur d'une traduction de la République, le Livre VII aurait probablement été écrit par Platon après un voyage en Sicile, ce qui correspond à la période de l'achat évoqué ci-dessus des livres à Philolaos de Crotone.

Contexte

À l'époque de Platon, Athènes est sur le déclin, et la constitution démocratique est mise en cause après le drame consécutif à la bataille des Arginuses, la défaite à Aegos Potamos en 405 av. J.-C. puis la paix d'Antalcidas en 386 av. J.-C. Le siècle de Périclès est loin, la cité voit son modèle démocratique perverti, et la tyrannie des Trente s'est installée quand Platon avait vingt-trois ans, avec son lot de confiscations, de bannissements et de massacres. Cette démocratie ne le satisfait pas depuis la condamnation et la mort de Socrate en 399 av. J.-C. (voir Procès de Socrate) et le succès des sophistes8. On peut lire le texte de Platon comme une critique de sa propre cité, dont il stigmatise les défauts ; il a mesuré la corruption générale, l'impuissance et l'injustice de l'oligarchie aussi bien que de la démocratie athénienne9.

Résumé

 
Schéma du concept de l'allégorie de la caverne.

Des hommes sont enchaînés dans une « demeure souterraine », en forme de caverne. Ils le sont depuis leur naissance, de telle sorte qu'ils n'ont jamais vu directement la source de la lumière du jour, c'est-à-dire le soleil ; ils n'en connaissent que le faible rayonnement qui parvient à pénétrer jusqu'à eux. Ainsi, des choses et d'eux-mêmes, ils ne connaissent que les ombres projetées sur les murs de leur caverne par un feu allumé derrière eux. Des sons, ils ne connaissent que les échos. Ces personnes ont l'air différentes de nous, et pourtant, observe Glaucon, l'interlocuteur de Socrate « ils nous ressemblent »10.

Que se passe-t-il si l'un d'eux est libéré de ses chaînes, et accompagné de force vers la sortie ? D'abord, il sera cruellement ébloui par une lumière qu'il n'a pas l'habitude de supporter, ce qui le fera souffrir. Il résistera et ne parviendra pas à percevoir ce que l'on veut lui montrer. Alors, « ne voudra-t-il pas revenir à sa situation antérieure11 » ? S'il persiste, il s'accoutumera. Il pourra voir « le monde supérieur », ce que Platon désigne comme « les merveilles du monde intelligible »12.

L'homme peut alors prendre conscience de sa condition antérieure. Il doit se faire violence, et retourner dans la caverne, auprès de ses semblables, pour leur apporter sa connaissance de ce qu'il y a dans le monde supérieur. Mais ceux-ci, incapables d'imaginer ce qui lui est arrivé, le recevront très mal et refuseront de le croire. Platon conclut l'allégorie sur une question : « Ne le tueront-ils pas ? »13.

Analyse littéraire

Analogie du soleil

Platon a recours à trois figures de rhétorique dont les deux premières ont un caractère introductif à la troisième, l'allégorie de la caverne. Il s'agit de l'analogie du soleil (508 a - 509 d) et du symbole de la ligne (509 d - 511 e) dans le livre VI, analogies qui expliquent la signification ontologique, épistémologique et métaphysique de l'allégorie de la caverne.

Platon utilise principalement, dans l'allégorie de la caverne, l'analogie du soleil. L'astre lumineux est ici le symbole de «  l'idée du bien » (ἠ τοῦ ἀγαθοῦ ἰδέα). Le soleil est ainsi la « source de la science et de la vérité en tant qu'elles sont connues ». Cela est explicitement posé par Socrate (508 e).

Champ sémantique de la vision

L'allégorie de la caverne se fonde, dans le texte grec, sur le champ sémantique de la vision. Le premier mot que Socrate utilise pour commencer l'allégorie est « regarde ! » (ide), une injonction en rapport avec la vue. Glaucon, plongé dans la représentation de la caverne, fait savoir à Socrate qu'il voit ce qu'il lui narre (« Je vois », horô)3. Socrate qualifie enfin l'allégorie d'« image » (eikon)3.

Dualités

Platon émaille l'allégorie d'un jeu d'oppositions entre le monde sensible et le monde intelligible, entre le sensible et l'intelligible, le sens et l'intellect, l'ombre et la lumière. La caverne symbolise le monde sensible, qui est bas, et n'est qu'apparence ; c'est celui où les sens sont utilisés pour acquérir ce que l'on croit être un savoir. Ces ombres sont comme ces fausses valeurs chargées de prestige social auxquelles les hommes attachent beaucoup de prix, mais qui ne sont qu'illusions14. Il en est ainsi des vains semblants de justice dont on débat dans l'ombre menteuse des tribunaux avec « des gens qui n'ont jamais vu la justice en soi » (517 e).

Cela permet à Platon de dévaloriser le sensible au profit du monde supérieur, celui où le soleil éclaire tout, où l'intellect est utilisé pour atteindre la vérité des choses en soi.

Analyse philosophique

Thèse métaphysique : difficulté d'accès aux choses en soi

La première thèse de l'allégorie de la caverne est d'ordre métaphysique, car elle concerne la valeur de vérité que l'homme peut accorder à ce qu'il perçoit par ses sens. Platon dévalorise l'accès sensible à la connaissance, car le sensible ne permet de toucher que l'apparence phénoménale et non la chose en soi. Le message le plus fort de Platon est donc de ne pas prendre pour vrai les données de nos sens.

Platon met en évidence la difficulté des hommes à changer leurs conceptions des choses, leurs résistances au changement. Il s'attaque donc à l'emprise des idées reçues, à la force des préjugés formés par l'habitude, qui obscurcissent la vision. C'est le seul moyen pour passer de l'opinion (fournie par les sens et les préjugés), c'est-à-dire la doxa, au savoir (épistémè).

Thèse axiologique : théorie du Bien absolu

Par l'allégorie de la caverne, le philosophe expose sa théorie du Bien absolu. Platon mobilise, comme montré plus haut, des procédés littéraires et un jeu d'opposition permanente qui permet de séparer le monde inférieur du monde dit « supérieur » (517 b). Le philosophe explique qu'accéder à ce monde est difficile : en effet, « la montée de l'âme dans le monde intelligible » (τὴν εἰς τὸν νοητὸν τόπον τῆς ψυχῆς ἄνοδον) nécessite une ascension courageuse avec une progression prudente15.

Les yeux sont, rapporte Socrate, troublés par le passage de l'obscurité de la caverne à la lumière, car le Bien n'est pas aisé à saisir lorsqu'on n'a connu que les apparences et la tromperie. Ainsi, « l'idée du bien, il faut la voir pour se conduire avec sagesse soit dans la vie privée, soit dans la vie publique » (517 c.).

Thèse épistémologique : faculté dialectique comme moyen de la connaissance du Bien

L'allégorie de la caverne est le moment d'une réflexion épistémologique sur la manière dont la connaissance, et notamment la connaissance la plus importante, celle du Bien, peut être fondée. Le philosophe s'échappe de la caverne grâce à l'exercice de la dialectique, « sans le support d'aucune perception des sens » (532 a). À mesure que son regard s'habitue à la lumière vive du monde des Idées, il parvient « au terme de l'intelligible » (532 b)16.

Selon Platon, seule la faculté dialectique a pour terme la connaissance du bien (533 c - d). Le philosophe vient en témoigner par des interrogations permanentes, auxquelles Platon se livre tout au long de l'œuvre, ce qui lui permet d'accéder à l'acquisition des connaissances associées au monde des Idées.

Le philosophe est en cela comme le prisonnier de la caverne qui accède à la réalité, mais qui, lorsqu'il s'évertue à partager son expérience avec ses contemporains, se heurte à leur incompréhension, conjuguée à l'hostilité des personnes bousculées dans le confort illusoire de leurs habitudes de pensée.

Thèse éthique : le devoir du philosophe

L'allégorie de la caverne permet à Platon, à travers le discours de Socrate, de définir le devoir du philosophe au sein de la communauté des hommes. Le philosophe, comme l'homme libéré, a pour mission de montrer aux prisonniers leur erreurs. Ces derniers discourent sans fin sur les ombres, persuadés qu'elles sont la seule réalité ; ils ont besoin d'un tuteur, qui détruise leurs préjugés et les aident à poser un fondement solide au savoir.

Le philosophe souffre toutefois, lorsqu'il redescend dans la caverne, d'un manque de crédibilité. En effet, il est, d'abord, déboussolé, et a besoin de temps pour se réadapter. Il est donc fort mal reçu par ces mi-aveugles qui ne croient pas en l'existence du monde des Idées, pourtant le véritable monde. Ils ne peuvent comprendre dès ce moment-là que l'être humain est une âme bien plus qu'un corps, alors que l'être humain est bien une âme immortelle appartenant au monde des Idées, une âme enchaînée dans un corps prisonnier des apparences sensibles.

Il s'agit aussi de tirer un ensemble d'enseignements portant sur les relations d'une personne qui sait avec celles qui ne savent pas. Platon fait notamment la démonstration de la difficulté qu'il y a à apprendre et à enseigner. Par extension, le philosophe établit le lien avec les relations à l'autorité, la soumission, la rébellion et la fuite.

Thèse ontologique : la nature humaine et le déni de réalité

Une des raisons de la postérité et de la fécondité de l'allégorie de la caverne tient à son caractère éternel. Platon montre que les hommes, enchaînés, ne « peuvent voir que devant eux », et que les certitudes, convictions et préjugés sont difficiles à remettre en cause. Cela constitue le propre de l'humain, et rend donc l'exercice de la philosophie toujours nécessaire.

La philosophie est d'autant plus nécessaire, pour Socrate, qu'il n'est pas naturel pour l'homme d'avoir si brutalement les yeux brûlés par la lumière du soleil. Le déni de réalité est ainsi la première étape de la confrontation violente de l'esprit humain à l'inattendu : l'annonce d'une rupture, d'un rejet, d'une transformation radicale des habitudes aussi évidentes que, « confortables ». Platon dénonce le conformisme intellectuel dans lequel les habitudes d'opinion sont considérées à tort comme normes représentatives de la condition humaine.

Le philosophe poursuit son développement de l'allégorie. À la découverte du monde réel, la perplexité du prisonnier est naturellement grande. La réalité perçue avec plus de justesse ne saurait lui apparaître que « fort douteuse et incertaine » (René Descartes, Méditations métaphysiques).

Articulation avec l'argumentation de Platon

Allégorie de la caverne et cité idéale (kallipolis)

Platon utilise l'allégorie de la caverne pour ensuite embrayer sur son exposé de la cité idéale. La cité juste et belle que Platon théorise n'est pas de ce monde, mais c'est bien dans notre monde à nous que Platon entend réaliser le plus qu'il pourra de cette cité parfaite17. La cité idéale est à l'image de la justice dans l'âme des individus, socialement harmonieuse, chaque groupe social y étant à sa place. La cité idéale est ainsi « une métaphore, image grossie de l'âme, et aussi une étude de l'harmonie propre aux rapports sociaux »18.

Or, cette cité parfaite n'est possible que si un philosophe, le meilleur parmi les gardiens, prend le contrôle de l'État (thèse du philosophe roi). Selon la formule de Platon, il faut que les rois se fassent philosophes, ou les philosophes se fassent rois. Cela rejoint le propos de l'allégorie de la caverne, selon laquelle le philosophe répond à une exigence très forte en qualités humaines et intellectuelles, de telle manière que les prétendants au titre de philosophe, et de guide de la Cité, sont rares à pouvoir satisfaire les critères.

Pour que les philosophes disposent des compétences nécessaires pour diriger la Cité, en effet, il faut d'abord que s'opère en eux une conversion spirituelle (ψυχῆς περιαγωγή). Selon Platon, « il s'agit de tourner l'âme du jour ténébreux vers le vrai jour » (521 c), cette conversion de « l'œil de l'âme », « de la partie la plus noble de l'âme » (ὲπαναγωγή τοῦ βελτίστου ὲν ψυχῆ) est répétée maintes fois par Platon (518 c-d, 532 b, 533 d) ; puis, il faudra « monter par le raisonnement pur, dépouillé de toute trace de sensation, jusqu'aux réalités intelligibles »19, et parvenir à la connaissance des Idées, et plus particulièrement de l'Idée de Bien, « cause universelle de toute rectitude et de toute beauté » (517 c). Encore faudra-t-il éviter les dangers de la dialectique : car elle peut conduire au scepticisme ou au cynisme si elle est mal pratiquée ou pratiquée trop tôt par des jeunes gens qui s'en font un jeu20.

Platon en vient donc à démontrer que les dirigeants de la cité doivent être formés pour ne venir au pouvoir que par nécessité, (έπ΄άναγκαίον), par devoir, et non par l'attrait que peut représenter l'exercice de l'autorité : « Il ne faut pas que les amoureux du pouvoir lui fassent la cour, autrement il y aura des luttes entre prétendants rivaux (521 b) 21 ».

Allégorie de la caverne et théorie des Idées

Platon utilise l'allégorie de la caverne pour préparer sa principale théorique épistémologique qu'est la théorie des Idées. Dans un monde changeant où toutes les formes sont imparfaites, la régularité des choses ne peut provenir que de l'existence d'un moule commun : l'Idée, par exemple, l'Idée du cheval, l'Idée de l'homme, l'Idée de la justice, etc. Cette théorie est dualiste, car elle sépare la réalité en deux parties bien distinctes[citation nécessaire]. Elle est idéaliste, car elle fait primer le monde intelligible (le Ciel des Idées) sur le monde sensible (le Monde matériel). Enfin elle est réaliste, car les Idées existent indépendamment de nous qui les concevons, formant ensemble la seule véritable réalité. Elle forme une ontologie (théorie de l'être) qui aura une influence considérable et qui sera aussi extrêmement critiquée22.

Débats

Allégorie de la caverne contre mythe de la caverne

Si ce récit est aujourd'hui principalement qualifié d'allégorie, la qualification adéquate à apporter au récit a longtemps fait débat. Le terme de mythe lui a longtemps été préféré. Jean-François Mattéi s'est ainsi prononcé sur le sujet :

 
Allégorie de la caverne par Pieter Jansz Saenredam.

« Écartons tout de suite une difficulté préliminaire : doit-on parler de mythe ou d’allégorie de la caverne ? La question a été longuement débattue par les commentateurs modernes jusqu'à ce que le terme d'« allégorie » finisse aujourd'hui par l'emporter. »

— Jean-François Mattéi23.

La phrase introductive établit clairement la nature allégorique (c’est-à-dire métaphorique) du propos. Socrate dit à Glaucon : « Représente-toi de la façon que voici l'état de notre nature relativement à l'éducation et à l'ignorance24 ». Cet état du savoir ou de l'ignorance se comprend par rapport au symbole de la ligne qui précède immédiatement cette phrase introductive : au livre VI (509 d - 511 e), Platon a défini les quatre objets de connaissance dont se compose l'univers, dans l'ordre du visible et dans l'ordre de l'intelligible. L'allégorie de la caverne tire de cette division en quatre segments les conséquences relatives à l'éducation : les connaissances de l'homme sans éducation se bornent au domaine des images et des opinions (είκόνες, δοξαστά) ; l'homme éduqué accède aux objets intelligibles inférieurs (en grec νοητά) ; seul le dialecticien s'élève jusqu'aux objets intelligibles supérieurs25.

Néanmoins on découvre, dans d'autres dialogues, notamment dans le Phédon, que Socrate considère le monde sensible comme la prison de l'âme. Quant au monde intelligible, auquel peut accéder l'âme par la philosophie, il est la seule réalité authentique. L'allégorie de la caverne est pour Platon plus qu'une simple métaphore, mais non un mythe26,27, ce dernier concernant plus généralement, à la différence de l'allégorie, des dieux, héros ou personnages légendaires, ou bien relatant des événements ayant lieu en dehors de l’existence terrestre28. Il s'agit d'une représentation de la réalité de ce que peut vivre une personne ayant fait son chemin de réflexion, d'élévation d'elle-même, c'est-à-dire son propre parcours initiatique qu'elle ne doit pas réserver pour elle-même, mais qu'elle doit savoir offrir aux autres, jusque dans l'accomplissement d'un devoir auprès de ses semblables, devoir de prise de responsabilités publiques.

Allégorie de la caverne comme allégorie de la libération face au conditionnement

L'allégorie de la caverne propose une réflexion sur les préjugés et le conditionnement des esprits. Platon invite en effet ses contemporains à rejeter toutes formes d'idées reçues et à se montrer vigilants sur ce qui est tenu pour vrai, et donc, sur ce qui est parfois imposé comme étant la vérité. Cela rejoint sa méfiance à l'égard des rois qui ne sont pas philosophes.

Le philosophe met l'accent sur l'esprit de responsabilité qui doit animer les citoyens, puisque les prisonniers de la caverne représentent ceux qui préfèrent ne pas s'interroger ni remettre en cause l'ordre établi. Le philosophe est celui qui prend le risque de partage la vérité à laquelle il a accédé.

Plusieurs auteurs ont été inspirés par l'allégorie de la caverne, tels que Pierre Abélard, Jean de Salisbury avec le theatrum mundi, Edwin Abbott Abbott (auteur de Flatland), ou encore Cervantes (Don Quichotte). A un autre niveau, Antoine de Saint-Exupéry y fait référence dans Lettre à un otage, où il écrit que « C'est toujours dans les caves de l'oppression que se préparent les vérités nouvelles ».

Plus récemment Franck Pavloff (auteur de Matin Brun) ou encore José Saramago, avec son roman La Caverne29, ont mis le thème en avant. Le livre Matrix, machine philosophique consacre un chapitre à l'interprétation de la trilogie Matrix comme une version de science-fiction de cette allégorie de la caverne30.

Le philosophe Alain Badiou a commenté et interprété l'allégorie de la caverne dans le chapitre 11 de son livre La République de Platon31. Il applique ses leçons aux représentations fallacieuses du réel qui seraient produites par les médias :

« Imaginez une gigantesque salle de cinéma. En avant l'écran, qui monte jusqu'au plafond, mais c'est si haut que tout ça se perd dans l'ombre, barre toute vision d'autre chose que de lui-même. La salle est comble. Les spectateurs sont, depuis qu'ils existent, emprisonnés sur leur siège, les yeux fixés sur l'écran, la tête tenue par des écouteurs rigides qui leur couvrent les oreilles. Derrière ces dizaines de milliers de gens cloués à leur fauteuil, il y a, à hauteur des têtes, une vaste passerelle de bois, parallèle à l'écran sur toute sa longueur. Derrière encore, d'énormes projecteurs inondent l'écran d'une lumière blanche quasi insupportable. […] Sur la passerelle circulent toutes sortes d'automates, de poupées, de silhouettes en carton, de marionnettes, tenus et animés par d'invisibles montreurs ou dirigés par télécommande. Passent et repassent ainsi des animaux, des brancardiers, des porteurs de faux, des voitures, des cigognes, des gens quelconques, des militaires en armes, des bandes de jeunes des banlieues, des tourterelles, des animateurs culturels, des femmes nues… Les uns crient, les autres parlent, d'autres jouent du piston ou du bandonéon, d'autres ne font que se hâter en silence. Sur l'écran on voit les ombres que les projecteurs découpent dans ce carnaval incertain. Et, dans les écouteurs, la foule immobile entend bruits et paroles. […] Ils n'ont donc aucune autre perception du visible que la médiation des ombres, et nulle autre de ce qui est dit que celle des ondes. Si même on suppose qu'ils inventent des moyens de discuter entre eux, ils attribuent nécessairement le même nom à l'ombre qu'ils voient qu'à l'objet, qu'ils ne voient pas, dont cette ombre est l'ombre […] Ils n'entendent que la copie numérique d'une copie physique des voix humaines. »

Allégorie de la caverne et difficulté de l'enseignement

L'allégorie de la caverne (et une partie de la République) est aussi une réflexion sur l'enseignement et la transmission du savoir. Socrate est sans ambiguïté sur le sujet dès la première phrase du Livre VII, où il débat explicitement de la transmission des connaissances. Il y précise aussi la façon pédagogique : « L'homme libre ne doit rien apprendre en esclave (…) Les leçons que l'on fait entrer de force dans l'âme n'y restent point » (536 e). Alors, comment enseigner et comment apprend-on le mieux ? Socrate donne une injonction : « Fais en sorte que (les enfants) s'instruisent en jouant : tu pourras par là mieux discerner les dispositions naturelles de chacun » (537 a).

Pour Platon, la condition première de l'humanité, c'est l'ignorance dont il faut se départir impérativement : produit de notre éducation et de nos habitudes, elle nous rend prisonniers des apparences. Dans l'allégorie de la caverne, Platon décrit à travers la parole de Socrate cette situation d'ignorance fondamentale dans laquelle nous nous trouvons.32.

Dans l'art

Littérature, manga et bande dessinée

Cinéma

Notes et références

Annexes

Bibliographie

Liens externes